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Cette manière d'opérer fut autorisée par arrêt du 20 mai 1760, au rapport de M. de Mons, en faveur de Barthélemi Benza, pour qui j'écrivais, contré la masse des créanciers de Jean-André B**.

Autre arrêt. Jean-Baptiste Roux avait assuré au sieur Simon Gilly, à la prime de douze pour cent, la somme de 2,400 liv., de sortie des Iles françaises de l'Amérique, jusqu'en un port d'Europe, sur les facultés chargées sans connaissement dans les trois frégates du roi, la Valeur, la Fleur de Lys et la Sirène. Peu de tems après on eut avis que les trois frégates avaient été attaquées par des vaisseaux de guerre anglais. Le sieur Roux se fit réassurer ladite somme de 2,400 liv. à la prime de quatre-vingt-dix pour cent, déclarant faire assurer la prime, et toutes les primes des primes. Cette réassurance se montait donc à la somme importante de 24,000 liv., savoir :

Pour le capital, formant dix pour cent du total...... 2,400 liv.
Pour les primes à quatre-vingt-dix pour cent.......... 21,600

24,000

Ces trois frégates furent prises. Arrêt du 28 juin 1762, au rapport de M. de Camelin, qui condamna les réassureurs à payer à Roux les 24,000 liv. réassurées.

On peut opposer que les primes ne sont pas un effet embarqué dans le navire, et physiquement exposé aux flots de la mer.

Mais, 1. elles sont une impense faite pour la chose même qui est embarquée; 2°. elles dépendent du sort de la navigation. En un mot, le bien du commerce a introduit cette espèce d'assurance, qui ne blesse en rien le droit public.

A Bordeaux, et en divers autres endroits, il est d'usage, en tems de guerre, d'insérer dans la police la clause suivante : Nous vous permettons (ce sont les assureurs qui parlent), de vous faire assurer en entier les primes et primes des primes. Cette clause a le même effet que s'il était dit qu'on fait assurer la prime et primes des primes. Valin, art. 20, des assurances, s'élève contre deux sentences de la Table de Marbre de Paris, qui avaient décidé le contraire; d'où il prend occasion d'observer que, pour juger de la force et › du sens des clauses des contrats appartenans au commerce, il faut plutôt » s'en tenir à l'usage que s'attacher à la signification des mots pris littérale› ment, et suivant les règles de la grammaire. Suprà, ch. 2, sect. 7, § 4.

D

CONFÉIENCE.

LXXVI. Les primes des primes, c'est lorsqu'er sus du capital, on fait assurer non seulement la prime, mais encore les primes des primes qui en dérivent. Le nouveau Code de commerce n'en parle pas plus que l'Ordonnance; mis l'assurance des primes des primes par l'assuré n'en est pas moins usitée aujourd'hui, ainsi qu'elle l'était sous l'empire de l'Ordonnance.

En effet, celui qui a fait assurer des marchandises ne peut plus les faire réassurer, parce qu'à leur égard, il ne court plus aucun risque. Mais il court encore des risques relativement à la prime; car en cas de perte de ses marchandises, cette prime étant toujours retenue par l'assureur, serait perdue pour lui sans dédommagement: il peut donc la faire

assurer.

Un exemple fera sentir l'intérêt qu'il peut y avoir et donnera une idée de cette opération. Je fais assurer 40,000 francs de marchandises à une prime de dix pour cent, ce qui fait ci......

4,000o.

Je fais assurer cette prime de 4,000 francs au même taux, ce qui produit une seconde prime qu'on nomme prime de la prime, et qui, dans notre exemple, s'élève à ci......

400

Je fais assurer cette seconde prime au même taux, ce qui me donnera pour la troisième prime ci...

Faisant encore assurer cette troisième prime toujours au même taux, elle scra assurée pour ci......

Et ainsi de suite jusqu'à l'infini.

