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nestes? Les leçons de l'expérience seront-elles donc toujours perdues? Retombera-t-on toujours dans les mêmes erreurs? Et le prétexte d'un mauvais succès, d'une tentative de réforme faite dans les circonstances les plus défavorables, pèsera-t-il plus que tous les arguments de la raison, appuyés de tant d'exemples empruntés à l'histoire de ces derniers temps?

Quoi qu'il en soit, monsieur, ce que nous faisons en ce moment pour la pacification des États de l'Église, les sacrifices que nous coûte une telle entreprise, la responsabilité morale qu'elle nous impose, nous autorisent sans doute à demander qu'on ne persiste pas dans une ligne de conduite qui aggraverait à un tel point cette responsabilité.

Le vœu que nous exprimons ne constitue pas, d'ailleurs, une exigence dont on ait lieu d'être surpris. Ce que nous réclamons, c'est ce qu'on nous avait promis jusqu'à présent sans difficulté, c'est la réalisation d'un plan de conduite qui, naguère encore, ne semblait pas pouvoir être mis en question. On ne cessait de nous répéter que le retour à l'ancien régime était impossible, que l'état actuel des esprits, que la situation générale de l'Europe ne le comportaient pas; à peine laissait-on entendre qu'il pourrait être prudent d'apporter quelques modifications de détail au statut constitutionnel accordé par Pie IX. La nécessité, la convenance de modifications semblables pourront être prises en considération lorsque l'ordre et la paix auront été rétablis; mais, je dois le dire, nous n'admettons pas comme possible que ce statut lui-même soit dès à présent considéré comme non avenu. Le respect que nous avons pour le saint-père ne nous permet pas d'admettre que les institutions qu'il avait données à son peuple aient été complétement annulées par le fait des déplorables événements dont Rome a été le théâtre depuis le mois de novembre dernier. La pensée que le régime antérieur à 1846 se relèverait à Rome n'est jamais entrée dans nos prévisions ni dans nos calculs. Nous avons agi sous l'influence d'une tout autre conviction.

Nous espérons encore que nous ne nous étions pas trompés. Nous ne voulons pas attacher trop d'importance à quelques paroles prononcées, peut-être, dans des moments d'excitation. et de susceptibilité; mais il s'agit dans cette affaire d'intérêts

trop grands, trop puissants, pour que, dès à présent, et sans attendre des éclaircissements qui, peut-être, dissiperaient nos inquiétudes, je ne doive pas vous charger de faire entendre au cardinal secrétaire d'État, au saint-père lui-même, et, si vous le jugiez à propos, aux membres de la conférence, des représentations dont la vivacité est naturellement proportionnée à la gravité des dangers qu'elles ont pour objet de détourner. Ils comprendront que, dans la position où nous sommes placés, nous avons de grands devoirs à remplir. Ces devoirs, nous sommes résolus à ne pas y manquer.

Ne perdez pas un moment, monsieur, pour me faire connaître ce qu'on aura répondu aux avertissements pressants dont vous trouverez le texte dans cette dépêche. Il nous importe de savoir promptement sur quoi nous pouvons compter.

6 juin 1849.

Dépêche adressée par M. de Tocqueville à M. d'Harcourt, ministre plénipotentiaire de la République française près le saint-siége.

.... Je n'ai point à m'expliquer avec vous sur tout ce qui a précédé le moment actuel; mais il est nécessaire que je vous indique de quelle manière il faut agir pour tirer le meilleur parti possible de la situation prise.

En envoyant une armée en Italie, la France avait en vue plusieurs buts dont aucun ne doit être oublié par vous.

Elle voulait faire reconnaître et maintenir la juste influence qu'elle doit exercer dans la Péninsule italienne.

Elle désirait que la papauté reprît cette position indépendante et libre dont tout le monde catholique a besoin, et qu'il est de l'intérêt de tous les gouvernements qui dirigent les populations de lui maintenir.

Elle entendait assurer les États-romains contre le retour des abus de l'ancien régime.

Elle avait enfin la persuasion qu'en agissant ainsi elle était

d'accord avec la majorité du peuple romain, qui, bien que trèshostile aux abus du gouvernement pontifical, ne l'était point à la papauté.

Ce sont là, si je ne me trompe, les justes motifs qui ont déterminé l'expédition d'Italie. Il ne faut jamais perdre de vue aucun d'eux.

J'ai trouvé, en arrivant aux affaires, que l'ordre de s'emparer de Rome immédiatement avait été donné depuis près de huit jours, et j'ai appris bientôt après, par une dépêche télégraphique du 1er juin, que cet ordre allait être immédiatement exécuté. Je suppose donc que la ville est dans nos mains ou va y tomber, et je raisonne en conséquence.

Je n'ai pas besoin de vous recommander de ne point laisser traiter Rome, quelle qu'ait été la résistance de ses défenseurs, en ville conquise. Nous sommes venus combattre les étrangers qui l'opprimaient, non l'opprimer nous-mêmes.

