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Défense au capi

SECTION XXVI.

Navire abandonné par son propre équipage, qui, par crainte de l'ennemi, ou autre cause majeure, s'enfuit à terre.

L'ART. 26, titre du capitaine, a fait défenses aux capitaines d'abandonner taine d'abandonner leur bâtiment pendant le voyage, pour quelque danger que ce soit, sans » l'avis des principaux officiers et matelots, et en ce cas, ils seront tenus de

son navire sans né

cessité.

› sauver avec eux l'argent, et ce qu'ils pourront des marchandises plus pré

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cieuses de leur chargement, à peine d'en répondre en leur nom, et de punition corporelle. »

L'ordonnance de 1400, art. 5, et celle de 1584, art. 66, rapportées dans Cleirac, pag. 276 et 523, défendent aux capitaines d'abandonner le navire pour eux sauver, dans le doute que ce ne fussent ennemis.

L'avis des principaux officiers et matelots ne suffit pas pour que le capitaine se détermine à abandonner le navire, et à s'enfuir. Il faut qu'il y ait juste cause de recourir à une pareille extrémité. Valin, sur l'art. 26, titre du capitaine.

La crainte d'être fait esclave ou prisonnier est une juste cause d'abandonner le navire et de prendre la fuite, lorsqu'on se trouve dans l'impossibilité de se défendre.

Targa, cap. 59, pag. 291, dit que la juste crainte est une espèce de vioIence: La giusta paura e specie di violenza. (Elle est impérieuse par elle-même : Res est imperiosa timor. Martial, lib. 11, epig. 59). De sorte que l'abandonnement du vaisseau, occasionné par le doute de ne pouvoir résister, et sur-tout d'être fait esclave, est un sinistre fatal qui est pour le compte des assureurs : Sieche l'abbandonamento per la dubbieta di non potere resistere, e molto piu d'esser fatto schiavo, è sinistro fatale di conto dell assicuratore. Targa, en l'endroit cité. Casaregis, disc. 23, no. 84, après avoir décidé que le capitaine ne doit pas, en pareil cas, témérairement abandonner son navire, ajoute qu'il en est autrement, si l'on se trouve dans des circonstances capables d'excuser la crainte, la crédulité, et l'erreur même du capitaine : Secùs si, talibus circonstantiis concurrentibus, quæ timorem, credulitatem, aut errorem capitanei, excusare possent..

§ 2. Navire abandonné

La barque Notre-Dame des reliques, capitaine François Meissonier, revenant de Candie, fut rencontrée par un vaisseau de guerre turc qui la poursuivit. par la crainte des ennemis ou des piLe capitaine et l'équipage se sauvèrent dans la chaloupe pour éviter l'esclarates. vage, et abordèrent au Xante, où le capitaine fit son consulat. Pierre Meissonier, armateur et chargeur principal de la barque, se pourvut contre ses assureurs pardevant l'amirauté de Marseille. Sentence du 17 décembre 1670, par laquelle, attendu l'abandonnement volontaire de la barque, le lieutenant ⚫ débouta Pierre Meissonier de sa requête, sauf à lui de se pourvoir contre › le patron; et néanmoins, fit défense à tous patrons de barque, capitaines » de vaisseaux et autres bâtimens de mer, de les abandonner, de les abandonner, à peine de pu

› nition exemplaire. »

En cause d'appel, la chambre du commerce intervint pour les assureurs. La sentence était évidemment injuste: le patron portait des munitions aux Candiotes, lors du fameux siège de leur ville, et risquait d'être fait esclave, s'il eût été pris.

Par arrêt rapporté dans Boniface, tom. 5, pag. 463, la sentence fut réformée, et les assureurs furent condamnés à payer la perte. Nota. La nature du risque ne leur avait pas été dissimulée.

Seconde décision. Le patron Fougasse, commandant une barque richement chargée, se trouvait vers les îles de Sapience; il aperçut un vaisseau de trente pièces de canon ; il crut que c'était un barbaresque; il se jeta avec l'équipage dans la chaloupe, et se réfugia à Corron en Morée. Le vaisseau dont on avait eu peur, était un navire français, commandé par le capitaine Marin. Celui-ci conduisit à Constantinople la barque délaissée.

La chambre du commerce de Marseille présenta requête en information contre le patron Fougasse, lequel se pourvut à son tour contre le capitaine Marin, en dommages et intérêts.

Sentence du 7 juin 1695, qui interdit Fougasse de sa qualité de patron, qui le condamna à un bannissement de trois ans, à 20 liv. d'amende envers la chambre du commerce, et aux dépens.