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Alors il résultera de ces assurances des primes des primes, que si le navire arrive à bon port, j'aurai payé en totalité pour les différentes primes 4,444 francs, qui seront autant à diminuer sur le bénéfice de mes marchandises. Mais aussi si ces marchandises périssent, je ne perdrai que 4 francs. Dans ce cas le premier assureur me rendra la valeur de mes marchandises, moins la prime de 4,000 francs; mais cette prime étant assurée par le second assureur, il me la rendra, moins sa prime de 400 francs; celle-ci me sera rendue à son tour par le troisième assureur, qui retiendra sa prime de 40 francs, laquelle me sera restituée par le quatrième assureur, qui n'aura à retenir que sa prime de 4 francs : c'est là tout ce que je perdrai.

Mais je ne perdrai rien, si je fais assurer la prime des primes à l'infini.

D'ailleurs, rien n'empêche que la prime de la prime ne soit pas au même taux que la première prime. Cela dépend du plus ou moins de dangers que l'on prévoit lors du contrat, pour les marchandises et objets assurés. ( Art. 542 du Code de commerce).

$ 1.

SECTION XIV.

Réassurance.

« Il sera loisible aux assureurs de faire réassurer par d'autres les effets qu'ils >> auront assurés. Art. 20, titre des assurances.

« Les primes des réassurances pourront être moindres ou plus fortes que

⚫ celles des assurances. » Art. 21.

Ces deux articles sont tirés du Guidon de la mer, ch. 2, art. 19.

La réassurance est un contrat par lequel, moyennant une certaine prime, Qu'est-ce que c'est que la réassurance? l'assureur se décharge sur autrui des risques maritimes dont il s'était rendu

Prime de la réas

surance.

§ 2.

responsable, mais dont il continue cependant d'être tenu vis-à-vis de l'assuré primitif. C'est ici le fidejusseur qui se procure un fidejusseur pour lui-même. Le souscripteur de la réassurance devient fidejussor fidejussoris, pour me servir des paroles de la loj 4, ff de fidejussor. Roccus, not. 12. Casaregis, disc. 1, n°. 67.

Le premier contrat subsiste tel qu'il a été conçu, sans novation ni altération. La réassurance est absolument étrangère à l'assuré primitif, avec lequel le réassureur ne contracte aucune sorte d'obligation.

Les risques que l'assureur avait pris forment entre lui et le réassureur la matière de la réassurance, laquelle est un contrat nouveau, totalement distinct du premier, qui n'en subsiste pas moins dans toute sa force.

Voilà pourquoi les primes des réassurances peuvent être moindres ou plus fortes que celles des assurances. Si la prime est moins forte, c'est un gain que fait le premier assureur. Si elle est plus forte, c'est une perte pour lui. La chose ne concerne en rien l'assuré primitif, lequel n'est point intervenu dans ce nouveau contrat. Pothier, no. 96.

Il suit de ce principe que l'assuré primitif ne peut exercer ni action diL'assuré primitif recte, ni privilége sur la réassurance. Ceci s'expliquera mieux par un exemple. a-t-il privilége sur la

réassurance?

Joseph D***. se rendit assureur envers Raymond Aubert et compagnie, de sortie de Bordeaux jusqu'aux Iles françaises, pour 1,500 liv., à la prime de trente-cinq pour cent, compensable en cas de perte, avec déclaration que la prime et les primes des primes seraient comprises dans cette réassurance. Le vaisseau fut pris par les Anglais. Joseph D***. fit faillite.

Raymond Aubert et compagnie présentèrent requête contre D***. en condamnation des 1,500 liv. assurées, et en préférence sur le montant de la réassurance.

Cette préférence fut disputée par la masse des créanciers du failli, attendu que la réassurance était étrangère aux assureurs primitifs.

Sentence du 7 septembre 1763, rendue par l'amirauté de Marseille, qui rejeta le privilége demandé par Raymond Aubert, etc.

Il suit encore des mêmes principes que la grâce ou remise faite à l'assureur, ne profite pas à son réassureur.

Un assureur fit faillite, et par le moyen de son concordat, il en fut quitte envers l'assuré pour soixante pour cent du montant de la perte. Le réassureur voulait profiter de la même grâce vis-à-vis de l'assureur failli. Sentence du 17 décembre 1748, rendue par l'amirauté de Marseille, qui condamna le réassureur à payer au failli l'entière somme réassurée.

