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Pour préparer, à cette fin, des mesures conciliatrices, les monarques, réunis à Troppau, ont résolu d'inviter le roi des DeuxSiciles à se réunir à eux à Laybach; démarche, dont le but était uniquement de délivrer Sa Majesté de toute espèce de contrainte extérieure, et de constituer ce monarque médiateur entre ses peuples égarés et les États dont ils menaçaient la tranquillité. Les monarques, étant résolus de ne point reconnaître les gouvernements formés par une révolte ouverte, ils ne pouvaient négocier qu'avec le roi en personne. Leurs ministres et leurs agents à Naples ont reçu des instructions en conséquence.

La France et l'Angleterre ont été invitées à prendre part à cette démarche, et l'on doit s'attendre qu'elles ne refuseront pas d'y accéder, le principe sur lequel se fonde cette invitation, étant parfaitement en harmonie avec les traités qu'elles ont accomplis, et offrant en outre une garantie des intentions les plus équitables et les plus pacifiques.

Ce système, suivi de concert par la Prusse, l'Autriche et la Russie, n'a rien de nouveau. Il est basé sur les mêmes maximes qui ont servi de fondement aux conventions qui ont cimenté l'alliance des États européens. L'union intime entre les cours, qui se trouvent au centre de cette confédération, ne peut que gagner par là en force et en durée. L'alliance s'affermira par les mêmes voies qu'ont suivies pour les former, les puissances auxquelles elle doit son origine, et qui l'ont fait adopter peu à peu par toutes les autres, qui se sont convaincues de ses avantages plus que jamais incontestables.

Du reste, il n'est pas nécessaire de prouver qu'aucune idée de conquête, ni aucune prétention de porter atteinte à l'indépendance des autres gouvernements dans leur administration intérieure, ni enfin le projet d'empêcher des améliorations sages, faites librement et compatibles avec le véritable intérêt des peuples, n'ont eu aucune part à la résolution des puissances. Elles ne désirent que de conserver et maintenir la paix, de délivrer l'Europe du fléau des révolutions et de détourner ou d'abréger les maux qui naissent de la violation de tous les principes de l'ordre et de la morale.

A de telles conditions, ces puissances croient pouvoir compter,

en récompense de leurs soins et de leurs efforts, sur les suffrages unanimes du monde.

5

11 décembre 1820.

Lettre autographe de S. M. très-chrétienne au roi des Deux-Siciles,
datée de Paris le 3 décembre 1820.

Monsieur mon frère,

Dans les graves circonstances où les événements des cinq derniers mois ont placé les États que la Providence a confiés aux soins de Votre Majesté, elle n'a pu douter un moment de l'intérêt constant que je lui portais, et des vœux que je formais pour son bonheur personnel et pour celui de ses peuples.

Votre Majesté n'ignore point les puissants motifs qui m'ont empêché de lui exprimer plutôt les sentiments dont j'étais animé, et de lui faire parvenir, dans l'effusion de la plus sincère amitié, les conseils que peut-être j'étais, à plus d'un titre, autorisé à lui offrir.

Mais aujourd'hui il ne m'est plus permis d'hésiter. Informé par mes alliés réunis à Troppau de l'invitation qu'ils font parvenir à Votre Majesté, je dois me joindre à eux, et comme membre d'une alliance dont le seul but est d'assurer la tranquillité et l'indépendance de tous les États, et comme souverain d'un peuple ami de celui que Votre Majesté gouverne ; j'ajoute encore comme parent sincère et affectionné. Je ne saurais trop fortement insister auprès d'elle, pour qu'elle vienne prendre part en personne à la nouvelle réunion qui va se former.

Avec mes alliés, Sire, je vous dirai que leur intention, dans cette réunion, est de concilier l'intérêt et le bien-être dont la sollicitude paternelle de Votre Majesté doit désirer de faire jouir les peuples, avec les devoirs qu'eux-mêmes ont à remplir envers leurs États et envers le monde. La gloire la plus pure attend Votre Majesté. Elle concourra à raffermir en Europe les bases de l'ordre social; elle préservera ses peuples des malheurs qui les menacent: elle assurera, par l'accord si nécessaire du pouvoir et de la liberté, leur bonheur et leur prospérité pour une longue suite de générations.

Si mes infirmités l'eussent permis, j'aurais voulu accompagner Votre Majesté à cette auguste réunion; mais lorsqu'elle verra que, pour lui écrire dans une pareille occasion, je suis forcé de me servir d'une main étrangère, elle jugera facilement de l'impossibilité où je me trouve de suivre, à cet égard, l'impulsion de mon cœur.

Elle peut toutefois compter que ceux de mes ministres qui y assisteront en mon nom ne négligeront rien pour suppléer à tout ce qu'elle aurait pu attendre de moi-même. Votre Majesté, en prenant une détermination conforme au désir que, mes alliés et moi, nous lui manifestons, donnera à ses peuples une marque de son affection d'autant plus grande, que cette détermination, j'en ai la conviction intime, sera pour Votre Majesté le moyen le plus assuré de garantir les bienfaits de la paix et d'une sage liberté.

