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l'assuré, débiteur de la prime, attendu que la loi doit être égale. Suprà, ch. 1, sect. 5, § 3.

CONFÉRENCE.

XXIV. L'art. 6, titre des assurances de l'Ordonnance, voulait que la prime fût payée en son entier lors de la signature de la police; mais, comme nous l'observe Valin sur cet article, la prime ne se paie le plus ordinairement qu'après la cessation des risques. Néanmoins, s'il est stipulé expressément dans la police que la prime sera payée comptant, les assureurs, en cas de non paiement, sont fondés à demander le résilîment du contrat d'assurance, faute à l'assuré de remplir son obligation, celeri præstatione. En général, on suit l'usage des lieux. L'usage stipule pour les parties, qui sont censées s'y être conformées pour l'exécution de leurs conventions.

C'est au surplus avec raison qu'Emérigon écarte la doctrine de Valin (titre des assurances, art. 20), et de Pothier (Traité des assurances, n°. 116), qui distinguent entre l'assurance de sortie et celle de retour, dans le cas où l'assuré à qui on a donné terme pour le paiement de la prime, fait faillite. Il n'y a aucun doute que dans ce cas les assureurs ne soient en droit de requérir, ou qu'on leur donne caution, ou que le contrat soit résilié. - ( Argument de l'art. 1184 du Code civil).

Il en est de même en faveur de l'assuré, si l'assureur tombe en faillite. du Code de commerce).

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(Art. 346

SECTION VIII.

Prime due à l'Assureur qui fait faillite. Est-elle compensable avec la perte ?

EN 1780, M. Gignoux et moi fûmes nommés arbitres pour décider la question si les primes dues à l'assureur qui fait faillite sont compensables avec les pertes dues par lui-même.

Nous fûmes d'avis qu'il fallait distinguer deux cas principaux.

Premier cas. Lorsque la perte et la prime sont respectivement dues en vertu de la même police, et que l'obligation de l'assuré dérive du même contrat, lez deux points se rapprochent et s'absorbent proportionnellement l'un dans

l'autre.

La prime, qui est le prix du péril, avait été promise à l'assureur, et celuici avait promis de payer la perte. Il ne la paie pas à cause de sa faillite. L'assuré se trouvant frustré, et comme évincé de la promesse à lui faite, est en droit de retenir le prix de la chose évincée. Ce n'est pas ici une com

pensation, mais bien une rétention pour cause de garantie et de gage; et cette rétention doit avoir lieu, sans considérer ni l'époque de la faillite, ni celle du sinistre. On peut alléguer à ce sujet la loi 13, § 8, ff de act. empt., ibiq. Cujas; la loi 31, § 8, ff de ædilit. edict.; la loi 22, ff de hæred. vendit.; la loi 14, § 1, ff de furtis, qui décident qu'avant la tradition, le vendeur peut retenir, comme en gage, la chose vendue, jusqu'à ce qu'il soit payé du prix dont le terme est échu.

L'exception dérive alors de l'action même; car s'il m'est permis d'agir, je puis, à plus forte raison, écarter la demande formée contre moi : Juri convenit ut cui datur actio, ei multò magis detur exceptio. Stypmannus, part. 4, cap. 7, n°. 495, pag. 471. L. 156, § 1, ff de reg. juris.

Si, à l'époque de la faillite de l'assureur, le navire est encore en risque, le droit de rétention dont je viens de parler compète également à l'assuré, ainsi qu'on le verra infrà, ch. 8, sect. 16.

Second cas. Lorsqu'il s'agit de divers risques; par exemple, d'un côté, le failli me doit une perte pour un navire pris par les ennemis, et de l'autre, je lui dois des primes pour d'autres navires arrivés à bon port, y a-t-il lieu à la compensation? Il faut alors se diriger par les règles du droit commun.

