Page images
PDF
EPUB

Nous nous trouverons en même temps dans la situation satisfaisante de ncus rencontrer, comme jusqu'ici, dans la liberté de notre position gardée de tous les côtés et dans les efforts soutenus pour maintenir la paix et concilier les mésin. telligences existantes, sur le même terrain avec le cabinet britannique, et de posséder dans cet accord, ainsi que dans la coopération avec la Russie, que nous nous efforçons d'acquérir, une garantie plus forte pour obtenir le succès désiré.

Tels sont, en leur substance essentielle, les points de vue qui ont guidé jusqu'ici notre action, et que nous sommes, pour notre part, résolus de maintenir quant à présent. Dans cette voie, nous croyons servir de la manière la plus efficace la cause commune, nous voulons parler de la cause de la paix et du maintien de l'état de choses existant, maintien vers lequel tendent nos propres vœux ainsi que ceux de nos alliés allemands. Dans cette voie, nous croyons mieux servir cette cause que par des manifestations et des démarches qui, dans notre conviction, ne répondent ni au but que l'on croit atteindre, ni au caractère de la situation actuelle, et qui contribueraient plutôt à exciter davantage les passions et à leur procurer une extension encore plus grande, qu'elles ne l'ont eue jusqu'ici.

25 février 1859.

Interpellation de lord Palmerston sur les affaires d'Italie.

Chambre des Communes.

Séance du 25 février.

LORD PALMERSTON.

« Conformément à la motion que j'ai annoncée, je viens faire quelques remarques sur la situation des affaires sur le continent et demander au gouvernement s'il peut faire une communication de nature à encourager l'espoir que la paix de l'Europe ne sera pas troublée. Je ne fais pas cette motion dans un esprit de parti. (Applaudissements.) Je ne veux pas créer des embarras aux ministres. Je demande des renseignements sur la situation, sur les éventualités que nous devons attendre au printemps.

« Il est inutile de tenter de dissimuler qu'ici et en Europe il y a une crainte générale que le printemps prochain ne soit signalé par des conflits entre des puissances militaires. Il y a trois semaines le chancelier de l'Echiquier a dit que le maintien de la paix n'était pas désespéré. Je crois donc pouvoir par ma motion offrir au gouvernement l'occasion de dire s'il continue à avoir cette opinion ou s'il n'est même pas arrivé quelque chose qui ait encore accru son espoir.

« 11 est du devoir des membres de cette Chambre, à un moment d'incertitude et d'inquiétude publique, de faire aux ministres des questions qui leur permettent de donner des renseignements. Il vaut mieux que la vérité soit connue, il vaut mieux que le commerce sache dans quelle position il se trouve, que de le laisser dans les ténèbres jusqu'à ce qu'il soit placé sur le bord de l'abîme.

Or nous savons que d'un bout de l'Europe à l'autre on attend un conflit pro

chain, que les gouvernements arment, qu'on fait de vastes préparatifs militaires, qu'on rassemble des armées; je ne dis pas qu'on les augmente, parce que les grandes puissances militaires du continent ont entretenu en temps de paix des forces prêtes à faire la guerre. On accumule des provisions, on fond des canons, on achète des chevaux, on fait marcher des troupes, on construit des fortifications, on équipe des bâtiments, on prépare des transports.

Eh bien n'est-il pas naturel de se demander : Pourquoi tout cela? Quelque puissance a-t-elle donné lieu à une autre puissance de se sentir offensée ? a-t-elle infligé quelque dommage ou quelque injure dont il faille demander réparation? cette réparation a-t-elle été refusée ?

L'honneur et la dignité sont-ils en jeu, et ne reste-t-il plus qu'à s'en rapporter au sabre? Pas que je sache. (Applaudissements.) Il n'est pas à ma connaissance qu'entre deux puissances européennes il existe un différend qui puisse justifier l'appel aux armes. (Nouveaux applaudissements.)