Arrêt rendu en mars 1696, par le Parlement d'Aix, au rapport de M. d'Estienne, qui réforma cette sentence, mit Fougasse hors de Cour et de procès, et ordonna que le procès serait fait au capitaine Marin (dont la conduite ne paraissait pas exempte de blâme).

Messieurs du Parlement furent partagés au sujet des dépens et des dommages et intérêts demandés par Fougasse. Le partage porté en grand'chambre, on accorda à Fougasse les dépens, et l'on réserva de prononcer sur les dom

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mages et intérêts, après que le procès criminel ordonné contre Marin aurait été instruit..

Il fut décidé par cet arrêt, 1°. que la juste crainte équivaut au danger réel; 2o. que celui qui, par sa faute, occasionne cette juste crainte, mérite punition. Troisième décision. Le vaisseau la Marie-Thérèse, capitaine Gautier, revenant de l'Amérique, échoua près les côtes de Barbarie. L'équipage travaillait à le remettre à flot; mais craignant d'être aperçu par les sujets du roi de Maroc, avec qui nous étions alors en guerre, le capitaine et son équipage se jetèrent dans la chaloupe et abordèrent à Gibraltar. Le navire remis à flot par un coup de vent, fut rencontré par la tartane du patron Angallier, qui le conduisit à Malaga.

Arrêt du 17 juin 1744, rapporté par M. de Regusse, tom. 2, pag. 343, qui, (attendu l'importance de l'objet) accorda 20,000 liv. de récompense aux gens de la tartane du patron Angallier. La répartition en fut faite relativement aux grades de ceux qui avaient ramené le navire.

Cette répartition entra en avarie grosse, à la charge des intéressés et de leurs

assureurs.

Quatrième décision. La tartane le Saint-Esprit, capitaine Pierre Rebecq, étant à la hauteur de Majorque, fut chassée par un corsaire anglais. Le capitaine et son équipage, pour éviter d'être faits prisonniers, abandonnèrent la tartane et se réfugièrent à terre. Requête de la part des sieurs Lafort et Detraytorens, contre le capitaine, en paiement de 855 liv. qu'ils lui avaient données à la grosse. Ils soutenaient qu'il n'avait pu abandonner le navire par la seule crainte des ennemis. Sentence du 10 mai 1759, rendue par notre amirauté, qui les déboute de leur requête.

Cinquième décision. Le chebec Notre-Dame du Rosaire, capitaine Gordel, d'Yvisse, parti de Marseille pour Majorque, fut contraint, par le mauvais tems, de mouiller dans un parage de l'île de Nitia, près de Mahon.

Pendant la nuit on aperçut un bâtiment. On craignit que ce ne fût un barbaresque. On abandonna le chebec. On se réfugia à terre pour demander du secours. Deux heures après, on vit du haut de la montagne que le feu avait été mis au chebec, lequel fut entièrement consumé par les flammes.

Les sieurs Amalric père et fils, et Neveu, avaient fait faire des assurances sur les facultés de ce chebec. Le sieur Louis Delisle, l'un des assureurs, refusa de payer la perte. Il y fut condamné par sentence du 10 mars 1767. Une barque commandée par le capitaine Antoine Remuzat, chargée de s'enfuit est prise, et balles de soie et autres marchandises, fut rencontrée près de Nice par un cor

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Si la chaloupe qui

que le navire ne le

soit pas.

saire ennemi qui lui donna chasse. Le capitaine Remuzat et les gens de son
équipage, voyant qu'ils ne pouvaient pas échapper au corsaire, se sauvèrent
dans la chaloupe, où ils jetèrent à la hâte les balles de soie et ce qu'ils avaient
de plus précieux. Ils tâchaient de gagner terre. Mais le corsaire atteignit la
chaloupe, prit tous les effets qui y étaient, et disparut. Il fut décidé que la
valeur des effets enlevés par le corsaire devait entrer en avarie grosse, at-
tendu que
le déchargement dans la chaloupe avait été une opération volon-
tairement faite, qui avait sauvé le navire. Lo sbarco nello schiffo della seta con
tanti, el altro, fù fatto consultivamente, et à buon fine, che per altro era perso
ogni cosa: onde soggionsi che tutto il salvato andava in contributione. Targa,
cap. 52, no. 5, pag. 223.

