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Il ne peut réclamer non plus les honoraires d'avocats qu'il a chargés de soutenir la validité de la prise.

Le droit proportionnel à la valeur des prises, que la déclaration de 1778 a permis de stipuler en faveur du capitaine du navire capteur, pour dédommagement du coffre du capipitaine capturé, et fixé à deux pour cent, peut être réduit à ce taux de deux pour cent, encore que la fixation arrêtée entre les parties soit supérieure, etc. (Arrêt de Rennes, du 30 juin 1821, et arrêt de cassation du 26 janvier 1825; voyez Dalloz, 1825, pag. 151; voyez aussi Dalloz, 1824, pag. 52 de la seconde partie, où sont traitées les graves questions résultant de la prise du navire espagnol la Mariana, faite par le vaisseau de guerre français le JeanBart, avant toute déclaration de guerre entre l'Espagne et la France).

SECTION XX.

Confiscation prononcée par l'ennemi.

Le fait du prince est mis dans la classe des cas fortuits. L. 11, ff de evict. Scaccia, quest. 1, no. 136.

Il en est de même du fait ou de la sentence injuste du magistrat. L. 2, S9, ff si quis cautionib. L. 52, § 18, ff pro socio. Scaccia, quest. 1, n°. 137.

Peu importe que l'injustice procède de la corruption du juge ou de son ignorance: Quid refert, sordibus judicis, an stultitia, res perierit? L. 51, ff de

evictionib.

Il est donc certain que les assureurs répondent de la confiscation injuste prononcée par le tribunal du lieu où le navire pris a été conduit. Roccus, not. 54. Valin, art. 48, titre des assurances, où une de mes consultations est imprimée.

J'ai observé au ch. 4, sect. 7, que les jugemens rendus par les tribunaux étrangers ne sont en France d'aucun poids contre les Français, et qu'il faut que la cause y soit de nouveau décidée.

D'où il suit que le jugement de confiscation, prononcé par un tribunal ennemi, n'est ni une preuve que le véritable pour compte ait été caché, ni un titre que les assureurs puissent alléguer pour se dispenser de payer la perte. Telle est notre jurisprudence.

Premier arrêt. En 1743, Arnaud la Maignière et Bernard Laparade, négogocians à Bayonne, firent assurer à Marseille, de sortie de Bayonne jusqu'à Cadix, 8,000 liv. sur les facultés et marchandises qui seraient chargées dans le vaisseau le Saint-Bernard, capitaine Bernard Laparade, Français de nation,

T. I.

58

Confiscation in

juste.

noncée par juge étranger, est-elle

Confiscation pro

présumée juste ?

moyennant la prime de deux pour cent. (Nous étions alors en paix avec l'Angleterre, qui était en guerre avec l'Espagne).

Le navire partit vide de Bayonne; il relâcha à Saint-Sébastien, port d'Espagne, où il reçut un chargement de fer pour compte des assurés. Ayant remis à la voile, il fut pris par un vaisseau de guerre anglais, qui le conduisit à Gibraltar. Jugement de la vice-amirauté de Gibraltar, rendu le 1o. juin 1744, qui relâcha le vaisseau comme appartenant à des Français, et déclara de bonne prise les marchandises, comme appartenant à des Espagnols.

Les assureurs attaqués disaient, entre autres choses, qu'on les avait trompés; qu'au lieu de charger à Bayonne des marchandises propres à des Français, on était allé à Saint-Sébastien prendre un chargement espagnol; que ce vice, qui leur avait été dissimulé, et qui avait été la cause de la confiscation, était authentiqué par le jugement de Gibraltar; qu'ainsi ils ne répondaient point de la perte.

Les assurés, pour qui j'écrivais, répondaient, 1°. que le jugement anglais n'était d'aucun poids en France; 2°. que la clause de faire échelle avait permis au capitaine d'aller prendre son chargement à Saint-Sébastien; 3°. que la propriété française était justifiée par le connaissement; qu'ainsi le jugement de confiscation était injuste; qu'en un mot, les assureurs ne rapportaient pas la preuve du contraire. Sentence du 16 avril 1745, qui condamna les assureurs au paiement des sommes assurées. Arrêt du 15 juin 1746, au rapport de M. Ravel des Crottes, qui confirma cette sentence.

Second arrêt. En l'année 1743, Michel Grou et Libaud, de Hambourg, avaient fait assurer à Marseille, de sortie des Canaries jusqu'au Hâvre de Grâce, 18,500 liv. sur les facultés et marchandises de la goëlette Notre-Dame d'Olliveira, Saint-Joseph et les Ames du Purgatoire, capitaine Garet, portugais. Les facultés consistaient en cent trente pipes de vin, que Jean Bonhomme, négociant français, résidant à Sainte-Croix de Ténérife, avait chargées pour compte des assurés.