[ocr errors]

Quelque puissance a-t-elle manifesté le désir de négliger les traités en attaquant ses voisins? D'abord je ne puis supposer que la France ait aucune intention de violer les traités de 1815; car bien que ces traités puissent n'être pas complétement agréables à la nation française, cependant ils ont laissé la France intacte, comme une des plus grandes puissances navales et militaires du continent; ils ont laissé la France jouissant de ressources intérieures puissantes; ils lui ont laissé la grande intelligence de son peuple, et tous les moyens de défense et d'attaque, et tous les gouvernements de la France qui se sont succédé depuis 1815 jusqu'à l'époque actuelle, qu'ils aient été monarchique, royal, républicain ou impérial, tous les gouvernements de la France, dis-je, ont observé ces traités avec une bonne foi remarquable, et à ma connaissance il n'existe pas de motif qui puisse faire attribuer au gouvernement actuel de la France une intention quelconque de s'éloigner de la conduite loyale qui a jusqu'ici caractérisé les gouvernements de ce pays. (Applaudissements.)

« Serait-ce l'Autriche quivoudrait rompre ces traités, l'Autriche dont les possessions, auxquelles elle a tort de tant s'attacher, à mon avis, reposent sur ces traités? Mais l'Autriche assurément ne donnerait guère l'exemple de rompre de pareils engagements, qui, par le fait, sont ses titres de possession.

« Je ne puis croire à une pareille chose. Est-il probable que l'Autriche entre en lutte avec la Sardaigne sans y être provoquée ? Le gouvernement autrichien doit être trop sage pour se proposer une entreprise qui, quel que puisse en être le premier effet, doit se terminer par une grande défaite et un désastre. (Applaudissements.)

« La Sardaigne se prépare-t-elle à attaquer sans provocation? Comment ! la Sardaigne qui possède, en vertu de ces traités, les pays qui sont la source de sa richesse et de sa prospérité! (Applaudissements.) Je ne puis croire que le monarque plein de sagacité qui règne sur la Sardaigne, ni que le sage ministre qui gouverne sous lui, se proposent rien d'aussi extravagant et d'aussi insensé. La Russie et la Prusse n'ont assurément aucune intention de troubler la paix de l'Europe en violant ces traités.

« Eh bien! s'il n'existe aucune question pendante entre ces grandes puissances qui puisse naturellement amener la guerre, s'il n'existe aucune intention de la part de ces grandes puissances de violer les traités sur lesquels repose le règlement des affaires de l'Europe, quelle est la cause qui a amené cette pensée générale de perturbations et de préparatifs hostiles?

« Je crois que nous devons rechercher cette cause dans l'état de l'Italie cen

trale, dans ces anciennes jalousies et rivalités entre la France et l'Autriche au sujet de l'Italie, devenues plus actives par l'occupation simultanée de l'Italie centrale par les troupes des deux puissances.

« Cette occupation des États de l'Italie centrale, commencée pour un motif plausible, s'est prolongée pendant près de dix ans. Il est grand temps qu'elle cesse maintenant. (Bien.) Si c'est là la véritable cause des jalousies et des difficultés entre deux grandes puissances militaires, le moyen évidemment le plus prompt de faire cesser l'inquiétude générale de l'Europe et de prévenir tout conflit entre ces puissances, doit être la retraite mutuelle et simultanée de la France et de l'Autriche dans leurs frontières respectives. (Applaudissements.)

« Je ne sais sur cette question que ce que tout le monde sait; mais je dirai que le gouvernement français doit se trouver embarrassé, et que si de l'un et de l'autre côté on s'est montré peu disposé à se retirer, cette disposition doit provenir, pour l'Autriche, d'une erreur dans la manière dont elle envisage ses intérêts dans cette partie de l'Italie.

« On dit que l'Autriche peut penser que si elle retirait ses troupes des Etats du pape, une révolution éclaterait, et que l'incendie une fois commencé au delà de sa frontière, il pourrait se propager chez elle, et que, par conséquent, le seul moyen pour elle de se garantir contre le danger est de maintenir l'occupation des Etats romains. Je crois que cet argument est trompeur. (Applaudissements.) On dit que si le feu prend à la maison de mon voisin, je ne dois pas attendre qu'il ait gagné la mienne, mais que je dois aller l'éteindre.

« Je donnerais un meilleur avis. Je dirais : Mettez-vous à l'abri de l'incendie par un bon gouvernement, établissez une bonne brigade de pompiers dans vos bâtiments, et laissez votre voisin faire la même chose dans sa maison. (Rires.) Mais pourquoi entretenir de pareilles craintes? pourquoi l'occupation des Etats romains par les troupes armées des deux puissances serait-elle nécessaire? Les Etats romains n'ont-ils pas leurs troupes? n'ont-ils pas les soldats romains pour maintenir la tranquillité?

