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la disposition libre de leurs effets. Il n'y a point de distinction à faire à cet égard entre le navire et les marchandises, tout étant pris.

Ces principes, professés par Emérigon et par tous les auteurs, sont tirés de l'art. 46, titre des assurances, de l'Ordonnance, et consacrés par l'art. 369 du Code de commerce.—(Voyez d'ailleurs Valin sur l'art. 46, et Pothier, assurances, no. 118 ).

D'un autre côté, d'après l'art. 409 du Code de commerce, la clause franc d'avarie n'affranchit point les assureurs des cas qui donnent ouverture au délaissement. Dans ces cas, les assurés ont l'option entre le délaissement et l'exercice d'action d'avarie.

En effet, la loi nouvelle présume que les contractans n'ont eu en vue que les avaries proprement dites, soit simples, soit communes, et nullement les cas qui sont de nature à pouvoir donner lieu au délaissement. Ainsi, quelque extension que doive avoir la clause franc d'avarie, cette clause ne concerne cependant pas les sinistres majeurs qui donnent ouverture au délaissement, tels que la prise, le naufrage, etc. Ainsi, cette clause n'affranchit pas les assureurs de la contribution aux frais et dommages occasionnés par la prise suivie de relâche. — (Voyez ce que nous avons dit à cet égard dans notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 515 et suivantes; Pothier, n°. 166, et M. Estrangin, pag. 417).

Enfin, pour décider la question de savoir si les salaires et nolis sont suspendus pendant la détention du navire pris, et ensuite relâché, indépendamment de ce que dit ici Emérigon, il faut distinguer entre l'arrêt de prince et la prise. (Voyez, pour cet effet, la consultation de ce célèbre jurisconsulte dans Valin, sur l'art. 48, titre des assurances, de l'Ordonnance). Si le vaisseau est arrêté dans le cours de son voyage par l'ordre d'une puissance, il n'est dû aucun fret pour le tems de sa détention, si le navire est affrété au mois, ni augmentation de fret, s'il est loué au voyage. La nourriture et les loyers de l'équipage pendant la détention du navire sont réputés avaries. - (Art. 300 du Code de commerce ). Les loyers et nourriture de l'équipage sont avaries communes, si ce navire est affrété au (Art. 400 du même Code).

mois.

-

Ils sont au contraire avaries particulières, si le navire est affrété au voyage.

(Art. 403).

Mais dans ce cas, c'est-à-dire dans le cas de l'arrêt de prince, le loyer des marins engagés au mois ne court que pour moitié pendant le tems de l'arrêt, et le loyer des marins engagés au voyage est payé aux termes de l'engagement. (Art. 254 du même Code).

Si, au contraire, le navire a été pris, c'est-à-dire qu'il y ait prise au lieu de simple arrêt de prince, il y a lieu à délaissement, et les assureurs doivent payer les sommes assurées. Quant à l'équipage, si la perte est entière, il ne peut prétendre aucun loyer, mais il n'est point tenu à rendre ses avances. (Art. 258).

Si quelque partie du navire est sauvée, les marins engagés au voyage ou au mois sont payés de leurs loyers échus sur les débris du navire qu'ils ont sauvés, et subsidiairement sur le fret.

Les marins engagés au fret sont payés de leurs loyers, seulement sur le fret, à proportion de celui que reçoit le capitaine. (Art. 260 du même Code ).

Les journées employées au sauvetage sont prélevées sur les effets sauvés, de quelque manière que les matelots soient loués. (Art. 261 du Code de commerce). Ce prélèvement est

fondé sur l'arl. 2102 du Code civil, qui déclare privilégiés sur une chose les frais faits pour sa conservation. Le réglement de ces journées de sauvetage est fait conformément à l'arrêté du 7 mai 1801, et à l'art. 7 de celui du 26 mars 1805.

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La guerre légitime

quérir.

SECTION XXIII.

De la Recousse.

COMMENÇONS par examiner quelques points préliminaires.

Suivant la coutume générale des nations, quiconque fait la guerre dans les est un moyen d'ac- formes, et avec autorité publique, devient maître de ce qu'il prend sur l'ennemi Jure gentium, non tantùm is qui ex justâ causâ bellum gerit, sed et quivis in bello solemni, et sine fine modoque, dominus fit eorum quæ hosti eripit....... Quod, dominium quoad effectus externos, licet appellare. Grotius, lib. 3, cap. 6, SS 1 et 2. Puffendorf, liv. 8, ch. 6, § 17. Vattel, liv. 3, ch. 13, etc.

Suivant le droit des gens, la chose

Les lois romaines disent que, par le droit des gens, ce qui est pris sur prise sur l'ennemi l'ennemi appartient sur-le-champ au capteur : Quæ ex hostibus capiuntur, jure le-champ au cap- gentium, STATIM capientium fiunt. L. 5, § 7, ff de adquir. rer. domin.; § 17, inst. de rer. divis.

appartient-elle sur

teur ?

