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La jurisprudence, dans tous ces cas, est régie par les mêmes règles. L'arrêt de prince peut s'opérer en pleine mer, comme dans les ports ou rades. Ce n'est pas la circonstance du lieu qui détermine le caractère de l'arrêt de prince. — (Voyez notre Cours de droit commercial maritime, tom. 2, pag. 205 et 432; voyez aussi M. Estrangin sur l'art. 56, titre des assurances, de Pothier ).

L'arrêt de prince n'altère en rien les pactes du contrat d'assurance, et l'on ne peut appliquer ici ni l'art. 277, titre des chartes-parties, ni l'art. 300, titre du fret, ni l'art. 254, titre des loyers des matelots, du Code de commerce.

Ainsi, si la prime avait été stipulée à tant par mois, elle serait due pendant la détention, parce que les assureurs répondent de la perte qui peut arriver dans cet intervalle. Si l'assurance a été faite pour un tems limité, la prime cessera à l'échéance du terme fixé par la police, sans que le délai soit suspendu par l'arrêt de prince.

Enfin, si l'assurance a été faite pour l'entier voyage, moyennant une prime déterminée, il ne sera dû aucune augmentation de prime pour le tems de l'arrêt de prince, parce que ce retardement qu'éprouve la chose assurée est une force majeure à la charge des assureurs. Mais pour l'application de la responsabilité des assureurs, il faut distinguer le cas d'un navire arrêté avant le voyage commencé, de celui du navire arrêté dans sa route.

Au premier cas, les risques maritimes n'ont pas encore couru; c'est alors un danger de terre, qui ne peut être à la charge des assureurs. Les journées employées à équiper le navire, dont il est parlé dans l'art. 253 du Code de commerce, ne les regardent pas davantage, parce que leur responsabilité ne commence qu'au moment où le bâtiment met à la (Art. 328 et 341 du Code de commerce ).

voile.

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Au second cas, les assureurs sont garans, et ils doivent même supporter l'avarie résultant de la nourriture et des loyers des matelots, dont parle l'art. 254, pour la part dont l'assuré en a été tenu, conformément aux art. 400 et 403 du Code de commerce.

Il faut aussi observer que cette distinction ne peut avoir lieu à l'égard des marchandises assurées, sous l'empire de la loi nouvelle ainsi que sous l'ancienne, parce que les art. 328 et 341 du Code de commerce mettent aux risques des assureurs les marchandises assurées, dès le moment qu'elles sont chargées dans les navires ou dans les gabares pour les y porter. (Au surplus, voyez le Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 36, 37, 38 et suivantes, et Pothier et son savant annotateur, des assurances, no. 57; Valin sur l'art. 52, titre des assurances ).

En cas d'arrêt de prince, le délaissement des objets assurés peut avoir lieu, si l'arrêt a été fait après le voyage commencé; il ne peut être fait avant le voyage commencé. — ( Articles 369 et 370 du Code de commerce ).

La distinction que ces deux articles semblent faire du cas où l'arrêt est d'un Gouvernement étranger, et de celui où il est du propre Gouvernement de l'assuré, n'a rien de réel pour l'assureur, ainsi que l'observe M. Estrangin; la seule distinction à faire pour celui-ci est si l'arrêt a eu lieu avant ou après le risque commencé. (Voyez M. Estrangin sur Pothier, titre des assurances, no. 59, et notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 237 et suivantes, jusqu'à la pag. 240 ).

JURISPRUDence.

Une clause par laquelle des assureurs stipulent qu'ils assurent des facultés à la prime de six pour cent réduite à deux, le risque finissant à Constantinople, pour quelque motif que ce soit, n'a pas pour effet, si le vaisseau est arrêté par le Gouvernement dans le port désigné, d'exempter les assureurs du risque de l'arrêt du prince.-(Arrêt de la Cour d'Aix, du 23 avril 1825, Dalloz, 1825, 2°. part., pag. 205).

SECTION XXXI.
SECTION

Interdiction de Commerce.

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Si, avant le départ du vaisseau, il arrive interdiction de commerce par

$ 1. Interdiction de

› guerre, réprésailles ou autrement, avec le pays pour lequel il était destiné, commerce avec le » la charte-partie sera résolue sans dommages et intérêts de part ni d'autre. » titre des charles-parties.

Art.

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L'interdiction de commerce arrive, ou par déclaration de guerre, ou par réprésailles, ou par une défense de commercer en tel endroit, soit pour cause de peste ou autrement. Valin, art 4, titre de l'engagement des matelots..

