Page images
PDF
EPUB

(1840)

DÉPÊCHE DU PRINCE DE SCHWARTZENBERG.

557

Radetzky, l'ordre de faire avancer des troupes tant en Toscane que dans les Légations.

En décidant cette mesure, nous n'avons fait que répondre à la demande qui nous a été adressée à cet effet au nom du grandduc de Toscane et au nom du saint-père, ce dernier ayant en même temps demandé l'intervention armée de la France, de l'Espagne et de Naples. L'objet de notre intervention n'est pas autre que le rétablissement du gouvernement légitime et de l'ordre légal. Quand cet objet aura été obtenu (et grâce à la coopération de la saine partie de la population, nous espérons qu'il le sera promptement), nos troupes se retireront. En ce qui regarde l'intervention dans l'État de l'Église, nous aurions voulu pouvoir attendre les décisions de la conférence de Gaëte, qui, mettant en relief la convention existante entre les puissances dont l'appui avait été spécialement réclamé par le saint-père, auraient donné à leurs efforts de l'ensemble et de l'uniformité.

La France ayant résolu, par l'expédition de Civita-Vecchia, d'anticiper sur les décisions de la conférence, nous n'espérons pas moins que l'objet auquel tendent ces efforts isolés, sera le même que celui que les quatre puissances avaient été appelées à opérer par une action commune. Pour notre part, nous voulons seulement satisfaire aux vœux du saint-père, identiques avec ceux du monde civilisé, en coopérant, dans les limites de nos moyens, à rendre au chef de l'Église universelle sa liberté et son indépendance, que les populations catholiques ne peuvent pas voir d'un œil indifférent détruire au profit d'un parti anarchiste.

La France, à bien examiner la chose, ne peut pas avoir d'autre but. En conséquence, je crois volontiers que les mesures des deux puissances, tout en paraissant dictées par des inspirations différentes, n'amèneront entre elles aucun conflit, mais au contraire elles amèneront des résultats aboutissant également au bien-être du peuple de l'Italie centrale, et à la cause de l'ordre général.

Je vous prie, monsieur le comte, de faire lire cette dépêche au premier secrétaire d'État. Schwartzenberg.

1er mai 1849.

Déclaration du grand duc de Toscane aux habitants
de ses États.

Nous, Léopold, etc. L'expression d'attachement à notre royale personne, que nous avons trouvée dans l'attitude récente du peuple toscan, en remplissant de joie notre cœur et en calmant nos inquiétudes, devait nous déterminer à redoubler d'efforts pour ramener l'ordre et la tranquillité dans le pays, et assurer, sous l'empire des lois, de la justice et d'un gouvernement fort, la sécurité de tous et la liberté de chacun. Considérant toutefois que les actes révolutionnaires, consommés dans les mois de février et de mars dernier, par la faction qui impose violemment son joug à la Toscane, en renversant l'ordre établi, en forçant au silence et en dissolvant ensuite les assemblées législatives et en détruisant toute garantie constitutionnelle, ont réduit le pays à une situation si grave et si anormale, qu'il est nécessaire d'adopter des mesures provisoires et exceptionnelles qui puissent répondre d'une manière efficace aux urgentes nécessités de l'Etat.

Considérant que, dans la situation actuelle, les corps législatifs ne peuvent rendre aucun service utile ou opportun; attendu que leurs travaux ont été suspendus de fait au mois de février, et que les circonstances ne permettent pas qu'ils les reprennent.

Par ces motifs, nous ordonnons ce qui suit: 1. le généralmajor comte Louis Serristori prendra en notre nom, et en qualité de notre commissaire, le gouvernement de la Toscane avec des pouvoirs absolus et extraordinaires, pour ramener le pays à l'observation des lois, assurer le rétablissement de l'ordre et préparer la plus solide restauration du régime constitutionnel que nous avons déjà établi.

2. A l'arrivée du commissaire extraordinaire, seront dissoutes, tant la commission du gouvernement, formée par la municipalité de Florence, que les autres communes de la Toscane, après

le 11 avril dernier. Nous témoignons, par ces présentes, notre reconnaissance aux braves citoyens qui, dans des circonstances graves et à défaut de toute autre autorité, ont pris le gouvernement du pays pour aider au rétablissement de la monarchie constitutionnelle et préserver le pays même de désordres plus

graves.

3. Le commissaire extraordinaire exercera sa mission temporaire conformément à nos instructions, et pleine obéissance lui sera due par toutes les autorités militaires et civiles de l'Etat.

Toscans, le prince qui vous a gouvernés pendant vingt-cinq ans avec l'affection et la sollicitude d'un père, qui vous a donné des institutions libérales et y est resté fidèle, même lorsque l'improbité des factieux a osé les faire tourner à son détriment, qui a préféré ses devoirs à sa couronne et un exil honorable à un trône souillé par la licence et les mauvaises passions, ce prince vous adresse la parole.

