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› la mesure de la capacité d'intenter cette action est toujours la même que > celle de l'intérêt de celui qui l'intente. » M. d'Aguesseau, tom. 3, pag. 690. Les parties eurent recours à M. Gignoux et à moi. Nous décidâmes la question contre les sieurs Sales, par sentence arbitrale du 13 juillet suivant. L'intention évidente, tant des assureurs que des assurés, avait été que les vaisseaux navigueraient sous une escorte capable d'écarter les corsaires.

Les mots indéfinis, avec obligation d'escorte, insérés dans la première signature, laquelle régit toutes les autres, expliquaient le pacte contenu dans la police. Suprà, ch. 2, sect. 4, § 2.

L'avenant signé par tous les assureurs, à l'exception d'un seul, faisait assez connaître le véritable sens du contrat.

Enfin, les bâtimens d'une république sont de vrais bâtimens de roi. Car le souverain est, ou un homme seul, ou une multitude d'hommes réunis en un conseil, et ne formant qu'une volonté. Les Romains étaient un peuple roi populus rex. On ne peut disputer le même titre aux états républicains. Dans la démocratie, la majesté est l'attribut du peuple entier; dans l'aristocratie, elle est l'attribut du collège des grands; et dans la monarchie, elle est l'attribut du monarque : Patet in democratiâ majestatem convenire populo universo; in aristocratiâ, collegio optimatum; in monarchia et regno, regi. Wolff, $ 898.

Vid. Burlamaqui, Principes du droit politique, part. 1, ch. 5, no. 3. Grotius, lib. 1, cap. 3, S 7. Esprit des lois, liv. 2, ch. 2, etc.

Nous décidâmes donc que les sieurs Sales devaient être déboutés de leur requête, et continuer de courir le risque par eux souscrit.

On a vu dans la section première du présent chapitre que le sieur Roland l'aîné fut condamné à courir sur le navire le César, capitaine la Tournerie, le risque qu'il avait pris sur le même navire, auparavant appelé la Poste, capitaine Roger. Il est vrai qu'en règle générale, il n'est pas permis de plaider pour un intérêt futur, ni d'intenter une action non encore née. L. 35, ff de judiciis. L. 36, ff de reb. cred. L. 13, § 1, ff de pign. et hypot. Cujas, sur la loi 23, ff de judiciis, et sur la loi 76, ff de verb. oblig.

1

Mais cette règle n'a pas lieu lorsqu'il y a péril dans la demeure, et qu'il s'agit de prévenir un mal dont on est menacé. C'est alors le cas de l'action de damno infecto; et voici comme parle Mantica, de tacitis, lib. 14, tit. 42, n°. 3, tom. 2, pag. 217: Non potest priusquàm agere ante implementum conditionis, etiam ad affectum, ut reus, conditione impletâ, condemnetur. Quod intelligitur, nisi periculum sit in mora, si implementum conditionis expectetur.

Les sieurs Sales acquiescèrent à notre sentence arbitrale, et se firent réas

surer.

Par ce moyen, les deux parties furent satisfaites. Le triomphe de la justice est de prévenir les procès, ou de les éteindre dans leur principe.

Septième cas. En juillet 1782, on avait fait des assurances sur un navire, de sortie de Marseille jusqu'aux détroits de Gibraltar, et dans la police il était dit que le navire partirait de Marseille sous l'escorte d'un bâtiment de roi; autrement, assurance nulle.

Une frégate, chargée de munitions de guerre pour Algésiras, se trouvait à l'Estaque. Le navire assuré mit à la voile sous les auspices de cette frégate, qui lui accorda protection, et qui partit en même tems.

Consulté sur ce cas, je fus d'avis que si le navire était pris par les ennemis, les assureurs seraient fondés à refuser le paiement de la perte; car autre chose est d'être sous l'escorte d'un bâtiment de roi, et autre chose est de naviguer simplement sous ses auspices. Je conseillai donc à l'assuré, ou de faire signer aux assureurs un avenant qui leur expliquât la nature de l'escorte dont il s'agissait, ou de leur proposer de rayer leur signature. Une frégate, obligée de remplir en diligence sa mission, ne peut, pendant le voyage, ni ralentir sa marche pour se conformer à celle d'un navire marchand, ni s'arrêter pour combattre des corsaires.

$ 3. Enonciation que

po
pour le compte du

roi.

Lors de la guerre de 1755, les sieurs Rigaud, Vernet et compagnie, frétèrent le navire l'Archange Saint-Michel aux commissionnaires de l'armée, le navire est nolisé et firent faire des assurances sans expliquer la nature de cet affrétement, qui était très-propre à aggraver le risque. En effet, les munitionnaires se trouvèrent soumis à des ordres supérieurs, dans l'exécution desquels le navire fit naufrage à la plage de Nice. Les assureurs furent déchargés de la perte par arrêt du Parlement d'Aix. Notes de M. Pazery.