Cette interdiction de commerce, arrivée par force majeure, ne pouvant être imputée à aucun des contractans, il est juste que la charte-partie soit résolue sans dommages et intérêts de part ni d'autre. Valin, art. 7, titre des chartesparties. Pothier, Traité des chartes-parties, n°. 98.

Le marchand paiera les frais de la charge et décharge de sa marchandise. D. art. 7, titre des chartes-purties.

. En cas d'interdiction de commerce avec le lieu de la destination du vaisseau,

» avant le voyage commencé, il ne sera dû aucun loyer aux matelots engagés au

› voyage ou au mois. Ils seront seulement payés des journées par eux employées à équiper le bâtiment.› Art. 4, titre de l'engagement.

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M. Valin, sur l'art. 7, titre des chartes-parties, après avoir dit que l'obstacle dont il s'agit procédant d'un fait de force majeure, personne ne peut en être tenu, ajoute: S'il n'y a convention contraire, ou si la loi n'en dispose autrement, comme en matière d'assurance ou de prêt à la grosse.

Cet auteur touche ici la question, qui est de savoir si l'assurance est dissoute dans le cas où il y ait interdiction de commerce avec le lieu destiné, avant le voyage commencé.

lieu destiné.
Avant le voyage
commencé.

Il semble d'abord que ce point se trouve décidé par l'art. 57, des assurances. Si le voyage (est-il dit ) est entièrement rompu avant le départ du vaisseau, » même par le fait des assurés, l'assurance demeurera nulle, et l'assureur › restituera la prime, à la réserve de demi pour cent. ›

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Mais cet article, en parlant du départ du vaisseau, suppose que les risques pour l'assureur n'ont dû commencer qu'au moment que le navire aura mis à la voile. Si donc ils ont commencé plus tôt, c'est tout comme si le voyage fût commencé. C'est ainsi que parle M. Valin, ibid.

D'après cette interprétation, à laquelle on ne peut se refuser, je distingue et je dis que si, lors de l'interdiction de commerce avec le lieu destiné, le risque n'avait pas encore commencé, l'assurance serait dissoute activement et passivement. Vid. infrà, ch. 16, sect. 1.

Mais si l'assurance avait été faite sur des marchandises qui, lors de l'interdiction de commerce, se trouvaient déjà chargées, ou si elle avait été faite sur le corps du navire, à compter du moment qu'il aurait pris charge, dans tous ces cas, l'assurance subsisterait en toute sa force, parce qué la chose assurée aurait été aux risques des assureurs avant le départ du vaisseau. L'interdiction de commerce est une fortune de mer; il suffit qu'elle survienne depuis que le risque a commencé, pour que les droits respectifs de l'assuré et de l'assureur restent en leur entier. De ce qu'en pareil cas la charte-partie est dissoute entre le chargeur et le capitaine, il ne s'ensuit pas que l'assurance doive également s'évanouir. L'Ordonnance ne le dit pas; les règles générales qu'elle établit et la nature du contrat s'y opposent : car, puisque la perte arrivée dans le port même par le feu du ciel, ou autre accident fortuit, aurait été à la charge des assureurs, il est juste qu'ils profitent de la prime, laquelle leur est acquise, quand même le risque n'eût duré qu'un moment. Interdiction de Les mots avant le départ du vaisseau, avant le voyage commencé, qui se lieu destiné après trouvent dans l'art. 7, titre des chartes-parties, et art. 4, titre de l'engagement, le voyage mencé. indiquent qu'il en est autrement, lorsque l'interdiction de commerce pour le lieu destiné arrive après le départ du vaisseau, ou ce qui est la même chose, après le voyage ou risque commencé.

commerce avec le

com

1

S'il arrive interdiction de commerce avec le pays pour lequel le vaisseau est » en route, et qu'il soit obligé de revenir avec son chargement, il ne sera dû › au maître que le fret de l'aller, quand même le navire aurait été affrété allant et venant. » Art. 15, titre du fret.

Dans ce cas la charte-partie subsiste. Il n'est cependant dû que le fret d'aller.

C'est par équité que la chose est ainsi décidée entre le maître et les chargeurs.
Valin, ibid. Pothier, des chartes-parties, no. 69, tom. 2, pag. 394

Les matelots seront payés de leurs loyers, à proportion du tems qu'ils auront servi. Art. 4, titre de l'engagement.

La prime sera due à plein aux assureurs, attendu que le risque continue jusqu'au retour.

Les assureurs sur le corps seront tenus des salaires dus et de la nourriture fournie à l'équipage pendant le voyage de retour, déduction faite des nolis d'aller, dont le navire aura profité; et les assureurs sur les marchandises seront tenus du fret d'aller, devenu inutile.

