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clare particulièrement la papauté déchue de fait et de droit du gouvernement temporel de l'Etat romain; il proclame une République, et un autre décret ordonne la destruction des insignes du saint-père. Sa Sainteté, en voyant ainsi outragée sa suprême dignité de pontife et de souverain, a protesté à la face de toutes les puissances, de toutes les nations et de tous et de chacun des catholiques du monde entier contre cet excès d'irréligion, contre un crime si violent de spoliation de ses droits imprescriptibles et sacrés. Si cet attentat n'est pas suivi d'une prompte réparation, le secours n'arriverait que quand les Etats de l'Église, en proie aujourd'hui à leurs plus acharnés ennemis, seraient complétement réduits en cendres.

C'est pourquoi le saint-père, ayant épuisé tous les moyens qui étaient en son pouvoir, poussé par le devoir qui le presse, en face de tout le monde catholique, de conserver dans toute son intégrité le patrimoine de l'Église et la souveraineté qui y est annexée comme indispensable pour maintenir sa pleine liberté et indépendance de chef de cette Église; touché d'ailleurs des gémissements des gens de bien qui réclament hautement aide et secours, et qui ne peuvent supporter plus longtemps un joug de fer et une main tyrannique, le saint-père se tourne de nouveau vers ces mêmes puissances, et spécialement vers celles qui sont catholiques, et qui, avec une si grande générosité de cœur, et d'une façon non équivoque, ont manifesté leur volonté arrêtée de défendre sa cause, tenant pour certain qu'elles voudront concourir avec la plus vive sollicitude, par leur intervention morale, à le rétablir sur son siége et dans la capitale de ces domaines qui lui ont été constitués pour maintenir sa pleine liberté et indépendance, et qui sont garantis d'ailleurs par tous les traités qui forment la base du droit public européen.

Et, puisque l'Autriche, la France, l'Espagne et le royaume des Deux-Siciles se trouvent par leur position géographique en situation de pouvoir promptement concourir par leurs armes à rétablir, dans les domaines du saint-siége, l'ordre troublé par une horde de sectaires, le saint-père, se fiant à l'intérêt religieux de ces puissances, filles de l'Église, demande avec une entière assurance leur intervention armée pour délivrer principalement l'État du saint-siége de la faction des misérables, qui

y exercent par toutes sortes de crimes le plus atroce despotisme.

De cette manière seule, l'ordre pourra être restauré dans les États de l'Église, et le saint-père rétabli dans le libre exercice de sa suprême autorité, ainsi que l'exigent impérieusement son auguste et sacré caractère, les intérêts de l'Église universelle et la paix des peuples. C'est ainsi qu'il pourra conserver ce patrimoine qu'il a reçu à son avénement au pontificat, pour le transmettre dans son intégrité à ses successeurs.

Sa cause est celle de l'ordre et du catholicisme. C'est pourquoi le saint-père a la confiance que toutes les puissances avec lesquelles il entretient des relations amicales, et qui, dans les diverses phases de la situation où il a été réduit par un parti de factieux, lui ont manifesté leur plus vif intérêt, donneront leur appui moral à l'intervention armée que la gravité des circonstances l'oblige à invoquer. Les quatre puissances ci-dessus nommées n'hésiteront pas un moment à lui prêter la coopération qu'il requiert d'elles, rendant ainsi un immense service à l'ordre public et à la religion.

Le soussigné, cardinal prosecrétaire d'État de Sa Sainteté, réclame de Votre Excellence qu'elle ait l'obligeance de porter la présente note le plus promptement possible à la connaissance de son gouvernement, et dans la confiance du bienveillant accueil qu'il attend, il a l'honneur de vous confirmer ses sentiments de considération distinguée.

Cardinal Antonelli.

19 février 1849.

Acte du gouvernement insurrectionnel de Florence, déclarant la proclamation de la république.

Toscans hier, le gouvernement provisoire a reçu du comte de Laugier, général des milices toscanes à Massa, une proclamation qui est une œuvre de mensonge et de scélératesse; de mensonge, car elle dit que Léopold n'a pas abandonné la Toscane qu'en quittant Sienne, il a nommé un gouvernement provisoire; qu'il a défendu à la milice de violer son serment au

statut fondamental; une œuvre de scélératesse, parce qu'elle avait pour but de provoquer la guerre civile, de faire croire que l'armée piémontaise allait venir au secours de Léopold l'Autritrichien contre ses frères toscans!

Le gouvernement provisoire n'a pas manqué à son devoir, il a expédié l'ordre de mettre hors la loi le traître de Laugier, de déclarer rebelles les soldats qui persisteraient à suivre cet homme, et de conférer un grade supérieur aux sous-officiers restés fidèles à la patrie. Il a, de plus, appelé les provinces, et particulièrement Livourne, à la défense du territoire toscan; il s'est mis immédiatement en rapport avec le représentant de la puissance qui s'est déclarée l'amie de la Toscane, et a enfin pourvu à la défense du pays. La Toscane s'est émue à l'annonce d'une pareille nouvelle; les représentants du peuple sont accourus à Florence, et là, sur la place de la Signora, au milieu des souvenirs de leurs ancêtres républicains, devant le palais qui conserve encore la devise de la liberté, ils ont déclaré se constituer en république et vouloir s'unir à Rome.

