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TRANSLATION à Saint-Denis de la dépouille mortelle du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette. (Voyez les Moniteurs du mois de janvier 1815.)

Dès le 22 mai 1814, le chancelier de France, M. Dambray, commença les informations nécessaires pour constater les circonstances qui avaient précédé, accompagné et suivi l'inhumation de Louis XVI et de la reine sa femme. La plus importante des dépositions fut celle du sieur Danjou, gendre du sieur Descloseaux, ce dernier étant devenu propriétaire du terrain où ces inhumations avaient eu lieu. (Le cimetière de la Madeleine.) La déposition du sieur Danjou portait :

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Qu'il avait été témoin de l'inhumation du roi Louis XVI et de S. M. la reine; qu'il les avait vu descendre tous deux dans la fosse dans des bières découvertes, qui ont été chargées de chaux et de terre; que la tête du roi, séparée du corps, était placée entre ses jambes; qu'il n'avait jamais perdu de vue une place devenue si précieuse, et qu'il regardait comme sacrée, quand il a vu faire par son beau-père l'acquisition du terrein, déjà enclos de murs, qu'il a fait rehausser pour plus grande sûreté; que le carré où se trouvent les corps de leurs majestés a été entouré par ses soins d'une charmille fermée; qu'il y a été planté des saules pleureurs et des cyprès ; et a signé après lecture faite. Signé DANJOU. »

Les 18 ct 19 janvier 1815, des fouilles furent exécutées dans ledit terrein, d'après les indications données par les sieurs Descloseaux et Danjou, en leur présence, et sous les yeux de MM. Dambray, chancelier de France; Blacas, ministre de la maison du roi; le bailli de Crussol; de la Fàre, évêque de Nancy; le duc de Duras; le marquis de Brézé; l'abbé d'Astros; Distel, chirurgien du roi. Les procès-verbaux d'exhumation et de reconnaissance n'ont point d'autres signatures que celles de ces dix personnes.

Il résulte de ces procès-verbaux qu'à une profondeur de huit à dix pieds, dans un ainas confus de terre et de chaux, il a été trouvé des débris de cercueil et des ossemens; que ces ossemens, quelques uns corrodés et près de tomber en poussière, d'autres conservés et intacts, ont été recueillis, examinés, et reconnus pour être les restes de Louis XVI et de la reine. (Voyez les procès-verbaux dans le Moniteur du 21 janvier 1815.)

Le 20 janvier ces dépouilles précieuses ont été déposées dans deux cercueils de plomb, portant chacun l'inscription d'usage seulement Ici est le corps de très haut, très puissant et très excellent prince, etc.

ORDONNANCE. « Le roi, désirant consacrer par un témoignage public et solennel la douleur que la France n'avait pu jusqu'ici faire éclater, et qu'elle manifeste aujourd'hui d'une manière si touchante, au souvenir du plus horrible attentat, a ordonné que le 21 janvier de chaque année un service pour le repos de l'âme de Louis XVI serait célébré dans toutes les églises du royaume; que la cour prendrait le deuil, ainsi que les autorités civiles et militaires; que les tribunaux vaqueraient, et que les théâtres seraient fermés.

» Paris, ce 20 janvier 1815. Le ministre de la maison du roi, signé BLACAS d'AULPS.»

Du méme jour. « Le roi, voulant récompenser le pieux dévouement de M. Desclozeaux, quí a conservé à la France les dépouilles mortelles de LL. MM. le roi Louis XVI et de la reine son épouse, et qui, se rendant acquéreur du terrein où leurs corps avaient été inhumés, a ainsi veillé lui-même à la conservation de ce dépôt précieux, lui a accordé le cordon de l'ordre de Saint-Michel, et une pension reversible à ses deux filles.

» Madame, duchesse d'Angoulême, lui a envoyé comme un témoignage de sa reconnaissance les portraits du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette d'Autriche. >> (Moniteur.)

Du 21 janvier 1815. « La translation à Saint-Denis de la dépouille mortelle du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette, archiduchesse d'Autriche, a eu lieu aujourd'hui. Le cortége est parti de la rue d'Anjou à neuf heures du matin, et est arrivé à Saint-Denis vers midi. L'ordonnance en était simple et majestueuse. Sur tous les lieux de son passage il a marché entre une double haie de spectateurs nombreux, dans une attitude grave et silencieuse, et dans le recueillement profond que commandait l'objet d'une telle cérémonie. Une grande partie des habitans de Paris s'était rendue à Saint-Denis; une autre portion, nou moins considérable, affluait dans les diverses églises de la capitale. L'ordre le plus parfait a régné. » (Moniteur.)

Le démembrement de l'armée, les injustices commises à l'égard des plus dignes officiers; le déplacement ou le renvoi des magistrats et des employés du dernier gouvernement; les menaces faites dans les départemens aux acquéreurs de biens nationaux, et l'impunité accordée aux démarches turbulentes des anciens propriétaires; les atteintes portées à la liberté des consciences, à l'exercice du culte protestant, etc., voilà ce qu'on pourrait justifier par un grand nombre d'actes et de faits, soit publics, soit secrets, soit en violation ouverte de la Charte, soit le résultat de l'arbitraire d'agens subalternes, ou de l'audace de petits tyrans sans mission, et cependant protégés dans leurs excès par un ministère qui semblait prendre à tâche d'éloigner tout rapprochement entre les hommes de la révolution. et les hommes de l'ancienne France. Les ministres et les conseillers du roi, par l'intolérance de leurs opinions, par une aveugle persistance dans ce système de contre-révolution que réprouvaient la raison et la politique, trahissaient à la fois les actes, les promesses, les intentions de leur maître, ses intérêts et ceux du peuple.

Cet état de choses pesait depuis dix mois sur la nation quand Napoléon reparut : ce fut pour elle un malheur encore plus grand. Après avoir été humiliée par les agens du trône, elle se vit de nouveau déchirée par la guerre. Mais bientôt elle sera consolée et vengée par le monarque lui-même; elle en obtiendra cet auguste aveu que son gouvernement devait faire des fautes. L'expérience, dira Louis XVIII, l'expérience pouvait seule avertir; elle ne sera pas perdue.

FIN DU VINGTIÈME VOLUME.

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Louis-Philippe.

De Ségur,

Amb dan, meme du corps Légis it, cons llar d'étan

Sénateur, pair de France, etc, membre de l'Institut. Neen 1753.

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