« Mais, dit-on, tout soldat romain est hostile au gouvernement, et, si un soulèvement avait lieu, tous les soldats romains iraient faire cause commune avec les insurgés, au lieu de défendre le gouvernement. Les personnes qui présentent cet argument prennent-elles garde aux réflexions qu'il peut suggérer sur le gouvernement de l'Italie?

<< Que penser d'un état de choses où le gouvernement est si mauvais qu'il ne peut trouver dans sa propre population un corps d'hommes fidèles pour le défendre contre l'insurrection? Assurément il a les Suisses, mais on dit encore que les Suisses iraient se réunir aux insurgés. (Rires.)

« Les Suisses qui restent fidèles même au gouvernement tyrannique de Naples, et qui gardent le roi avec une fidélité certainement digne d'éloges, bien que digne, à la vérité, d'une meilleure cause, les Suisses mêmes ne défendraient-ils pas le gouvernement romain? Sil en est ainsi, c'est la plus solennelle condamnation qui puisse être portée contre le gouvernement des Etats romains; mais ce ne saurait être un motif pour que les étrangers appuient son autorité ou pour que la France et l'Autriche se fassent la guerre.

« Ce sont, dit-on, des puissances catholiques, et elles sont mues par un sentiment de devoir envers le chef de leur religion. Quoi ? veut-on dire qu'il est essentiel et utile à l'autorité spirituelle ou ecclésiastique que le gouvernement d'une grande partie de la religion chrétienne, qui est si mauvais que 2 ou 3 millions de ses sujets peuvent être considérés comme des martyrs politiques, doive

être soutenu par l'assistance étrangère ? C'est une calomnie contre l'Église catholique.

< Loin de penser que cela puisse profiter en rien à l'Église catholique, je suis persuadé qu'une réforme des États romains serait un avantage pour elle. J'ai entendu dire qu'en ma qualité de protestant je ne devais faire aucune tentative pour l'amélioration du gouvernement romain, et que le caractère vicieux de ce gouvernement était un avantage pour ceux qui étaient éloignés des croyances catholiques.

« Je ne vois pas, parce que je suis protestant, pourquoi je ne désirerais pas une amélioration dans l'administration temporelle des Etats romains; mais, en tous cas, c'est une raison pour que tout bon catholique doive désirer une pareille amélioration.

« Si donc c'est là le fond de toutes les difficultés qui ont amené ces préparatifs belliqueux, et je ne puis y voir d'autre cause; s'il s'agit seulement de cette question de jalousie mutuelle entre la France et l'Autriche, je dis que le gouvernement de la Grande-Bretagne est dans une situation qui lui permet de leur rendre un service important en faisant valoir ses bons offices.

« Nous sommes en alliance intime avec le gouvernement de la France, et nous sommes dans les meilleurs termes possibles avec le gouvernement d'Autriche. Aucun de ces gouvernements ne peut soupçonner les motifs qui nous portent à offrir notre médiation; aucun d'eux ne peut penser que nous donnions à l'un ou à l'autre des conseils incompatibles avec leur honneur ou leur intérêt; ils doivent donc l'un et l'autre être prêts à accueillir nos conseils avec le même esprit qui nous anime.

« C'est de la disposition où se trouvent ces Etats que dépend l'accueil qu'ils feront à ces conseils; mais il n'y a pas de motif qui puisse empêcher le gouvernement d'Angleterre de faire les premières démarches pour la négociation, afin d'éloigner les maux d'une guerre générale, et je ne puis qu'espérer que le gouvernement est disposé à prévenir un pareil désastre.

« L'Autriche, nous le savons, a des traités avec les États de l'Italie; ces traités contiennent des engagements de deux sortes : les uns ont rapport à la protection contre les attaques étrangères, et les autres à l'intervention dans les affaires intérieures des Etats. Personne ne peut demander à l'Autriche de renoncer aux engagements de la première espèce. Entre les États italiens et l'Autriche, il y a des liens de parenté qui justifient d'une manière particulière les engagements pour une défense réciproque. Mais, même indépendamment de ces engagements, il n'est rien de plus ordinaire que de voir un Etat puissant sentir qu'il est d'un intérêt véritable pour lui de contracter des engagements avec des Etats plus faibles.