Si le navire qu'on fait assurer n'avait pu totalement être radoubé dans le lieu du départ, et que cette circonstance fût connue de l'assuré lors de l'assurance souscrite, il serait obligé d'en faire mention dans la police. Mais si la chose lui était inconnue, on ne saurait lui faire un crime de n'en avoir pas parlé, pourvu toutefois que le navire n'eût pas mis à la voile dans un état d'innavigabilité. Infrà, ch. 12, sect. 38.

J'ai vu faire des assurances sur un navire déclaré innavigable à Gênes, et qui fut ramené côte à côte jusqu'à Marseille. Si ce navire eût fait naufrage, les assureurs auraient été condamnés à payer la perte, attendu que l'état de

ce vaisseau leur avait été manifesté.

$ 4. Vaisseau qui, lors

de l'assurance, se trouve en mauvais

état.

$ 5.

Dans le ch. 8, sect. 9, je rapporterai un arrêt rendu au sujet d'une assurance sur quatre prises, faites par un corsaire français. L'un de ces navires, appelé le Port Marchand, avait eu dans le combat le grand mât et celui d'artimon rompus. Le capitaine amarina les prises, et écrivit tout de suite pour qu'on les fit assurer. Partie des assurances furent faites à Marseille sans qu'on y spécifiât l'état de ce navire. Il fut ensuite repris par les Anglais. Les trois autres furent repris également. Les assureurs refusaient de payer la perte; et ils insistaient en particulier sur ce que la police n'avait pas expliqué l'état délabré du navire démâté. Ils furent condamnés à payer l'entière somme assurée, attendu qu'ils devaient présumer que des vaisseaux pris après un combat, avaient été maltraités.

Le Guidon de la mer, ch. 2, art. 1, veut que la police contienne le port et Capacité du na- la capacité du navire. On le spécifie souvent, mais notre Ordonnance ne l'exige

vire.

Enonciation dy nombre d'hommes et de canons.

$6.

Du pavillon.

point,

On énonce quelquefois dans les polices le nombre d'hommes et de canons dont le navire est armé. Cette énonciation n'est pas de nécessité; mais si elle est fausse, les assureurs peuvent, suivant les circonstances, être dispensés de payer la perte. On est alors au cas de la règle expressa nocent; non expressa non nocent. L. 195, ff de reg. jur.

Les assurances faites, par exemple, sur un navire génois seraient nulles, si le navire était parti sous pavillon et avec patentes du grand-duc de Toscane. Casaregis, disc. 68, no. 1. Targa, cap. 33, not. 20, pag. 149.

CONFÉRENCE,

LIII. En matière d'assurance, il est un principe certain, c'est que tout ce qui augmente les risques, les chances heureuses ou funestes, doit être connu des assureurs. Ce principe est fondé non seulement sur les dispositions de l'art. 348 du Code de commerce, mais encore sur celles de l'art. 334 du même Code et de l'art, 7, titre des assurances, de l'Ordonnance de la marine.

Il faut écarter la doctrine que professe Valin sur ce dernier article, lorsqu'il dit «que l'as»surance n'étant que sur le navire, il importe peu qu'il soit chargé ou vide, puisque l'as» sureur et l'assuré n'ont que le navire pour objet. » En effet, on sent qu'un navire chargé a souvent une marche plus lente, qui l'expose plus long-tems aux dangers de la mer; il a moins de facilité pour éviter l'ennemi. D'ailleurs, en cas de délaissement, le fret appartient à l'assureur, d'après l'art. 386 du Code de commerce. Sous ces deux rapports, l'assureur a un intérêt pressant de savoir s'il est vide ou chargé. C'est pourquoi l'art. 334 du même Code dispose: L'assurance peut avoir pour objet le corps et quille du vaisseau, vide ou chargé, armé ou non armé, seul ou accompagné.

Un navire armé ou non armé, seul ou accompagné, armé en course ou armé en course et

marchandises, allant sous escorte ou sans escorte, sous l'escorte d'un bâtiment de l'Etat, ou sous ses auspices, naviguant sous tel ou tel pavillon, partant avec convoi, ou sans convoi, etc., sont autant de circonstances qui véritablement influent plus ou moins sur l'étendue des risques, et sur la hausse ou la baisse de la prime, et qui doivent être déclarées par l'assuré dans la police.