Autre exemple. Les sieurs Joseph et Georges Audibert et le sieur Rostan, intéressés au corps et cargaison du vaisseau l'Oiseau, capitaine Patras, firent faire des assurances pour leur compte, de sortie des Iles françaises. D*** y prit risque pour 3,200 liv. Le 23 janvier 1777, le navire partit du Cap Français. Le 16 avril suivant, D*** se fit réassurer 4,200 liv. sur le risque par lui pris, et sur la prime et primes des primes.

On n'eut plus aucune nouvelle du capitaine Patras, qui eut le malheur de devenir la proie des flots.

D*** fit faillite. Les ayant-cause de ce failli demandèrent paiement des 4,200 liv. réassurées. Les sieurs Audibert et Rostan réclamèrent la même somme, pour s'y payer, par privilége, de l'assurance à eux due. Sentence du 28 avril 1780, qui, sans avoir égard au privilége prétendu par les sieurs Audibert et Rostan, ordonne que les 4,200 liv. seront payées aux ayant-cause de D***, pour lesquels j'avais consulté.

Valin, art. 20, titre des assurances, croit que l'assureur qui se fait réassurer doit déduire la prime de la première assurance, parce que, dit-il, cette prime étant acquise à l'assureur, quel que soit l'événement, il n'y a aucun risque pour lui à courir.

Cette question est ardue. En 1759, je la décidai en qualité d'arbitre. Le sieur Sibon ayant assuré à la compagnie royale d'Afrique la somme de 600 liv., d'entrée et sortie des concessions d'Afrique jusqu'à Marseille, à la prime de trente pour cent, et voulant se mettre à couvert des événemens que le retardement du navire faisait craindre, se fit réassurer la somme de

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1,200 liv. à la prime de cinquante pour cent, avec condition qu'il se faisait assurer la prime et primes des primes, jusqu'à extinction; clause qui réduisit la somme assurée à celle de 600 liv., composant le risque du sieur Sibon sur le capitaine Barrière.

Le bâtiment ayant été pris, le sieur Sibon demanda à ses réassureurs le paiement des 1,200 liv., sous la déduction de la primè, qui était compensable.

Les sieurs Olive et Damien, ses réassureurs, prétendaient que la prime de trente pour cent, qu'il avait exigée de la compagnie, devait être déduite de la somme assurée, et que, par ce moyen, il n'avait pu faire réassurer que 420 liv., lesquelles, avec les primes des primes, ne se montaient qu'à 840 liv.

Je répondis que la disposition de l'Ordonnance est générale; elle permet de faire réassurer les effets assurés, sans qu'elle ajoute qu'on doive déduire de ces mêmes effets les primes reçues ou stipulées.

En cas de perte, le réassureur est tenu de l'assurance faite, et il est obligé de payer tout ce que l'assureur doit payer lui-même : Et iste secundus assecurator tenetur pro assecuratione facta à primo, et ad solvendum omne totum quod primus assecurator solverit. C'est ainsi que s'expliquent Roccus, de assecur., n°. 30; Casaregis, disc. 1, n°. 67, et tous nos auteurs.

Le sieur Sibon avait fait réassurer les 600 liv. par lui assurées; ce qui lui était permis.

La perte étant arrivée, les réassureurs devaient donc payer les mêmes 600 liv., qui faisaient l'objet de l'une et de l'autre assurance.

Les primes stipulées dans l'une et dans l'autre, n'altèrent en rien l'objet principal et direct du contrat; elles forment un point qu'il ne faut pas confondre avec la chose assurée.

Le sieur Sibon n'avait pas fait assurer au pair. Il l'avait fait au cinquante pour cent; et par une clause particulière, les primes des primes étaient assurées; de sorte que si le vaisseau fût arrivé à bon sauvement, le sieur Sibon, qui avait gagné une prime de 180 liv., en aurait payé une de 600 liv.

Le vaisseau fut pris. Le sieur Sibon devait donc d'une main payer à l'assuré 600 liv., et recevoir de l'autre une pareille somme de 600 liv. de la part des réassureurs.

Il est vrai que, par le moyen de l'assurance des primes des primes, il gagna la première prime de trente pour cent; mais ce profit fut la récompense du nouveau risque auquel il s'était engagé. C'était là un contrat nou

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