La pinque Saint-Antoine, capitaine Antoine Mazella, napolitain, chargée de soufre et de cendres, se trouvant entre Palme et Gergenti, eut la rencontre d'un corsaire barbaresque; le capitaine et l'équipage de la pinque se sauvèrent dans la chaloupe, pour éviter l'esclavage. Les Barbaresques s'emparèrent de la pinque abandonnée; mais un moment après, la polacre du capitaine Barthélemy Monté parut. Les Barbaresques regagnèrent leur bord, et prirent la fuite. La pinque fut conduite à Marseille, lieu de sa destination, par le capitaine Monté. Il demandait le tiers pour droit de recousse. Sentence arbitrale du 4 juillet 1782, rendue par M. Pastoret et moi, qui lui accorda sa demande.

Autre chose eût été si les Barbaresques ne se fussent pas déjà rendus maîtres de la pinque. Nous aurions alors accordé une simple récompense, beveragio, au navire qui, par sa présence, aurait mis en fuite les pirates, et les eût empêchés de se saisir de leur proie.

Targa, cap. 69, pag. 291, parle du cas où les gens de l'équipage, attaqués de la peste qui est dans le bord, et n'ayant plus la force de continuer la navigation, abandonnent le navire, et se réfugient à terre. Il décide que c'est là un accident fatal, à la charge des assureurs.

Il dit qu'il en est de même du navire abandonné, à cause de l'odeur fétide et empoisonnée que la corruption des marchandises occasionne.

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Si le navire, aban. donné de l'équipage

pour fuir les pirates,

est délivré par un

ami qui survient

dans le moment.

5. Navire abandonné pour cause de peste.

§ 6. Navire abandonné

La pinque Jesus-Maria, capitaine Talamo, napolitain, se trouvant aux parages de Bandols près de Toulon, donna sur un écueil. Le capitaine et l'équi- par la crainte du page craignant de périr, se sauvèrent à terre. Un coup de vent remit à flot la naufrage. pinque. Elle fut rencontrée par le capitaine Simian. Il la conduisit à la Ciotat. Il demandait le tiers du navire et de la cargaison: le tout formait un objet d'environ 80,000 liv.

Les sieurs Liquier et compagnie, à qui la pinque était adressée, offraient 64

T. I.

au capitaine Simian une gratification de cent louis. Sentence rendue par notre amirauté, le 24 mai 1777, qui régla la gratification à la somme de 12,000 liv.

Si les assureurs eussent été parties au procès, ils auraient été condamnés à payer cette somme, parce que la juste crainte de périr est une espèce de force. majeure: Non dubium est, quin major adhibita vis ei sit, cujus animus sit perterritus, quàm illi, cujus corpus vulneratum sit. Cicéron, pro Cacinâ, cap. 15.

M. Lejourdan fils était l'avocat du capitaine Simian. Ce digne confrère a bien voulu prendre la peine de surveiller à l'impression de mon ouvrage. Sa sagacité et ses lumières m'ont été d'un grand secours.

CONFÉRENCE.

CXXXI. L'art. 241 du Code de commerce défend au capitaine, comme l'art. 26 de l'Ordonnance, d'abandonner son navire pendant le voyage, etc.

Le capitaine est obligé, par le contrat auquel il a consenti en prenant la conduite du navire, et par les principes de la fidélité à ses engagemens, de veiller, autant qu'il est en lui, à la conservation du navire et des marchandises, dont la conduite lui a été confiée. Abandonner son navire et se déterminer à s'enfuir, doit être, pour un capitaine, l'extré◄ mité la plus grande et la plus fâcheuse.

Valin dit lui-même que le capitaine doit avoir plus de fermeté que les gens de son équipage, en qualité de leur chef, et que l'avis de l'équipage ne suffit pas toujours pour le sauver du reproche de lâcheté, s'il y défère trop facilement. Il ne doit se rendre à leur avis que lorsque la prudence ne lui permet plus de faire autrement. S'il veut conserver sa réputation, il doit être le dernier à abandonner le navire. La crainte d'être fait esclave ou prisonnier, la crainte du feu et du naufrage, etc., sont de justes causes d'abandon. Cependant il faut que ces circonstances soient graves; les circonstances décident de la bonne ou mauvaise conduite du capitaine.

Aux justes et sages décisions citées par Emérigon, on peut joindre l'arrêt rendu au Parlement de Bretagne, contre le capitaine de l'Aimable Elizabeth, qui avait abandonné le navire au milieu des mers. (Voyez au surplus notre Cours de droit commercial maritime, tom. 2,

pag. 102 et suivantes).

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SECTION XXVII.

Effets pris par l'ennemi, et vendus à un Français ou à un

neutre.

La propriété des choses mobilières est acquise à l'ennemi, du moment Observations gé qu'elles sont en sa puissance. S'il les vend chez des nations neutres, le premier

nérales.

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