Page images
PDF
EPUB

des mêmes bois restant sur les ports aux mêmes époques de l'année précédente. 290,000 stères sont disponibles en ce moment sur ces ports, tandis qu'il n'en restait que 170,000 stères au mois de janvier 1856. La saison a été peu convenable pour les flottages, il y avait ou sécheresse ou inondation, de là ralentissement dans les arrivages; puis, d'un autre côté, les prix étaient tenus si élevés que le commerce de Paris a restreint ses achats au strict nécessaire.

Quelle que soit donc la durée ou le peu de rigueur de l'hiver, le bois ne peut baisser à Paris; les chantiers ne sont pas assez garnis pour avoir besoin d'écouler quand même. Mais l'effet contraire pourra bien se produire sur les ports qui restent quelque peu chargés de marchandises. Le commerce de province, alléché par les gros prix obtenus l'année dernière, fait ses dispositions pour amener à la vente le plus possible; c'est ordinairement ainsi que viennent les mécomptes, peut-être serait-il sage de les prévoir dès à présent.

L'augmentation indiquée à l'entrée sur les bois blancs est d'autant plus. frappante que, si l'on se le rappelle, il en restait fort peu sur les ports à la fin de 1855. 44,000 stères formaient toutes les ressources que le commerce pouvait offrir alors. Il a donc fallu une grande activité dans les exploitations pour livrer à Paris 20,000 stères de plus que n'avait donné 1855, et 34,000 stères de plus que 1854. Ajoutons à cela qu'en ce moment il reste sur les ports le double à peu près de ce qu'il y avait au̟ commencement de l'année dernière.

Cherte forsonne, dit un proverbe, dont l'application est toujours vraie. Le prix élevé des bois blancs en a fait la matière d'une spéculation ayantageuse, et de tous côtés il en est venu, sous toutes formes, de toutes essences; des pins, des peupliers surtout ont pris la place autrefois réservée presque exclusivement aux trembles, aux bouleaux des vieilles forêts. Les plantations suppléent aux vides faits par les défrichements. Tout vient à point en ce temps d'émulation à produire.

La Sologne envoie à Paris, par le canal de Briare, de nombreux bateaux chargés de bois de pins très-estimés des boulangers. Ces bois sont tirés des semis faits depuis trente à quarante ans, semis qui réussissent admirablement dans les sables argileux de la Sologne. Quelques années suffisent à produire des taillis extrêmement serrés qu'on éclaircit successivement et qui donnent d'abord des fagots, puis des échalas et des bois à carboniser, et enfin des chevrons pour les bâtisses, des poteaux pour les télégraphes électriques, avec une immense quantité de bûches. Ces bûches fendues et écorcées passent pour le meilleur bois de boulangerie, à cause de la flamme vive et de la quantité de braise qu'elles donnent.

Contrairement à ce qui se passe pour le bois dur, la consommation des

bois blancs augmente à Paris dans une forte proportion. Ni l'invention des fours tournants pour cuire à la houille le pain que nous mangeons, ni l'emploi exclusif de la houille pour certaines industries qui d'abord marchaient au bois, rien n'a arrêté le mouvement d'augmentation progressive de la consommation du bois blanc.

Il en entrait, à Paris, 108,000 stères en 1847.

118,000 stères en 1848.

107,000 stères en 1849.

110,000 stères en 1850.

En 1851, le chiffre des entrées s'élève à 150,000 stères. Puis après, augmentations soutenues. Nous arrivons à : 173,000 stères en 1854.

187,000 stères en 1855.

Et enfin 207,000 stères en 1856.

Les charbons de bois ont perdu 63,000 hectolitres sur l'année 1855, et cependant il reste encore avantage de près de 200,000 hectolitres en faveur de 1856, comparé à 1854. Cet article, sujet à de nombreuses variations, échappe aux conséquences à tirer de la situation des ports. Les chemins de fer ont accaparé la plus grande partie des transports. Nous n'avons aucun moyen de connaître les quantités venues par cette voie. Nous ne savons pas quelles sont les ressources qui restent d'une année sur l'autre ; mais nous pouvons constater que ces ressources sont moins grandes qu'elles n'étaient autrefois, quand de nombreux bateaux étaient obligés d'attendre leur tour de mise en vente.

Paris avait alors au moins une année d'approvisionnement d'avance, sans compter ce qui venait en voiture des forêts plus rapprochées. Doiton regretter cet ancien état de choses? Nous ne le pensons pas. Le charbon perdait en qualité à attendre ainsi le moment venu de la consommation. Le commerce avait à retrouver des pertes d'intérêt considérables, et il devait en tout temps charger la marchandise de certains frais d'éventualité. Tout cela venait en fin de compte grossir les prix de revient en pure perte pour le producteur et le consommateur.

