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n'était pas en usage parmi eux; ils y suppléaient sans doute; soit par les contrats conditionnels ou aléatoires, soit par la fidéjussion.

Je crois cependant apercevoir dans l'histoire romaine quelque trace de notre contrat d'assurance.

Lors de la seconde guerre punique, les entrepreneurs, chargés de faire transporter en Espagne des munitions de guerre et de bouche, stipulèrent que la République serait garante des pertes qui, dans le cours du voyage, seraient occasionnées par les ennemis ou par la tempête : Ut quæ in naves imposuissent, ab hostium, tempestatisve vi, publico periculo essent. Tite - Live; liv. 23; no. 49:

Quelques années après; on fit le procès à des traitans qui; s'étant chargés de faire porter les provisions nécessaires aux armées qui servaient dans les provinces, avaient supposé de faux naufrages. La République avait pris pour son compte les pertes qui arriveraient par la violence des tempêtes: Publicum periculum erat à vi tempestatis, in iis quæ portabantur ad exercitus: Tite-Live, liv. 25, no. 3,

Cicéron ayant remporté en Cilicie une victoire qui lui mérita le titre d'imperator, et qui lui aurait procuré l'honneur du triomphe, si la guerre civile entre César et Pompée ne fût survenue, écrivit au proquesteur Caninius Saluste, à Laodicée, qu'il aurait soin de se procurer des répondans pour les deniers publics qu'il enverrait à Rome. Laodica me prædes accepturum arbitror omnis pecuniæ publicæ, ut et mihi et populo cautum sit sine vecturæ periculo. Lib. 2, epist. 17.

Lors d'une grande disette, l'empereur Claude, pour inciter les négocians à accélérer l'importation des grains en Italie, prit sur lui les pertes et dommages qui arriveraient par tempêtes: Suscepto in se damno, si cui quid per tempestates accidisset. Sue

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Mornac, sur la loi 9, ff ad leg. rhod., de jactu, et Gibalinus Lois des Marseillais lib. 4, cap. 11, art. 2, n.o 2, nous apprennent qu'à l'exemple des Rhodiens, les Marseillais avaient fait des lots nautiques; mais que l'injure des tems nous les a dérobées : Quondàm à Massiliensibus plurimæ leges nautica, instar Rhodiarum, condita fuerunt; quas hodiè ignoramus, eò quòd vel injuriâ temporum, vel hominum ignaviâ perierunt.

La République marseillaise se gouverna toujours avec sagesse, et conserva ses principes. Les statuts municipaux qui furent promulgués dans le treizième siècle, renferment, au sujet de la navigation et des contrats maritimes, plusieurs chapitres qui sont dignes de l'antiquité la plus éclairée, et nous pouvons nous glorifier que nos anciennes lois nautiques ne sont pas perdues; elles avaient été gravées sur la pierre : Eorum leges Ionico more erant publicè proposita. Elles ont été transmises d'âge en âge par les mœurs des citoyens et par l'esprit de commerce, qui rend Marseille toujours plus florissante.

Grotius, de jure belli, lib. 3, cap. 1, § 5 (in alleg.; n.o 6), Consulat de la mer. et après lui Marquardus, cap. 5, n.o 39, nous apprennent que le Consulat de la mer est un recueil d'anciennes ordonnances nautiques, faites par les empereurs grecs, par les empereurs d'Allemagne, par les rois de France, d'Espagne, de Syrie, de

Chypre, de Majorque et Minorque, et par les Républiques de Venise et de Gênes.

Ce recueil fut composé par ordre des anciens rois d'Arragon, et devint la règle à laquelle presque tous les peuples chrétiens qui s'adonnèrent au commerce maritime se soumirent volontairement. Targa, cap. 96, pag. 395.

Il fut adopté comme loi à Rome, en l'année 1075; à Acre, en 1111; à Majorqno, cn 1112; à Pise, en 1118; à Marseillo, en 1162; à Almérie, en 1174; à Gênes, en 1186; à Rhodes, en 1190; en Morée, en 1200; à Venise, en 1215; en Allemagne, en 1224; à Messine, en 1225; à Paris, en 1250; à Constantinople, en 1262.