La compensation est l'acquittement réciproque entre deux personnes qui se trouvent débiteurs l'un de l'autre. Elle opère deux paiemens, ou plutôt elle évite le circuit de deux paiemens effectifs entre les mêmes personnes, qui, par ce moyen, se trouvent satisfaites l'une envers l'autre, jusqu'à la concurrence de la dette moindre.

Cette espèce de paiement est si favorable, qu'il s'opère par le seul ministère de la loi : Placuit inter omnes id quod debetur, ipso jure compensari. L. 21, ff de compens. L. ult., C. eod., etc.

Mais pour que la compensation ait lieu, il faut que les dettes respectives soient personnelles aux deux parties.

Il faut qu'elles soient liquides, c'est-à-dire exemptes de conditions et de toute exception légitime. L. 14, ff de compens. L. ult., C. eod.

Il faut qu'elles soient échues. Quod in diem debetur, non compensabitur antequàm dies venit, quamquàm dari oporteat. L. 7, ff eod. Soulatges, pag. 256. Pothier, des oblig., no. 627.

Ce n'est pas tout il faut de plus que les deux dettes soient liquides et èchues dans un tems utile, entre personnes capables de payer et de recevoir. Si avant l'échéance du terme ou de la condition, l'une des parties a fait faillite, dès lors l'intérêt du tiers s'oppose à toute compensation. L'événement

ultérieur de la condition et du terme reste sans vertu. La faillite survenue est un milieu qui empêche les deux extrêmes de se joindre. Telle est la doctrine de nos auteurs et la jurisprudence constante des arrêts. Casaregis, disc. 135, no. 8, et disc. 208, no. 9. Ferrière, Cout. de Paris, tom. 2, pag. 91, n°. 10. Savary, parère 39, pag. 316. Catelan, tom. 2, pag. 455. Bezieux, pag. 197. Fromental, pag. 87. Actes de notoriété de messieurs les gens du roi, pag. 123 et 127.

D'après ces principes, il est facile de se décider sur les diverses hypothèses, comprises dans le second cas posé.

1o. Si le paiement de la perte et celui des primes se sont trouvés respectivement échus avant la faillite, la compensation a lieu;

2o. La compensation n'a pas lieu si, à l'époque de la faillite, le navire était encore en risque, ou que le sinistre ne fût pas encore connu;

3. Elle n'a pas lieu si, à l'époque de la faillite, les créances respectives. n'étaient pas échues, ou que l'une ne l'eût pas encore été ;

4. L'exigibilité avant le terme, opérée par la faillite, ne donne pas ouverture à la compensation, laquelle ne peut se faire au préjudice du tiers, et à laquelle cette même faillite s'oppose.

Infrà, ch. 18, sect. 1.

CONFÉRENCE.

XXV. Cette distinction et les principes que développent à cet égard nos deux savans jurisconsultes, doivent d'autant plus être admis, que nous ne trouvons rien, ni dans l'Ordonnance, ni dans le Code de commerce, sur une question aussi importante. D'ailleurs, elle repose sur les véritables maximes en matière de compensation et de faillite.

SECTION IX.

Hypothèque et Privilége de la prime:

L'ORDONNANCE ayant supposé que la prime serait payée comptant lors de la signature même de la police, l'assureur non payé de la prime ne fut point placé parmi les créanciers, dont les rangs et préférences sont déterminés par les art. 16 et 17, titre de la saisie des vaisseaux.

De ce silence, on a souvent voulu conclure que l'assureur, créancier de la prime, n'avait aucun privilége, parce que, dit-on, la matière des priviléges

est de droit étroit; il faut qu'ils soient expressément déférés par la loi, et il n'est jamais permis de les étendre d'un cas à l'autre, ni par égalité, ni par majorité de raison.

Mais on doit considérer que la prime des assurances est comprise dans les frais d'armement ou de facture (Cleirac, pag. 237, 518, 323 et 363): elle fait donc en quelque manière partie de la chose assurée, qui, par ce moyen, est présumée valoir davantage. Par conséquent, le privilége que l'Ordonnance accorde au vendeur ou fournisseur de la chose, doit être rendu commun à l'assureur, créancier de la prime.