J'espère que, du moment où ces étrangers auront été vaincus, vous aurez eu soin de provoquer, de la part de la population, l'expression des sentiments que nous lui supposons, et que partout où s'étend notre influence, il en aura été de même. Vous aurez sans doute provoqué également l'établissement d'une administration municipale. Il faut que l'armée agisse dans la limite exacte que sa sécurité et ses besoins exigent.

Nous devons prévenir toute espèce de réaction violente, soit contre les personnes soit dans les choses: ainsi, il importe qu'on ne rétablisse pas celles des institutions et des formes du passé qui ont donné lieu à des plaintes, jusqu'à ce que les questions qui s'y rattachent aient été réglées d'accord avec Sa Sainteté.

Jusqu'à nouvel ordre, nous devons occuper Rome.

Ne perdez pas enfin de vue, et cela devient maintenant le point capital, que nous voulons assurer aux États de l'Église des institutions libérales sérieuses. Je ne doute pas que Sa Sainteté, qui a donné tant de gages éclatants de ses goûts bienveillants et libéraux, ne comprenne la nécessité de notre position à cet égard et le besoin du peuple.

La France républicaine a donné au saint-père des preuves éclatantes de sympathie. En retour de ces témoignages, pour

prix des sacrifices qui ont déjà été faits, la France a le droit de s'attendre à ce que les conditions nécessaires à l'existence d'un gouvernement libéral et digne des lumières du siècle ne soient pas refusées. C'est ce que vous devez répéter vivement au saintpère avec une pleine confiance, mais avec une respectueuse fermeté. Faites-lui bien comprendre tous les incidents regrettables qui peuvent sortir de la situation actuelle ; adressez-vous sans intermédiaire à sa conscience et à son cœur; montrez-lui l'immense responsabilité qui pèserait sur lui si la paix du monde entier pouvait être mise en péril par suite de ses refus.

2 juillet 1849.

Convention d'accession du duché de Parme à la convention de douanes conclue entre l'Autriche et le duché de Modène, le 23 janvier 1848. Signée à Milan le 2 juillet 18491.

Article unique. La convention de finance conclue à Vienne à la date du 23 janvier 1848, entre S. M. I. R. Apostolique et S. A. R. l'archiduc, duc de Modène, est aussi adoptée pour tout son contenu, dans les États respectifs de S. M. et de son A. R. l'infant duc de Parme, laquelle convention commencera à avoir effet depuis le 1er septembre prochain, et durera jusqu'au terme de la susdite convention, c'est-à-dire jusqu'au 1er mars 1850.

En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé la présente en double original et y ont apposé le sceau de leurs

armes.

Milan, le 2 juillet 1849.

Bruck, m. p.
(L. S.)

1. Martens, Supplément Samwer, t. I, p. 521.

T. Ward, m. p.
(L. S.)

3 juillet 1849.

Convention entre l'Autriche et le duché de Parme relative à la souveraineté sur les îles du Pô, signée à Milan le 3 juillet 18491.

S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie, Bohême, Galicie, Lodomir, Lombardie, Venise, etc., etc. S. A. R. l'infant d'Espagne, duc de Parme, etc. etc. Comme au moyen des conventions du 25 juillet 1821 et du 11 juillet 1834, ont été établies entre l'Autriche et le duché de Parme, les règles à suivre pour le passage des îles du Pô de l'une à l'autre domination par l'effet des variations fluviales, par lesquelles une île appartenant à un État, s'attacherait au continent d'un autre État, comme aussi à l'appartenance des nouvelles îles, et cela, en modification de tout ce qui était déterminé à ce propos par l'art. 95 de l'acte général du congrès de Vienne, ayant été d'ailleurs omis de considérer le cas de l'union de deux fles, appartenant à divers États, et afin de remplir cette lacune, sont convenus de tout ce qui suit, et ensuite ont nommé leurs plénipotentiaires, à savoir :

S. M. l'empereur d'Autriche, M. Charles Ludovic, chevalier de Bruck, chevalier de l'ordre impérial autrichien de Léopold, son ministre du commerce, et S. A. R. l'infant duc de Parme, M. Thomas, baron Ward, grand'croix de l'ordre grand-ducal de Saint-Joseph de Toscane, sénateur, grand-croix de l'ordre Constantinien de Saint-Georges de Parme, chevalier de première classe de l'ordre de Saint-Ludovic pour le mérite civil de Lucques, son chambellan, conseiller d'État, etc., etc.

Lesquels s'étant réunis à Milan et ayant exhibé leurs pleinspouvoirs trouvés en bonne et due forme, et ceux-ci ayant été échangés, ont arrêté et stipulé ce qui suit :

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Article additionnel. Deux îles devront être considérées comme jointes l'une à l'autre d'une manière stable, quand l'atterrissement du canal entre elles deux, atteint le niveau de la media piena, de manière que, à chaque élévation majeure du Pô, les eaux puissent y prendre un cours continu.

1. Martens, Supp. Samwer, t. I, p. 524.

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