Je prie Votre Majesté d'agréer l'expression des sentiments d'estime, d'amitié et de haute considération avec lesquels je suis,

Monsieur mon frère, de Votre Majesté le bon frère,

Signé : Louis.

6

Lettre du roi de Naples, en réponse à celle de l'empereur d'Autriche, datée de Naples le 11 décembre 1820.

Monsieur mon frère et cher gendre,

Si, dans les circonstances actuelles, mon cœur a pu s'ouvrir encore aux impressions de la joie, c'était sans doute au moment où j'ai reçu la lettre de Votre Majesté Impériale, datée de Troppau, et celles des monarques alliés qui y sont réunis. J'ai été touché au delà de toute expression de la grandeur d'âme qui dirige toutes vos démarches pour le bien des nations européennes et de l'intérêt particulier, sincère et dont j'ai déjà eu antérieurement de fréquentes preuves, que vous prenez pour ma personne et pour les peuples que la Providence a confiés à mes soins, et dont le bonheur, le repos et le bien-être sont le but de tous mes efforts. D'après cette expression franche de mes sentiments,

Votre Majesté pourra aisément imaginer, avec quelle vive reconnaissance j'ai reçu l'invitation que vous m'avez adressée, ainsi que LL. MM. l'empereur de Russie et le roi de Prusse, de prendre part aux délibérations de Laybach, qui n'ont pour objet que d'affermir le but de la plus sainte des alliances. Je vois, dans cette invitation, un nouveau bienfait de la Providence qui m'ouvre une voie pour travailler, avec mes illustres alliés, à un ouvrage qui rendra leur nom cher à la postérité la plus reculée, et avoir ainsi quelque part à la gloire qui les attend. Votre Majesté ne doutera pas de mon empressement à me rendre à une telle invitation, et mon départ sera aussi prompt que les circonstances pourront le permettre.

Ce sera une consolation particulière pour moi de revoir Votre Majesté Impériale, et de faire personnellement connaissance avec LL.MM. l'empereur de Russie et le roi de Prusse, de devoir à votre sagesse et à votre bienveillance la paix de mon pays, et ma plus agréable occupation sera d'imprimer à tous les membres de ma famille les sentiments de reconnaissance, dont mon cœur est pénétré.

Agréez l'assurance de la considération distinguée et du dévouement avec lequel je suis, de Votre Majesté, le bon frère et beau-père.

Ferdinand.

Naples, le 11 décembre 1820.

7

19 janvier 1821.

Dépêche circulaire du vicomte Castlereagh aux ministres de S. M. Britannique près les cours étrangères, datée de Londres, le 19 janvier 1821.

Monsieur, je n'aurais pas jugé nécessaire de vous faire aucune communication dans l'état actuel des discussions entamées à Troppau, et transférées à Laybach, sans une circulaire adressée par les cours d'Autriche, de Prusse et de Russie, à leurs légations respectives, et qui, si le gouvernement de Sa Majesté ne s'expliquait à cet égard, pourrait donner lieu à des impressions très-erronées sur les sentiments précédents et actuels du gouvernement britannique. Il est donc devenu né

saire de vous informer que le roi a jugé devoir refuser de prendre part aux mesures en question.

Ces mesures embrassent deux objets distincts: 1° la fixation de certains principes généraux destinés à régler à l'avenir la conduite politique des alliés dans les cas qui y sont indiqués; 2o le mode proposé d'agir d'après ces principes relativement aux affaires actuelles de Naples.

Le système des mesures proposé sur le premier point serait, s'il était l'objet d'une réciprocité d'action, diamétralement opposé aux lois fondamentales de la Grande-Bretagne. Mais, lors même que cette objection décisive n'existerait pas, le gouvernement britannique n'en jugerait pas moins que les principes qui servent de base à ces mesures, ne peuvent être admis avec quelque sûreté comme système des lois entre les nations. Le gouvernement du roi pense que l'adoption de ces principes sanctionnerait inévitablement et pourrait amener par la suite de la part de souverains moins bienveillants une intervention dans les affaires intérieures des États, beaucoup plus fréquente et plus étendue que celle dont il est persuadé que les augustes personnages ont l'intention d'user, ou qui puisse se concilier avec l'intérêt général, ou avec l'autorité réelle et la dignité des souverains indépendants. Le gouvernement de Sa Majesté ne croit pas que, d'après les traités existants, les alliés aient le droit d'assurer aucuns pouvoirs généraux de cette espèce, et il ne croit pas davantage qu'ils puissent s'arroger des pouvoirs aussi extraordinaires en vertu d'aucune nouvelle transaction diplomatique entre les cours alliées, sans s'attribuer une suprématie incompatible avec les droits d'autres États ou même, en acquérant ces pouvoirs du consentement spécial desdits États, sans introduire en Europe un système fédératif, oppresseur, et qui, non-seulement serait inefficace dans son objet, mais encore pourrait avoir les plus graves inconvénients.

Quant à l'affaire particulière de Naples, le gouvernement britannique n'a pas hésité dès le commencement à exprimer fortement son improbation de la manière dont cette révolution s'est effectuée, et des circonstances dont elle paraissait avoir été accompagnée; mais en même temps il déclare expressément aux différentes cours alliées qu'il ne croyait pas devoir

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