Il ne faut aujourd'hui d'autre avance d'approvisionnement que celle nécessaire chaque année pour passer les mois d'hiver, pendant lesquels la carbonisation est suspendue. Il y a toujours certitude de transporter quand on veut et en quelque quantité que ce soit, à l'aide des puissants moyens organisés par chaque compagnie de chemin de fer. C'est à cela sans doute que nous devons de n'avoir pas vu le charbon atteindre des prix excessifs dans ces dernières années, alors que les usines métallurgiques, obligées de pourvoir à tout prix à une fabrication des plus actives, payaient le bois à des taux inconnus depuis 1846.

FÉVRIER 1857, -4° SÉRIE.-T. III.

T. 111.-4

Nous avons aussi, et pour la première fois, à constater une diminution sur les quantités de houille entrées dans Paris. Jusqu'ici l'augmentation avait été constante et presque régulière, chaque année le chiffre grossis sait dans une certaine proportion qu'on aurait presque pu prévoir à l'avance. 1856 marque le temps d'arrêt.

Est-ce un accident, ou bien la consommation de la houille a-t-elle atteint son apogée? On pourrait croire qu'il en est ainsi en voyant la diminution de tous les combustibles se produire en même temps. Quoi qu'il en soit et malgré les 33,000,000 de kilos qu'elle a perdus, la houille entre encore pour plus de 419,000,000 de kilogrammes dans l'approvisionnement de Paris, et ce poids représentant la chaleur donnée par environ 2,000.000 de stères de bois, c'est encore la part du lion qui revient au combustible minéral.

Nous établissions, au commencement de 1856, l'impôt payé par chacun des combustibles minéral et végétal, et nous trouvions que par suite de l'inégalité du droit payé à l'entrée, la ville avait perdu l'année précédente 3,532,625 francs. Nous sommes encore bien près de ce chifire si élevé de pertes pour 1856, et nous nous demandons encore comment un tel état de choses peut subsister aussi longtemps.

Il est clair que si on brûlait moins de houille, on brûlerait plus de bois et ce dernier payant 100 pour 100 de plus à l'octroi, la ville perd gratuitement 1 ou 2 millions tous les ans à laisser subsister une inégalité révoltante. Nous ne prétendons pas dire cependant que l'impôt égalisé ferait abandonner la houille pour donner la préférence au bois, chacun agirait à sa guise et personne ne sait quel serait, à ce point de vue, le résultat de la mesure. Mais, au nom de l'équité blessée, au nom des intérêts de la ville, nous ne cesserons de réclamer pour le produit de notre sol un traitement aussi favorable que celui qu'on accorde au produit étranger, c'est-à-dire réduction du droit payé par le bois, si l'état financier de la ville peut s'accommoder d'une réduction de revenus, ou bien augmentation du droit payé par la houille, s'il faut augmenter les ressources de la caisse qui perçoit.

Si nous laissons les combustibles pour passer aux bois de service, la situation change complétement, il y a augmentation partout dans les entrées, et ce n'est pas une augmentation insignifiante que nous avons à signaler, puisque sur le premier article, bois de charpente et de sciage en chêne, il y a plus de 20,000 stères sur 103,000, c'est-à-dire un einquième. La consommation sur ces deux articles s'est élevée à 124,000 stères pour Paris seulement; ajoutons-y 62,000 stères, ou moitié pour la banlieue, nous arrivons au chiffre de 1,850,000 décistères qu'il a fallu amener malgré les mauvais temps, les inondations et malgré l'emploi

non moins considérable fait dans les provinces pour les besoins des chemins de fer.

Si l'on se le rappelle, nous commencions la campagne, en 1856, avec les chantiers vides, des travaux partout, et 23,000 stères de bois de service sur les ports; nous établissions alors comment on suffirait aux besoins qui se révélaient de toutes parts et nous annoncions une grande fermeté dans les prix, sans qu'une hausse dangereuse nous parût à craindre. Les choses se sont passées selon nos prévisions: le commerce a pu s'approvisionner et maintenir des cours raisonnables; la vente s'est faite avec quelque faveur sur les ports; les placements ont été faciles et avantageux pour les exploitants; et néanmoins, en fin d'année, les chantiers se sont trouvés assez garnis pour qu'il y eût désir d'écouler de la part des dé

tenteurs.