Ce mot statim a reçu diverses interprétations. Il est des docteurs qui soutiennent que la chose prise sur l'ennemi appartient au capteur dans l'instant que le capteur s'en est emparé, sans intervalle de tems, et avant même qu'il l'ait portée en lieu de sûreté. Burlamaqui, Droit politique, part. 6, ch. 7, n°. 16. Luzac sur Wolff, S 1204. Le chevalier d'Abreu, part. 1, ch. 3, § 5.

D'autres docteurs soutiennent que la chose prise n'appartient au capteur qu'après qu'il l'a portée en lieu de sûreté, et mise à couvert des poursuites de l'ennemi. Grotius, liv. 3, cap. 6, § 5. Puffendorf, liv. 8, ch. 6, § 17. Vattel, liu. 5, ch. 13, n. 196.

On pourrait appuyer ce second avis sur divers textes du droit romain. Le mot prendre, dit la loi 71, ff de verb. sig., doit être entendu d'une prise suivie de l'effet: Capere cum effectu accipitur.

Le prisonnier de guerre ne devenait captif, et ne cessait d'être citoyen qu'après qu'il avait été conduit dans le camp ennemi, inter præsidia, ou dans le pays ennemi, ubi fines nostros excessit. Jusqu'alors il était présumé jouir de sa liberté légale, manet civis. L. 5, § 1, et L. 19, § 3, ff de captivis et postl,

Enfin, un troisième avis, qui est adopté dans la pratique actuelle, ainsi

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qu'on le verra bientôt, est que la chose prise n'est censée appartenir au capteur qu'après qu'il l'a gardée en son pouvoir pendant vingt-quatre heures, quoiqu'il ne l'ait pas encore mise en lieu de sûreté.

A l'appui de ce dernier avis, on peut également alléguer des textes du droit : Quod dixi, STATIM, cum aliquo temperamento temporis intelligendum est. L. 1, § 8, ff ad leg. falcid. L. 105, ff de solut. et liber.

Mon compatriote, qui reprend des mains de l'ennemi la chose qui m'avait été enlevée, peut-il se l'approprier sans violer le droit naturel?

Cette question est beaucoup agitée parmi les docteurs, ainsi qu'on le voit par ce qu'en disent Grotius, liv. 3, ch. 16. Marquardus, lib. 2, cap. 4, no. 40; cap. 5, no. 75. Vattel, liv. 3, ch. 13, no. 196. Le chevalier d'Abreu, part. a, ch. 5, § 2. Cleirac, de la jurisdiction, art. 34, pag. 452, etc.

Lorsqu'il s'agit d'une chose qui avait été enlevée par des pirates, et qui leur a été reprise, nul doute qu'elle ne doive être restituée à l'ancien maître, ainsi qu'on le verra dans la section suivante.

Mais, puisque l'ennemi, revêtu de l'autorité publique, était devenu jure belli, propriétaire de la chose qu'il avait prise, il s'ensuit que ceux qui la lui reprennent en deviennent propriétaires à leur tour, sauf les modifications dont je parlerai bientôt : ils peuvent donc, sans blesser l'équité naturelle, la garder, et en priver l'ancien maître, leur compatriote.

Voyons maintenant ce que les lois du royaumé ont prescrit au sujet de la

recousse.

Ordonnance de Henri III, en mars 1584, art. 61.

. Si aucun navire de nos sujets, 'pris par nos ennemis, a été entre leurs » `mains jusques à vingt-quatre heures, et après, qu'il soit recous et repris par » aucuns de nos navires de guerre, ou autres, de nos sujets, la prise sera dé› clarée bonne; mais si ladite reprise est faite auparavant les vingt-quatre heures, › il sera restitué avec tout ce qui était dedans, et en aura toutefois le navire ⚫ de guerre qui l'aura recous et repris, le tiers.»

Ordonnance de la marine, titre des prises, art. 8.

• Si aucun navire de nos sujets est repris sur nos ennemis, après qu'il aura

» demeuré entre leurs mains pendant vingt-quatre heures, il sera restitué au pro

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priétaire avec tout ce qui était dedans, à la réserve du tiers, qui sera donné

au navire qui aura fait la recousse.»

T. I.

Suivant le droit naturel, mon compatriote qui reprend de l'ennemi la chose

dont j'avais été dé

la rendre?
pouillé, doit-il me

$ 2. Ordonnances da

royaume au sujet de la recousse.

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1. Ordonnance du 15 jain 1779.