Nous avons nos engagements avec le Portugal, et l'Autriche peut avoir ses engagements avec les puissances italiennes. Mais les autres engagements, ceux qui l'obligent à intervenir dans les affaires intérieures des autres États, sont des engagements que l'Autriche peut parfaitement abandonner avec honneur et dignité, et à moins que ces engagements ne cessent, je crains qu'une évacuation momentanée des Etats italiens par la France et par l'Autriche ne produise aucun effet permanent. A moins qu'il ne soit clairement entendu que les troupes françaises et autrichiennes ne reviendront jamais si ce n'est en cas de guerre étrangère, l'évacuation simplement momentanée n'aura, je le crains, aucune efficacité durable. On dit, je le sais, que ces Etats, spécialement les Etats romains, disent: « Pour l'amour de Dieu ne nous abandonnez pas, parce que si

vous le faites nous sommes exposés aux plus grands désastres. » Cela me rappelle une histoire que nous connaissons tous.

<< Un personnage de haute distinction, un parent d'un membre de la Chambre, un homme généreux, bon, se promenant un jour dans le parc, fut abordé par un ouvrier qui, après avoir raconté une histoire lamentable, dit : « Si Votre Honneur ne me vient en aide, je serai réduit au désespoir, et je ferai ce que le désespoir me fera faire. Le personnage en question lui donna une demi-couronne; puis, reculant de quelques pas, il lui dit : « Eh bien! qu'auriez-vous donc fait si je ne vous avais pas secouru? Votre Honneur ne devine pas? J'aurais été forcé d'aller chercher de l'ouvrage, ce que le désespoir peut seul me porter à faire.» (Rires.) C'est ainsi que disent les Etats romains: « Ne nous abandonnez pas, parce que les plus grandes calamités peuvent nous arriver. » Si vous demandez quelles seront ces calamités, ils vous disent : « Nous serons forcés de réformer notre administration, et c'est ce que nous considérons comme la plus grande des calamités possibles. » (Rires.) Je crois que ce gouvernement doit être abandonné à cette plus grande de toutes les calamités possibles.

« Je pense que tout arrangement ayant pour objet d'assurer la paix permanente doit être basé, 1° sur le rappel des troupes étrangères des États de l'Italie centrale; 2° sur l'engagement de n'y retourner dans aucune circonstance; 3° sur la tentative par des conseils amicaux d'obtenir une amélioration dans l'administration des affaires de ces Etats. Ce ne serait pas la première fois que pareille chose aurait été faite.

En 1832, l'Angleterre, la France, l'Autriche, la Russie et la Prusse se réunirent pour donner de bons avis au gouvernement romain. Il serait superflu d'entrer dans des détails à ce sujet je dirai seulement que si ces avis avaient été suivis, ils auraient donné contentement à la masse de la population romaine, et l'on aurait prévenu ainsi bien des maux qui ont surgi depuis.

Je ne prêtends pas dire qu'une réforme ou une modification empêchera complétement ou efficacement des hommes désespérés, de troubler la tranquillité. Le meilleur gouvernement peut être sujet à ces troubles.

N'avons-nous pas eu nos chartistes, nos sociétés de Phénix, nos révoltes canadiennes, notre insurrection des Indes? Toutefois la masse du peuple était contente du gouvernement sous lequel elle vivait, et les troubles dont je parle ont été réprimés par la force, sans mettre en danger nos institutions. Il en sera de même dans les Etats romains. S'il y avait là un bon système d'administration éclairée, il y aurait peut-être des gens qui fomenteraient des troubles; mais la masse serait contente, et il ne surgirait pas de danger sérieux.

« Je dis donc, c'est mon avis particulier, que si le gouvernement párvenait, par des avis amicaux et des négociations, à obtenir de la France et de l'Autriche l'évacuation des États romains, avec engagement de n'y pas rentrer, quoi qu'il arrive, il pourrait alors s'adresser aux quatre autres puissances et demander la répétition de ce qui s'est passé dans une précédente occasion et s'efforcer d'améliorer non-seulement les Etats en question, mais encore les autres plus petits Etats de l'Italie, de manière à assurer la tranquillité de ces contrées.

« En tout cas, que ces efforts soient ou non couronnés de succès, le gouvernement anglais aura toujours fait son devoir, et ne sera pas responsable des conséquences. Aussi, dans l'intérêt de l'Europe et de la paix, viens-je en appeler au gouvernement; j'ai choisi cette occasion parce que voici venir le printemps, c'est-à-dire l'époque de l'activité commerciale et des opérations de guerre; que tarder davantage eût été m'exposer au blâme, et que loin d'être blamé pour

« PreviousContinue »