La plus ancienne traduction que nous en ayons est en langue catalane. L'ouvrage fut ensuite traduit en castillan, en allemand et en italien. Les éditeurs y ajoutèrent quelques autres ordonnances, concernant la navigation et le commerce maritime. Le tout ensemble comprend trois cent soixante-un ou trois cent soixante-cinq chapitres, suivant les diverses éditions; mais on ne reconnaît pour véritable Consulat de la mer, que les deux cent quatre-vingt-quatorze ou deux, cent quatre-vingt-seize premiers chapitres.

La traduction italienne, divisée en deux cent quatre-vingtquatorze chapitres, se trouve dans le troisième volume de Casaregis, avec d'excellentes explications faites par cet auteur. Elle avait été imprimée à Venise en 1566. Con l'aggiunta delle ordinationi sopra l'armate di mare, sicurtà, entrate e uscite.

En 1577, M. François Meyssoni, docteur ès droit et avocat au siége de Marseille, donna au public une traduction française du

vij Consulat de la mer, et des réglemens y adjoints. Elle fut réimprimée en 1635.

M. Hubner, dans la préface de son Traité sur la saisie des bâtimens neutres, parle du Consulat de la mer d'une manière des plus défavorables. Il dit que c'est « une masse informe et un » amas assez mal choisi de lois maritimes et positives, et d'or» donnances particulières du moyen âge, ou des siècles peu » éclairés, jointes à une compilation de decisions privées........... » Ni les unes ni les autres, ajoute-t-il, ne sauront être d'aucun >> secours à ceux qui voudraient discuter le droit des nations belligérantes au sujet de la navigation des peuples neutres. Les » ordonnances mentionnées ont pu obliger dans le tems les su

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jets des législateurs; mais comme elles ne sont que particulières, » elles n'ont jamais pu obliger qu'eux, et comme elles sont ac» tuellement surannées, elles n'obligent plus personne. Pour ce qui regarde les décisions, elles ne me paraissent absolument » bonnes à rien dans la pratique, sur-tout n'étant pas seulement » motivées, ni même faites dans un tems où l'on sût ce que c'est » qu'un commerce intelligent, ou la manutention d'icelui. Tout » le fruit qu'on peut espérer de tirer de la lecture de ce recueil, » c'est de satisfaire à sa curiosité, en faisant une comparaison » des maximes usitées, et de la police du commerce de ces siè>cles, avec celles qui sont suivies dans celui-ci, à l'avantage du » nôtre; et en apprenant, pour ainsi dire, de la bouche de ces » souverains, la profonde ignorance où ils étaient, eux et ceux » de leurs sujets qui passaient alors pour être des plus habiles, » sur bien des choses avantageuses aux peuples, dont la poli

» tique moderne et le Code des nations indépendantes, bien » mieux éclairci depuis, nous instruisent amplement.

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Cet auteur ayant trouvé, dans le chap. 274 (1), des décisions contraires à son systême, a été de mauvaise humeur contre l'ouvrage entier; mais s'il l'eût examiné avec quelque soin, il se serait convaincu que les décisions que le Consulat renferme, sont fondées sur le droit des gens. Voilà pourquoi elles réunirent les suffrages des nations; elles ont fourni unt ample matière aux rédacteurs de l'Ordonnance de 1681; et malgré l'écorce gothique qui les enveloppe quelquefois, on y admire l'esprit de justice et d'équité qui les a dictées.

Le Consulat de la mer a force de loi dans toute l'Italie. De Luca, de credito, disc. 107, n.o 6, et in conflictu, observ. 22. Casaregis, 'disc. 4, n.o 14; disc. 6, n.o 14; disc. 19, n.o 3; et disc. 213;

n° II,

Vinnius, sur la loi 1, ff de leg. rhod., pag. 190, dit que la plupart des lois nautiques qui sont en usage aujourd'hui en Espagne, en Italie, en France et en Angleterre, sont puisées dans le Consulat de la mer : Apparet et scriptoribus, quà Hispanis; quà Italis, Gallis et Anglis, bonam partem legum, quibus hodiè ad res maritimas utuntur, depromptam esse ex libro Consulatus.

Consulatus maris, in materiis maritimis, tanquàm universalis consuetudo habens vim legis, inviolabiliter attendenda est apud omnes provincias et nationes. Casaregis, disc. 213, n.o 12.

(1) Chap. 273 ou 275, suivant les éditions.

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