Le roi s'étant fait représenter son ordonnance du 28 mars de l'année der

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nière, concernant les prises faites en mer par ses vaisseaux, frégates, et ?? autres bâtimens de guerre, par laquelle Sa Majesté a bien voulu faire aux »élats - majors et équipages preneurs, l'abandon de la totalité des bâtimens de guerre et corsaires enlevés sur ses ennemis, et des deux tiers du produit » des navires marchands, Sa Majesté aurait reconnu qu'elle n'a rien statué par » cette ordonnance, sur les reprises qui seraient faites par lesdits vaisseaux et frégates, et elle a jugé nécessaire de faire connaître ses intentions à ce sujet, » en se réservant d'accorder aux équipages de ses vaisseaux et frégates, telle gratification qu'il appartiendra, sur le prix desdites reprises et de leur cargaison, lesquelles continueront d'appartenir et d'être adjugées à Sa Majesté, comme par le passé. Elle a ordonné et ordonne que les réglemens concernant » la recousse, continueront d'être observés suivant leur forme et teneur; en conséquence, lorsque les navires de ses sujets auront été repris par les corsaires armés en course contre les ennemis de l'État, après avoir été vingt» quatre heures en leurs mains, ils leur appartiendront en totalité; mais dans le cas où la reprise aura été faite avant les vingt-quatre heures, le droit de » recousse ne sera que du tiers de la valeur du navire recous et de sa cargaison, En ce qui concerne les reprises faites par les vaisseaux, frégates ou autres bâti» mens de Sa Majesté, le tiers sera adjugé à son profit pour droit de recousse, si elle est faite dans les vingt-quatre heures; et après ledit délai, la reprise » sera adjugée en totalité à Sa Majesté, sans que les états-majors desdits vaisseaux et frégates puissent y rien prétendre se réservant Sa Majesté d'ac"corder aux équipages une gratification proportionnée à la valeur du bâtiment et de sa cargaison, d'après les connaissemens et factures, comme aussi » de donner aux états-majors des vaisseaux qui auront fait les reprises, et qui auraient eu soin de se distinguer par des actions de valeur, telles grâces » ou récompenses que Sa Majesté avisera bon être, suivant les circonstances. › Veut et ordonne Sa Majesté que la présente ordonnance ait lieu pour » toutes les reprises qui auraient pu être faites depuis le commencement des ⚫ hostilités.

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D

› Mande et ordonne, Sa Majesté, à M. le duc de Penthièvre, amiral de › France, aux vice-amiraux, lieutenans-généraux, chefs d'escadre, capitaines

D

» et autres officiers de ses vaisseaux, commandant ses vaisseaux, frégates et » autres bâtimens; aux commandans des ports, aux intendans de la marine,

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» commissaires-généraux des ports et arsenaux, ordonnateurs, aux officiers
des siéges d'amirauté, et à tous autres qu'il appartiendra, de tenir la main,
> chacun en droit soi, à l'exécution de la présente ordonnance.»
Fait à Versailles, le 15 juin 1779. Signe Louis. Et plus bas, DE SARTINE

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8

Lettre de M. de Sartine, Ministre de la Marine, du 30 doût suivant, aux ChamTM bres du commerce du royaume.

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Vous avez été instruits, Messieurs, de l'ordonnance que Sa Majesté a ren» due le 15 juin dernier, pour les reprises faites par ses vaisseaux; mais › comme elle est dans l'intention de donner encore au commerce une nouvelle mar que de sa protection et de sa bienveillance, en faisant remettre les reprises aux › armateurs et aux propriétaires, après qu'ils auront payé aux équipages des » vaisseaux repreneurs, telle gratification que Sa Majesté se réservera d'arbitrer, il est nécessaire que les négocians qui se trouvent dans votre arrondissement, soient instruits de la marche qu'ils doivent tenir en pareil cas. › En conséquence, vous les préviendrez qu'à l'avenir, lorsqu'une reprise aura » été faite par les vaisseaux du roi, et qu'elle aura été jugée par le Conseil des prises, il est à propos que l'armateur ou le propriétaire de cette reprise, adresse sans délai à M. Chardón, procureur général des prises, une expé>dition du jugement, avec une copie des connaissemens et factures, ainsi que la liquidation de tous les frais que la reprise aura occasionnés, soit de la part » de l'administration, c'est-à-dire du contrôleur de la marine ou des commis»saires des classes, soit de la part des amirautés, afin que sur le compte qui » m'en sera rendu par ce magistrat, et d'après la liquidation des frais que je l'ai chargé de vérifier, je puisse proposer à Sa Majesté de fixer le montant ⚫ de la gratification qui doit être payée aux équipages repreneurs, avant la › remise de la reprise aux propriétaires, et que rien n'arrête les formalités » qui doivent avoir lieu en pareil cas. Il est nécessaire aussi que les armateurs » ou propriétaires des reprises qui auraient été faites avant l'ordonnance du » 15 juin, se fassent connaître promptement selon la forme et la marche ci› dessus. Vous aurez soin, d'après cela, de prendre des mesures pour que les dispositions de cette lettre soient connues de tous les négocians.

« Je suis, etc. (Signé) DE SARTIne. »

$ 3.

Reprise faite par

Il résulte de cette lettre, que Sa Majesté n'a jamais eu intention dé s'approprier les reprises au préjudice de ses propres sujets. En effet, ainsi que l'ob- les vaisseaux du roir serve Valin, Traité des prises, ch. 6, sect. 1, no. 8, le roi a toujours été dans

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