Ainsi jugé par arrêt du 21 mai 1760, au rapport de M. de Mons, au profit de Barthélemi Benza, pour qui j'écrivais, contre les créanciers de JeanAndré B***.

Autre arrêt du 21 juin 1776, au rapport de M. de Saint-Martin, en faveur du sieur Lazare Ollive, qui lui accorda privilége pour le montant des billets de prime dont il était porteur. Arrêt semblable du 9 avril 1777

Cependant, par une sentence rendue le 31 décembre 1776, dans la faillite de Pascal E***, notre tribunal consulaire, au lieu de se borner à prononcer sur le procès qu'il avait à juger, déclara que les polices d'assurance n'ont aucun privilége légal sur les effets ussurés. Cela est vrai, si les effets assurés ne se trouvent pas en nature entre les mains du débiteur de la prime, ou au pou-voir de la masse de ses créanciers; mais, dans le cas contraire, le privilége ne doit pas être refusé à l'assureur, lequel, par les risques dont il s'est chargé, a donné le mouvement et la vie à l'expédition maritime. Valin, art. 20, des assurances. Pothier, n°. 192.

Dans la formule de Nantes, on trouve une clause par laquelle l'assuré oblige spécialement les choses assurées.

Vid. Traité du contrat à la grosse, ch. 12, sect. 4.

Indépendamment du privilége dont je viens de parler, les assureurs ont, pour le paiement de la prime, une hypothèque générale sur les biens de l'assuré, si la police a été reçue par courtier ou notaire.

L'arrêt rendu en faveur du sieur Ollive, et que je viens de rapporter, décida que cette hypothèque ou ce privilége ne sont pas anéantis par les billets valeur en prime, que l'assuré a remis aux assureurs, soit parce que la police d'assurance, qui est le titre commun des parties, n'est point cancellée (vide infrà, ch. 18, sect. 4), soit parce que la novation ne s'opère ai par le nouveau délai accordé au débiteur, ni par la nue réitération du titre. Pothier, des obligations, n°. 594. Soulatges, ch. 7, pag. 272 et suivantes.

CONFÉRENCE.

XXVI. Voyez la conférence ci-dessus, no. xxIII, et l'art. 191 du Code de commerce, no. 10.

SECTION X.

La Prime peut-elle consister en autre chose qu'en une somme déterminée?

DANS l'usage, la prime consiste en une somme d'argent promise ou comptée; mais rien n'empêche de stipuler, par exemple, qu'on sera assureur, à condition qu'on aura une telle portion du net produit de la chose assurée, si elle arrive à bon port, et qu'on paiera la valeur primitive du total, si elle se perd.

Ce pacte renferme un double contrat, celui d'assurance et celui de société. La chose chargée dans le navire forme la part de l'un des associés, et le péril forme la part et la mise en fonds de l'autre : Quod de operâ dicitur, idem et de labore ac periculo navigationis et similibus intelligi debet. Vinnius, S 2, inst. de societate.

L'Ordonnance dit que la prime est le prix pour lequel on prend le péril sur soi, et qu'elle est le coût de l'assurance. Peu importe que ce prix ou récompense soit en argent ou en toute autre chose. Il suffit qu'un bénéfice certain ou espéré contre-balance les risques maritimes dont on se rend responsable.

Il est vrai que le prix de la vente doit consister en une somme de deniers que l'acheteur paie, ou s'oblige de payer au vendeur : Pretium in numeratâ pecuniâ consistere debet. S'il consiste en toute autre chose, c'est un contrat d'échange. § 2, inst. de empt. L. 7, C. de permut. Pothier, Traité des ventes,

n°. 30.

Mais il suffit que l'assureur reçoive une indemnité ou récompense, telle qu'elle soit, au sujet des périls dont il se rend garant, pour que le contrat soit un véritable contrat d'assurance, à moins qu'on ne dise que c'est alors un contrat sans nom, ce qui nous jetterait dans les subtilités des docteurs italiens.

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