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Il faut encore écarter l'opinion de Valin, qui ajoute, loco citato, « qu'en cas de fausse » déclaration de la part de l'assuré, l'assurance pourrait, suivant les circonstances, être annulée, ou du moins qu'il y aurait lieu d'assujétir l'assuré à une augmentation de prime » proportionnée aux risques qu'il aurait fait courir de plus à l'assureur. » L'art. 348 du Code de commerce n'admet point de semblables transactions, de telles subtilités. « L'assu»rance est nulle, porte cet article, même dans le cas où la réticence, la fausse déclara» tion ou la différence, n'auraient pas influé sur le dommage ou la perte de l'objet assuré. » L'assurance ne peut jamais porter sur des marchandises prohibées, et lors de leur saisie, les assurés ne peuvent actionner les assureurs en remboursement, quand même ceuxci eussent été instruits de la nature des marchandises, à moins qu'ils ne se fussent rendus garans de la baraterie de patron; parce que ce qui est nul dans le principe ne peut produire aucun effet, ni donner lieu à aucune action.

SECTION V.

Assurance in quovis.

Si on ignore dans quel navire les effets qu'on a en pays étrangers seront chargés, on les fait assurer in quovis.

$1.

En quel cas et comment peut - on faire assurer in quo

Pourront toutefois les chargemens qui seront faits pour l'Europe aux vis? ⚫ Echelles du Levant, aux côtes d'Afrique et autres parties du Monde, être » assurés sur quelque navire qu'ils puissent être, sans désignation du maître

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ni du vaisseau, pourvu que celui à qui ils devront être consignés soit dénommé

» dans la police. » Art. 4, titre des assurances, de l'Ordonnance.

Vid. Guidon de la mer, ch. 12, art. 2. Targa, ch. 52, no. 4.

Valin, ibid., observe qu'on peut déroger à la dernière disposition de l'art. 4, lorsqu'on est incertain à l'adresse de qui les marchandises qu'on a dans l'étranger seront chargées. Dans ce dernier cas, il suffit que l'assuré prouve que les marchandises étaient pour son compte, quoique chargées à l'adresse d'autrui. Le même auteur ajoute que pour prévenir les fraudes, la police doit exprimer précisément la partie du Monde où les marchandises doivent être chargées. Il faut donc dire, par exemple, que c'est en Levant, aux Indes orien

tales, aux Iles françaises, au Mexique, au continent anglo-américain, sans être obligé d'expliquer le lieu particulier, parce que souvent on ignore les négociations que le correspondant peut avoir faites d'un endroit en un autre, avant que de faire passer les retraits en France.

Voici l'espèce d'un cas qui mérite d'être remarqué :

Le sieur Jean Fesquet se fit assurer 13,000 liv., de sortie de Marseille jusqu'aux lles françaises de l'Amérique, sur les facultés, consistant en espèces qui se trouveront chargées dans le vaisseau l'Amphitrite, capitaine Lombardon; et de sortie desdites Iles françaises jusqu'à Marseille, ou autre port de France, sur les facultés et marchandises qui se trouvent chargées in quovis, dans un ou plusieurs bâtimens français, quels qu'ils puissent être.

L'Amphitrite arriva heureusement au Cap. Le capitaine Lombardon chargea :

Sur l'Entreprenant, pour.....

Sur le Saint-Pierre et Saint-Paul....

Sur le Ferme.....

Sur le duc de Penthièvre

Sur la Concorde....

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$ 2.

Clause que, dans

Les trois premiers navires arrivèrent heureusement. Les deux derniers furent pris par les Anglais. Le sieur Fesquet requit que les 13,000 liv. assurées fussent réparties sur les facultés chargées dans les cinq vaisseaux, et il demanda que les assureurs fussent condamnés à payer la perte, par règle de proportion, sur le total.

Les assureurs disaient que les trois navires heureusement arrivés avaient apporté au sieur Fesquet des retraits dont la valeur excédait la somme assurée; qu'ainsi, l'objet de l'assurance était rempli.

Le sieur Fesquet, pour qui M. Massel écrivait, répondait que les retraits chargés dans les cinq vaisseaux formaient une masse respectivement commune et aux assureurs, pour les sommes par eux souscrites, et au chargeur, pour son découvert non assuré ; que, par conséquent, les assureurs devaient répondre du sinistre, par règle de proportion. Sentence du 15 mars 1757, qui condamna les assureurs au paiement de cinquante-quatre pour cent des sommes par eux assurées. Cette sentence fut acquiescée et exécutée.

Straccha, gl. 8, no. 3, parle de la clause de pouvoir, dans le cours du voyage, le cours du voyage, les charger sur d'autres navires les effets assurés. Il décide que ce pacte est bon, effets assurés pourront être charges dans pourvu que le chargement intermédiaire sur d'autres navires soit fait sans

d'autres navires.

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