Vous l'avez invoqué, fatigués des violences d'un petit nombre d'oppresseurs, éclairés par une courte mais pénible expérience, ramenés au sentiment d'un ancien dévouement par l'abus odieux que l'on a fait des noms les plus chers et des choses les plus saintes, écoutez actuellement et toujours cette voix, et la Toscane, cette belle partie de l'Italie, reviendra en peu de temps, Dieu aidant, à son ancienne prospérité, objet de tant d'envie.

Fait au môle de Gaëte, le 1er mai 1849.

Proclamations adressées aux habitants de Florence par le gouvernement intérimaire.

La municipalité de Florence et les soussignés composant la commission qu'elle s'est adjointe, se conformant, dans ce moment solennel, au vou exprimé par la population entière de la ville, se sont décidés à prendre les rênes du gouvernement. La

municipalité attend de vous la conservation de l'ordre, et elle compte sur le concours de la brave garde nationale et sur la coopération de son vaillant chef. Cependant elle déclare qu'en proclamant le rétablissement de la monarchie constitutionnelle, clle la veut entourée d'institutions populaires, et qu'elle n'épargnera rien pour atteindre ce but. Son premier soin sera de s'adresser à toutes les municipalités de province pour obtenir leur formelle adhésion.

9 mai 1849.

Le ministre des affaires étrangères à MM. de Rayneval

et d'Harcourt.

Paris, 9 mai 1849.

Monsieur,

J'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire.

Ce qui nous afflige plus profondément encore que les défiances qu'on persiste à nous témoigner à Gaëte, et dont le temps aura bientôt fait justice, c'est la nature des influences qui prévalent évidemment dans les conseils du saint-siége. A mesure qu'on semble approcher du dénoûment, on voit se dessiner avec plus de netteté de dangereuses propensions, qui, d'abord, se déguisaient sous des prétextes plus ou moins spécieux. Pour se refuser à toute déclaration préalable des intentions du saint-père, ses conseillers parlent de l'inconvénient de lui lier d'avance les mains. Cette objection pourrait avoir quelque valeur s'il s'agissait de poser en détail les bases d'un régime nouveau; mais lorsque nous demandons seulement qu'on indique la voie dans laquelle on se propose de marcher après le rétablissement de l'autorité du saint-siége, comment comprendre qu'on persiste à se renfermer dans un silence ab

solu, à moins qu'on n'ait la pensée secrète de revenir purement et simplement à tous les abus de l'ancien régime?

On parle de certaines tendances réactionnaires dans les populations, qu'il faut ménager, et dont nous ne tiendrions pas assez de compte. Si ces tendances avaient toute la force qu'on leur suppose, ne serait-il pas à propos de prendre, dès à présent, une attitude qui mît plus tard le saint-père en mesure de leur résister? Croit-on, d'ailleurs, qu'il soit indifférent de rassurer cette portion nombreuse de la population romaine, dont la modération, tout en détestant le régime de l'anarchie, redoute presque également le retour de celui qui a marqué d'un si triste caractère le règne de Grégoire XVI, de ce régime qui, à la mort de ce pontife, avait rendu un changement de système absolument inévitable, et qui, en provoquant une réaction violente, a bien autrement contribué aux malheurs de ces derniers temps que n'a pu le faire la précipitation de quelques réformes accomplies, peut-être, avec trop peu de réflexion? Les hommes dont je parle et qui, si nous ne nous trompons, composent la presque totalité des classes aisées et éclairées, se rallieraient volontiers aujourd'hui à toute combinaison qui leur offrirait des garanties d'ordre, de sécurité, de bonne administration; mais peuvent-ils ne pas concevoir de graves inquiétudes lorsqu'ils voient qu'on garde un silence absolu sur l'avenir, et ne sont-ils pas fondés à craindre que l'on ne pense à annuler toutes les concessions dues à la générosité de Pie IX, y compris la sécularisation des fonctions publiques, base première et essentielle, sans laquelle toute réforme tentée dans les États de l'Église ne peut être qu'illusoire?

Je ne m'étendrai pas plus longtemps sur ce sujet. Les tristes réflexions qu'il me suggère ne vous ont point échappé, et vous n'avez rien négligé pour ramener à un point de vue plus vrai ceux qui s'opiniâtrent à en méconnaître la justesse.

En se refusant à laisser le saint-père rassurer les esprits par des explications, par des promesses, ils ont très-probablement contribué à fortifier la résistance inattendue qu'a rencontrée notre expédition. On se repose sur l'assurance que des forces étrangères ramèneront le pape dans ses États; mais songe-t-on à l'avenir qu'on lui prépare en le poussant dans ces voies fu

« PreviousContinue »