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commencent à se faire sentir, le gemmier arrête le cours de ses entailles : les sucs résineux coulent peu abondants; il fatiguerait inutilement l'arbre par de nouvelles incisions et userait du bois mal à propos. Ses occupations consistent alors à râcler la surface de la quarre avec un instrument en fer plat ou recourbé, afin d'en détacher les parties résineuses concrétées qui y ont adhéré. Celles qui forment corps, qui ont conservé leur éclat blanc, qui sont encore visqueuses, qu'on peut détacher facilement et qui sont privées de matières étrangères, sont recueillies séparément, tassées en pains ou mises dans des barriques, et livrées au commerce sous le nom de galipots; celles qu'on est obligé de détacher à l'aide d'un râcloir, moins propres que les précédentes, d'un éclat moins brillant, donnent cette marchandise qu'on appelle barras.

La gemme recueillie dans les crots est ramassée à peu près tous les mois; moins on l'y laisse séjourner, plus elle est riche en principes volatils.

On remarque que la résine ramassée en avril ou mai contient beaucoup plus d'essence que celle ramassée les mois suivants; cette différence peut varier dans la proportion de 125 à 75 pour 100.

C'est aux mois d'octobre et de novembre que la résine est le moins riche en essence de térébenthine, et cette décroissance n'a probablement d'autre cause que la fatigue à laquelle l'arbre est soumis par les nombreuses saignées qu'on lui fait subir.

On calcule qu'il faut environ cent vingt-cinq pins de l'âge de cinquante ans et dans un sol de moyenne qualité pour donner dans un an une barrique de résine d'une contenance de 42 veltes, ou 320 litres. Les mêmes arbres fournissent en outre 150 kilogrammes de barras ou de galipots.

Le prix de la barrique de résine a considérablement varié dans ces dernières années. Descendu à 28 francs en 1848, 1849 et 1850; il s'est élevé jusqu'à 80 francs et même 85 francs en 1853 et 1854. Le barras se vend à peu près 20 francs le quintal métrique.

En adoptant le prix moyen de 60 francs pour la barrique de résine, et en évaluant à 25 francs par barrique de résine et à 8 francs par quintal de barras le salaire de l'ouvrier, on voit que le revenu annuel d'un pin en exploitation est de 47 centimes.

Ce résultat ne doit pas être considéré comme absolu; nous avons pris les pins à l'àge le plus fort. Dans un pignada d'âges divers, il faut quelquefois cent cinquante et même deux cents pins pour donner une barrique de résine.

La résine ramassée au pied des arbres est ensuite transportée aux ateliers de fabrication. Sans vouloir entrer dans les détails de ces établissements industriels, nous nous contenterons de donner un léger

aperçu du mode employé pour en extraire les marchandises qu'elle renferme.

Versée dans une chaudière en cuivre d'une capacité d'environ 200 litres, la résine est soumise à une chaleur modérée qui, en la liquéfiant, en détache tous les corps étrangers qu'elle peut contenir, aiguilles de pin, copeaux, insectes, etc., qu'on enlève avec soin à l'aide d'une espèce d'écumoire. De cette chaudière on la jette ensuite dans une cornue métallique, munie à sa partie supérieure d'un capuchon mobile, auquel est adapté un serpentin qui plonge dans une grande cuve à eau. Par suite de la chaleur à laquelle on la soumet, la résine se décompose : l'essence de térébenthine se dégage, sous forme de vapeur, dans le serpentin où elle se liquéfie, et elle est reçue à sa sortie dans un réservoir couvert où on la laisse séjourner quelque temps afin de lui permettre, par sa pesanteur spécifique, de se séparer de l'eau qui s'est dégagée avec elle.

Quand la cuisson de la résine est opérée, ce que l'ouvrier reconnaît à un bruissement particulier qui se produit, on ouvre un conduit adapté à un des flancs de la cornue, et la matière qu'elle contient s'échappe sous forme liquide. Cette matière, c'est la colophane; on l'emploie surtout dans les papeteries.