La goëlette fut rencontrée par deux corsaires anglais, qui enlevèrent le vin, payèrent le demi nolis au capitaine, et lui laissèrent le navire. La prise de ce vin fut déclarée bonne par jugement de l'amirauté de Londres, rendu le 6 octobre 1743, parce que, y est-il dit, les cent trente pipes de vin d'Espagne > appartiennent, autant qu'il nous appert, au roi d'Espagne, ses vassaux ou sujets, ou autres habitant dans les pays, territoire ou domination ennemie › de la Grande-Bretagne.

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Les assureurs, attaqués en justice, disaient qu'ils avaient cru assurer des

effets appartenant à des Hambourgeois, tandis que le contraire était prouvé par le jugement de Londres.

Sentence du 7 août 1745, qui condamne les assureurs. Arrêt du 22 juin 1746, au rapport de M. de Coriollis, qui confirme cette sentence.

Si on avait fait aux assureurs mystère de la simulation, ils ne répondraient point de la confiscation des effets assurés: Vetite et illicita merces pro licitis indicandæ non sunt; pro quibus, si fortè ab ignorante promissore periculi cautum sit, is, cui cautum est, ad earum æstimationem agere prohibetur. Loccenius, lib. 2, tit. 5, no. 7, pag. 982.

Vid. le Guidon de la mer, ch. 9, art. 8. Casaregis, disc. 1, no. 55 et 165. Valin, sur l'art. 49, titre des assurances. Telle est l'hypothèse des décisions. rapportées suprà, ch. 5, sect. 2; ch. 7, sect. 2; ch. 11, sect. 4.

Dans ce cas, les chargeurs sont même tenus des dommages et intérêts soufferts par le capitaine, à qui la simulation avait été cachée. Ainsi jugé par arrêt du 30 juin 1763, au rapport de M. Boutassy fils, en faveur du capitaine Pierre Dirck Hoven, danois, commandant la galliote la Demoiselle Sophie-Elisabeth, contre la veuve Deweer et Fraissinet.

$3.

Si on avait fait aux assureurs mystère de la simulation.

Si la simulation

Il résulte des principes développés aux endroits qu'on vient d'indiquer, avait été connue des que les assureurs répondent de la prise, si, dans la police, on leur a déclaré assureurs. la simulation du pour compte. Valin, sur l'art. 49, titre des assurances.

Je vois journellement des polices par lesquelles on fait des assurances pour un Français, avec clause que le connaissement sera conçu pour compte simulė d'un neutre. Il n'est pas douteux que les assureurs ne soient alors garans de la perte, si les effets assurés sont pris et confisqués par l'ennemi.

Il n'est pas même nécessaire d'insérer dans la police la clause que le pour compte est simulé. Il suffit que l'assurance ait été faite pour compte de qui il appartient. Cette clause générique est suffisante en tems de guerre, pour indiquer aux assureurs que les effets ne sont pas réellement pour un neutre. Ainsi jugé par l'arrêt du 28 juin 1759, rapporté dans Valin, art. 48, titre des assurances, et suprà, ch. 11, sect. 4, S 4.

Comme c'est ici un point qui est entré dans les vues des parties contractantes, il n'est permis à l'assuré de dévoiler le mystère aux ennemis, ni par

im

Si la simulation a été dévoilée par le fait de l'assuré ou du

lui-même, ni par son capitaine. Si la simulation avait été démasquée par capitaine,
prudence, les assureurs répondraient-ils de la confiscation? Cette question a
été quelquefois traitée. Mais je ne connais point d'arrêt qui l'ait décidée d'une
manière formelle. Dans le doute, les tribunaux se déterminent en pareil cas
contre les assureurs, parce que la faute ne se présume pas.

J'ai souvent enténdu murmurer contre des capitaines neutres qui, interrogés à serment par le magistrat ennemi, avaient déclaré la vérité des faits, et donné lieu, par leur aveu, à la confiscation des marchandises hostiles, chargées dans leur bord.

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Nos publicistes s'accordent à soutenir que pour vaincre l'ennemi, ou pour se dérober à ses poursuites, il est permis d'user de ruses, de simulation, de stratagêmes et de mensonge, dolus, an virtus quis in hoste requirat, pourvu qu'on ne blesse en rien le droit de la guerre et des gens. Grotius, liv. 3, ch. 1. Puffendorf, liv. 4, ch. 1. Vattel, liv. 3, ch. 10. Wolff, SS 352 et 359. Straccha, gl. 7; suprà, ch. 8, sect. 5.