Le gouvernement pense que ce vœu sera confirmé par toute la Toscane, et qu'ainsi, après 318 années, la République retrouvera son berceau. Nos frères piémontais, que cet infâme de Laugier représentait, comme devant venir se baigner dans le sang toscan, qui a coulé avec chaleur dans les champs de la Lombardie, sont honteux d'une calomnie si odieuse, et protestent de leurs sentiments fraternels à notre égard. Le traître de Laugier mis hors la loi, effrayé de l'énormité de son crime, rongé de remords, chargé de malédictions, erre sans doute en ce moment à l'aventure.

Qu'il fuie, le misérable, nous ne lui envions pas les jours qui lui restent à vivre; car sa vie sera un supplice de chaque instant, et lui-même, accablé de honte, cherchera dans la mort un remède à ses tourments.

Aux armes, citoyens ! aux armes! Dieu est avec nous; montrons-nous dignes de l'Italie et de Rome.

Florence, 19 février 1849.

Le gouvernement provisoire,

Mazzoni, président de semaine,
Guerrazzi, Montanelli.

20 février 1849.

Protestation adressée aux membres du corps diplomatique accrédités en Toscane.

Porto San Stefano, le 20 février.

Depuis ma déclaration du 11 février 1849, adressée à tout le corps diplomatique accrédité en Toscane, j'ai eu la satisfaction de me voir entouré des hommes respectables composant ce corps. Leur présence m'a donné des consolations, tant à cause de leurs amicales paroles et des sentiments cordiaux que chacun d'eux a bien voulu m'exprimer, qu'à raison de la signification manifeste donnée par leur présence autour de moi à l'aspect des affaires en Toscane.

En adressant aux honorables membres du corps diplomatique mes plus sincères remercîments, je suis forcé de leur annoncer que mon séjour ultérieur dans ce port de la Toscane est désormais devenu impossible pour moi.

Depuis quelques jours l'on menaçait de venir à main armée me chasser d'ici. Il est certain que la menace s'est convertie en action. Les feuilles publiques en ont donné la nouvelle, et déjà un fort détachement d'hommes armés, sous les ordres de chefs non Toscans (capi non Toscani) est en route pour Grosseto. Il y a plus, les salves d'artillerie tirées à Orbitello, dans le voisinage, annoncent la consommation d'un autre attentat, la proclamation de la république.

En conséquence, je dois adopter une résolution, quelque amère qu'elle soit pour mon cœur, c'est la seule qui me reste à adopter. Je quitte mon pays bien-aimé, mais mon cœur y reste. Je prie Dieu d'éclairer l'esprit des malveillants et des égarés, et de consoler les bons qui sont en bien plus grand nombre qu'on ne le croit peut-être.

Je prie le corps diplomatique de vouloir bien rendre public le motif irrésistible qui me force à quitter la Toscane, et les sentiments qui m'animent en ce moment suprême. Je m'en re

mets à la Providence du soin de faire que les temps deviennent meilleurs.

Léopold.

Mars 1849.

Le gouvernement sarde aux nations de l'Europe civilisée.

Le gouvernement sarde, contraint, par la suite des événements, à rentrer dans la carrière où l'appela, l'année dernière, le vœu des peuples italiens déterminés à reconquérir leur nationalité, s'adresse avec confiance à l'opinion de l'Europe, pour la juste appréciation de ses intentions et de sa conduite.

Il est superflu de rappeler ici l'origine et le cours de la révolution italienne, laquelle s'est produite comme effet de plusieurs causes longtemps accumulées, mûries par le temps et par les progrès de la civilisation. Son premier cri, son premier vœu fut pour la réintégration de l'indépendance nationale. Le but auquel elle se montra, dans ses phases diverses, constamment fidèle, fut de renverser les obstacles opposés à l'accomplissement de ce vou. Ces obstacles se résument tous dans la domination autrichienne sur les provinces de la Lombardo-Vénétie et dans l'influence qu'elle a prétendu exercer plus ou moins ouvertement sur les différents États de la Péninsule. Il était donc naturel que la révolution italienne vît dans l'Autriche son principal ennemi, et réunît contre elle tous ses efforts.

Les gouvernements italiens pouvaient-ils, lors même qu'ils l'auraient voulu, renier ce vœu de la révolution italienne? Les considérations les plus graves conduisent à la persuasion qu'ils ne le pouvaient pas, et moins alors que dans tout autre temps. Les peuples, qui venaient d'obtenir de leurs gouvernements des institutions libérales dont le désir et le besoin se faisaient sentir depuis si longtemps, éprouvaient avec le sentiment d'un amour énergique pour la liberté nouvelle un sentiment non moins énergique pour l'indépendance nationale, persuadés qu'il n'y avait de véritable liberté que sur les bases de l'indépendance.

Les gouvernements devaient-ils, par égard pour les prétendus droits de l'Autriche, s'opposer aux vœux si unanimement mani

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