Quelquefois on reçoit cette colophane encore liquide dans une auge en bois, et là on la brasse fortement après l'avoir mêlée avec environ son dixième de volume d'eau. On la fait ensuite couler dans des moules creusés dans le sable, où elle se solidifie, et on en obtient cette matière jaunâtre connue dans le commerce sous le nom de résine. On l'emploie à une foule d'usages.

La poix s'obtient par la combustion dans un four des résidus qui restent dans la cornue ou des corps étrangers extraits de la gemme en fusion, auxquels adhère toujours quelque peu de matière résineuse.

Le goudron provient de la carbonisation à vase clos ou à ciel ouvert des bûches de bois de pin provenant des vieux troncs soumis au gemmage. T. V...,

Garde général des forêts.

EXPÉRIENCES SUR LE PRODUIT FOLIACÉ DES FORÊTS.

MONSIEUR LE DIRECTEUR DES ANNALES FORESTIÈRES.

Monsieur,

Dans son premier article sur l'enlèvement des feuilles mortes, M. A.-F. d'Héricourt, voulant mettre en relief et rendre tangible leur in

fluence sur la fertilité du sol, fut obligé de prendre, pour le rendement fo liacé d'un hectare boisé, un chiffre complétement arbitraire, parce que, comme il a eu soin de le faire remarquer, il n'avait pas encore été fait, du moins à sa connaissance, d'expériences directes dans le but d'en déterminer la quotité.

Je m'empresse de vous informer que la lacune signalée par M. d'Héricourt a été récemment comblée, non pas en France, il est vrai, hélas ! il y a longtemps déjà que nous ne suivons plus les traditions expérimentales des éminents sylviculteurs de la fin du dernier siècle, mais en Allemagne, qui, comme vous le voyez, continue à remplir la mission laborieuse, utile sinon brillante, qu'elle s'est imposée, aussi bien pour la sylviculture que pour les sciences, les lettres et la philosophie. Voici à quelle occasion cette expérience a été faite.

Le gouvernement du duché de Brunswick, ayant formé le projet de racheter les droits à la feuille morte dont étaient grevées un certain nombre de forêts domaniales, ne tarda pas à reconnaître que, pour estimer d'une manière rationnelle la valeur de ees droits d'usage, il était indispensable d'évaluer la quantité de feuilles que produit annuellement une surface boisée déterminée. M. Bartels, auditeur forestier (forst auditor), fat chargé de ce travail, dont il communiqua les principaux résultats au Congrès forestier de Hils-Solling, dans le courant de la session qui fut ouverte à Holzminden, le 28 juillet 1856.

Mais, allez-vous me dire, quel est donc ce Congrès dont personne n'a jusqu'à présent soupçonné l'existence, et qui n'a jamais fait parler de lui, ressemblant en cela aux honnêtes filles et à cette Académie de province dont s'est tant moqué Voltaire? Il y a quelques jours, j'étais comme vous dans une ignorance complète à cet égard; mais, depuis, je suis allé aux informations, et voici ce qui m'est revenu. Le Hils-Solling, ou plus simplement le Solling, est un district montagneux et très-boisé, situé dans le duché de Brunswick, et faisant partie du système de la chaîne du Harz. On peut le considérer comme le principal contrefort du Broken, cette montagne si mal hantée, et que Goethe a rendue si célèbre.

Quant à Holzminden, c'est une toute petite ville, assise au bord du Weser. Cinq mille habitants; commerçante et manufacturière; gymnase; école des mines ainsi s'exprime sur son compte l'Almanach du commerce. Le Congrès de Hils-Solling n'a pas encore fait beaucoup de bruit dans le monde, cela est très-vrai, mais il méritera certainement qu'on s'en occupe, s'il continue à se conformer à son programme, qui me paraît pouvoir se résumer ainsi : procéder aux expériences que rend nécessaire l'état actuel de la science forestière; contrôler les expériences déjà faites. Quoi qu'il en soit de l'importance actuelle du Congrès de Hils-Solling

et de l'avenir qui lui est réservé, le Journal forestier de Francfort-sur-leMein ayant eu la bonne idée de publier un compte rendu succinct de ses séances, je vais en profiter pour faire connaître à vos lecteurs les résultats des travaux de M. Bartels.