En août 1781, Jean-Joseph Charronier, commandant la tartane la Colombe, fut nolisé à Marseille pour aller à Toulon prendre des prisonniers anglais, les transporter à Mahon, et ramener à Toulon les prisonniers français détenus à Minorque. D'après la permission qui lui avait été donnée, il prit à fret diverses marchandises que les chargeurs se firent assurer. Il fut à Toulon prendre les prisonniers anglais. Il partit sous pavillon parlementaire.

Le 28 du même mois d'août, se trouvant aux attérages de Minorque, il fut arrêté par un lougre, qui le conduisit au port Cornély, où se trouvait don Bonnaventure Moreno, espagnol, commandant des forces maritimes. Le capitaine Charronier apprit alors que, depuis le 19 du même mois d'août, l'île était prise, et que le fort Saint-Philippe était bloqué par M. le duc de Crillon, commandant des forces de terre. Il lui fut défendu de débarquer ni marchandises, ni prisonniers, pas même un passager minorquin, qui était à bord. On lui ordonna de retourner à Toulon. Il y retourna; il consigna les prisonniers anglais au commissaire général de la marine à Toulon, et revint à Marseille, où il demanda aux chargeurs des marchandises le nolis d'aller.

Un de ceux-ci vint me consulter. Je lui répondis qu'il devait payer le nolis; que telle était la disposition de l'art. 15, titre du fret. Il acquiesça à ma décision; mais il requit ses assureurs de l'indemniser de ce même nolis. Les assureurs furent prendre conseil. On leur répondit qu'ils devaient payer cette avarie. Ils la payèrent.

a

S'il arrive interdiction de commerce avec autre pays que

celui pour lequel

le vaisseau est destiné, la charte-partie subsistera en son entier. Art. 7, titre

des chartes-parties.

La survenance d'une guerre, et les dangers auxquels elle expose, étant

› un cas qui malheureusement n'est pas insolite, et que les parties ont pu

$ 2.

Interdiction de commerce avec au

tre pays que celui indiqué.

D

prévoir, elle ne les décharge pas de leurs obligations respectives. Pothier, Traité des chartes-parties, n°. 99, tom. 2, pag. 403.

Le capitaine ne peut demander aucune augmentation du fret. Valin, art. 7, titre des chartes-prises.

L'engagement des mariniers subsiste de part et d'autre. Valin, art. 4, titre de l'engagement des matelots.

Cependant, par un arrêt du Conseil du 20 mai 1744, rapporté dans Valin, sur cet article, le roi étant informé que les navires équipés dans les diffé» rens ports du royaume, pour être envoyés à la pêche de la morue, ne peu› vent, à cause de la déclaration de guerre faite à l'Angleterre, être expédiés » pour cette destination, attendu les risques évidens..............; interprétant les art. 4 » et 5 du tit. 4, liv. 3, de l'Ordonnance de la marine, ordonne qu'attendu › le risque evident, les maîtres et équipages des navires préparés pour être envoyés à la pêche, demeureront déchargés des engagemens par eux pris, lesquels seront déclarés nuls et comme non avenus, et respectivement, les négocians et armateurs qui ont fait équiper lesdits navires de ceux qu'ils ont » contractés avec lesdits maîtres, matelots et équipages. Veut en conséquence, > Sa Majesté, que lesdits négocians et armateurs ne soient tenus de payer > auxdits matelots et équipages que les journées qu'ils auront employées à équiper lesdits navires. »

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En 1744, lors de la guerre déclarée contre l'Angleterre, il n'y avait eu aucune interdiction de commerce avec les lieux de la destination de nos pêcheurs français d'où il suit que les chartes-parties devaient subsister en leur entier, suivant l'art. 7, titre des chartes-parties. On ne se trouvait ni au cas de l'art. 4, -titre de l'engagement, où il est parlé de l'interdiction de commerce avec le lieu de la destination du vaisseau, ni au cas de l'art. 5, au même titre, où il s'agit du vaisseau arrêté par ordre souverain.

Le risque évident n'est pas un motif que l'Ordonnance ait adopté pour anéantir le contrat. La guerre est à l'instar des écueils et des tempêtes. Je crois donc que cet arrêt du Conseil, dicté par esprit d'équité, et par des raisons d'état, ne doit pas tirer à conséquence, ni moins encore être considéré comme loi générale.

**

Pour ce qui est des assurances, il est certain qu'elles ne sont altérées en rien par l'interdiction de commerce avec tout autre pays que celui de la destination du vaisseau, avant ou après le voyage commencé. En effet, les `assureurs répondent des pertes arrivées sur mer, par déclaration de guerre et de réprésailles. Art. 26, titre des assurances. Ils ne peuvent donc requérir ni

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