Mais ils ajoutent qu'il n'est pas permis de confirmer par le serment une fausseté d'ailleurs licite: Falsiloquium licitum, juramento confirmare non licet. Wolff, § 368.

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« La nature du serment exclut toutes les exceptions qu'on pourrait alléguer, tirées de la personne de celui à qui l'on a affaire, parce qu'en jurant on

promet de dire la vérité, non seulement à la personne à qui l'on jure, mais >> encore à Dieu, envers qui on demeure obligé, lors même que la personne » ne peut acquérir aucun droit par nos paroles....... C'est une impiété abo» minable, que de prétendre qu'on peut tromper les hommes par des ser» mens, comme on trompe les enfans avec des osselets, Grotius, liv. 5, ch. 1, § 19.

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Ainsi, l'on a tort de faire un crime aux capitaines neutres de ce que, par leurs réponses judiciaires, ils ont dévoilé au magistrat de la nation belligérante les fausses expéditions dont ils étaient munis.

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Au reste, la distinction entre le mensonge et le faux serment répugne à la saine morale. Quelle différence y a-t-il entre un parjure et un menteur ? » Dès qu'une fois, dit Cicéron, on s'écarte de la vérité, la religion du ser» ment n'est plus un frein suffisant. Quel est l'homme qui sera retenu par > l'invocation des dieux, s'il ne respecte pas sa foi et sa conscience? C'est » pourquoi les dieux réservent la même peine au menteur et au parjure; car - il ne faut pas croire que ce soit en vertu de la formule du serment, que les › dieux immortels s'irritent contre le parjure; c'est plutôt à cause de la perfidie et de la malice de celui qui dresse un piège à la bonne foi d'autrui. » At quid interest parjurem et mendacem? Qui mentiri solet, pejerare consuevit. Nam, qui semel à veritate deflexit, hic non majore religione ad perjurium, quàm ad mendacium perduci consuevit. Quis enim deprecatione deorum, non conscientiæ fide commovetur? Proptereà, quæ pæna ab diis immortalibus perjuro, hæc eadem

menda constituta est. Non enim ex pactione verborum quibus jusjurandum comprehenditur, sed ex perfidia et malitiâ, per quam insidiæ tenduntur alicui, dii immortales hominibus irasci et succensere consueverunt. Cicéron, pro Roscio Comado, cap. 16.

Voici un quiproquo fait par les Anglais, lors de la précédente guerre. Le capitaine Sicke Teckes, hollandais, commandant la Jeune Gertrude Adrienne, ayant mis à Cadix son navire sous charge à cueillette pour Marseille, reçut, entre autres choses, deux malles de vieilles hardes, l'une chargée par le sieur Thoro, à la consignation des sicurs Eon frères, Picot et Bouffier; l'autre, chargée par François de Arcos, à la consignation du sieur Pierre Lambert : l'une et l'autre sans marque.

Ce navire fut pris et conduit à Gibraltar. Le 4 juillet 1758, un jugement de la vice-amirauté fit main-levée, entre autres effets, de la malle de vieilles hardes chargées par de Arcos à la consignation du sieur Lambert, et confisqua, entre autres effets, la malle qui était à la consignation des sieurs Eon frères, Picot et Bouffier.

Le capteur anglais étant venu à bord pour enlever les effets confisqués, prit une malle pour l'autre.

Le capitaine arriva à Marseille. On s'aperçut alors que la malle existante était celle adressée à Eon frères, Picot et Bouffier.

Le 23 février 1759, requête de la part de ceux-ci, contre le capitaine, en expédition de leur malle, qu'ils estimaient 2,400 liv.

Le 1°. mars, requête incidente du capitaine, en assistance de cause contre le sieur Lambert. Le 3 mars, requête incidente du sieur Lambert, contre le ' capitaine, en expédition de sa malle, qu'il estimait 2,000 liv.

Le sieur Lambert disait qu'on avait chargé une malle à sa consignation; que cette malle n'avait pas été confisquée; qu'ainsi le capitaine devait la lui consigner ou en payer la valeur; que peu importait que dans le bord il y eût une malle à l'adresse des sieurs Eon frères, Picot et Bouffier.

Les sieurs Eon frères, Picot et Bouffier disaient que leur malle était dans le bord; qu'elle devait donc leur être consignée; que le jugement de confiscation n'avait aucune autorité en France; que, d'ailleurs, la malle se trouvant en France, elle appartenait à ses anciens maîtres par droit de postliminie. Le capitaine disait qu'il n'avait qu'une seule malle à consigner à qui il serait ordonné; que le quiproquo ne procédait pas de son fait.

D'abord, l'avis fut que dans les circonstances on ne pouvait reprocher au

$ 3.

Quiproquo fait par le capteur.

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