Cet agent a opéré sur cinquante-huit places d'expérience peuplées de hêtre, placées dans d'égales conditions au point de vue de la fertilité du sol, et ayant chacune une superficie de 3 ares 33 centiares. L'étendue donnée à chaque place est considérée par lui comme suffisante; il s'est assuré en effet qu'en la doublant il serait arrivé à des résultats à peu près identiques à ceux qu'il a obtenus. Les feuilles ont été recueillies presque immédiatement après leur chute. L'auteur du compte rendu ne nous fait pas connaître quelles précautions M. Bartels a cru devoir prendre pour ne recueillir que les feuilles de l'année, et cette omission est regrettable. Toutefois, il est permis de présumer que la récolte n'a pu donner lieu à des erreurs bien graves; et, en effet, je lis dans le compte rendu que les places avaient été choisies de manière qu'elles fussent toutes abritées contre les vents, et que, par suite de la fraicheur sinon de l'humidité de leur sol, les feuilles de l'année précédente étaient déjà en partie décomposées lorsque les expériences ont eu lieu.

De ces diverses circonstances, il est permis de conclure qu'on a pu facilement ramasser toutes les feuilles et rien que les feuilles afférentes à l'année pour laquelle on opérait. En faisant dessécher au four des feuilles fraîchement ramassées, jusqu'à ce qu'elles ne perdent plus de leur poids par l'évaporation, M. Bartels a trouvé que ces feuilles renfermaient une quantité d'eau qui a varié, suivant les cas, de 23,8 à 72 pour 100 du poids total. Ces chiffres concordent avec ceux obtenus par le docteur Varrentrapp, de Brunswick.

Il a été fait deux séries d'expériences se rapportant chacune à une formation géologique distincte. D'après l'auteur du compte rendu, qui du reste est assez obscur sur ce point, je suis porté à croire que les bois les plus jeunes sur lesquels on a opéré avaient atteint leur plus grand accroissement annuel, et que les bois les plus âgés étaient parvenus au terme de leur exploitabilité absolue.

Le tableau qui se trouve en tête de la page suivante est le résumé des travaux auxquels s'est livré M. Bartels.

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De l'examen comparé de ces chiffres, on peut, ce me semble, du moins en ce qui concerne les forêts du Solling, déduire les conséquences ci-après : 1o Des peuplements de hêtre placés dans les conditions que nous avons indiquées, et implantés sur un sol appartenant à la même formation géologique, produisent chaque année une quantité de feuilles à peu près uniforme, à partir de l'âge de leur plus grand accroissement annuel, jusqu'au terme de leur exploitabilité.

2o Cette quantité de feuilles produites annuellement est indépendante, tout au moins dans d'assez larges limites, du nombre et du volume des tiges qui composent le peuplement.

3o Le rendement foliacé est plus considérable sur les sols appartenant à la formation du grés bigarré que sur ceux du terrain jurassique.

En ce qui concerne cette dernière conséquence, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que M. Chevandier avait déjà constaté dans les Vosges que le grès bigarré était généralement plus favorable à la production ligneuse que le muschelkalk.

M. Bartels a été à même de constater que la production foliacée varie considérablement avec la fertilité du sol sur les terrains de même formation. Ainsi, cet agent a reconnu que dans les bons sols du grès bigarré, la production est à peu près de 12 quintaux métriques, tandis que dans les plus mauvais sols de cette même formation elle descend quelquefois à 8 quintaux.

Permettez-moi, Monsieur le directeur, d'exprimer, en terminant, le désir que les forestiers du Bas-Rhin se décident bientôt à imiter l'exemple de leurs confrères du Brunswick. Des expériences convenablement faites dans les forêts de l'Alsace soumises à la feuillée n'auraient pas simplement pour résultat de satisfaire la curiosité de quelques sylviculteurs érudits, elles offriraient le grand avantage de fournir une base certaine, au moyen de laquelle on pourrait substituer la possibilité par volume à la

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