Nous nous trouvons au commencement de 1857 dans une situation semblable, en certains points, à celle de l'année dernière. Les travaux ont marché, les chantiers se sont dégarnis, les cours sont à peu près les mêmes, les besoins s'annoncent importants pour les constructions à faire à Paris; mais les ports offrent plus de ressources et les placements extérieurs prendront moins de matières, puisque toutes les lignes en exécution sont approvisionnées et que ce qui reste à fournir, se trouvant loin de Paris, ne peut exercer aucune influence sur les marchandises qui doivent venir dans cette dernière direction.

Nous entrons en campagne avec 29,000 stères de charpentes et près de 35,000 stères de sciages en chêne, ensemble 64,000 stères, et en admettant une consommation égale à celle de 1856, soit 186,000 stères de l'une et de l'autre espèce, nous avons pour quatre mois d'avances et cela suffit avec le mode expéditif des exploitations actuelles.

Il n'est pas resté de coupes invendues, les aliénations vont fournir un contingent extraordinaire, la matière ne peut donc manquer. Mais la spéculation n'a pas à compter, selon nous, sur les variations de prix qui se fout au profit d'un petit nombre et à la plus grande gêne du producteur et du consommateur, qui ne savent plus sur quoi compter.

On se préoccupe cependant au sujet des sciages de chêne. La fabrication, ralentie en 1856, a laissé convertir en charpentes une partie des bois qui d'ordinaire étaient débités pour Paris. Cette conversion fait quelque peu défaut. On y avait suppléé d'abord par l'envoi de bois débités au loin et avec une destination différente. Cela n'a pas suffi pour alimenter une consommation aussi active que celle de l'année dernière. Il faudra probablement plus encore pour 1857, et ces besoins bien connus justifient les démarches faites pour se procurer des sciages même à des prix sensiblement

plus élevés que ceux que nous avions enregistrés dans notre dernière

revue.

Toutes les nouvelles des départements sont à la hausse sur cet article. L'Ancre de Saint-Dizier constate une affluence soutenue d'acheteurs dans la Haute-Marne, et leur parti pris de payer avec augmentation tout ce qu'on veut leur vendre.

Les sciages de hêtre et de bois blanc sont, quant au disponible, dans une situation complétement opposée et dont nous ne pouvons expliquer les motifs. Les ports accusaient, à la fin de 1855, 60,000 stères de hêtre sous toutes formes; nous n'en trouvons plus que 29,000 stères un an plus tard et les prix n'en sont pas impressionnés.

C'est le contraire de ce qui se passe pour les bois blancs, qui, de 45,000 stères en 1855, sont montés à 88,000 à la fin de l'année suivante.

La consommation de ces articles est restée la même, à Paris, pendant les deux années. Il a donc fallu de grandes différences dans la fabrication pour arriver à la même époque avec un disponible si fort accru d'un côté et si fortement réduit de l'autre.

La différence est bien plus grande encore sur les sciages de sapins, qui, de 13,000 stères, sont montés à 40,000. Mais ces chiffres, étant pris sur des ports servant d'entrepôt seulement, ne peuvent guère indiquer les quantités fabriquées en forêt et bien autrement considérables. Il y a cependant une observation à tirer de l'état de ces ports, c'est que la marchandise se trouvant là, à quelques jours de Paris, on ne s'est pas empressé d'en prendre livraison et cela annonce tout au moins que les chantiers de la place étaient suffisamment approvisionnés d'autre part ou que l'emploi n'en était pas bien pressant.

Les sapins, sous toutes formes, sciages ou charpentes, nous ont habitués depuis quelque temps à des variations si subites et à des cours si différents, que nous ne serions pas étonnés de les voir très-recherchés même après la chute qu'ils avaient faite au commencement de l'année dernière et dont ils n'ont pu se relever pendant toute la saison. Ce délaissement, nous l'avons dit, n'avait pour cause que le tarif arbitrairement arrêté par une grande société, qui est parvenue à s'attribuer presque le monopole de cet article.

Mais en ce moment que les approvisionnements de cette société sont immenses, que ses trains couvrent les canaux et les gares des rivières, il y a lieu de croire que ces tarifs seront refondus. Déjà il y a eu légère augmentation même sur les petits sapins, qui cependant sont les seuls sur lesquels la concurrence soit à craindre. Ce qui se vendait 40 fr. est remonté à 47 fr. 50 et ne s'arrêtera peut-être pas en si beau chemin.

La fabrication du merrain a été nulle ou à peu près pendant toute

« PreviousContinue »