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les plantations en essences fruitières et forestières. Ces cultures industrielles, qui par leur nature exigent des travaux constants et assidus, fixent la population au sol et la mettent à l'abri des fluctuations que l'on remarque souvent parmi les populations exclusivement adonnées à la production des céréales.

Nous n'avons pas à signaler, en 1855, la création d'un nombre important de centres nouveaux.

Un décret du 17 mars 1855 a créé, dans l'arrondissement d'Alger, entre le couvent des trappistes et le village de SidiFerruch, un centre de population de trente feux, sous le nom de Staouëli, avec un territoire de 540 hectares environ.

Malgré les obstacles qui retardent son développement, l'Algérie a fait bonne figure à l'Exposition universelle de Paris. Une commission, constituée par le ministre de la guerre, et dont la mission était d'étudier l'Exposition universelle au point de vue des intérêts algériens, a pu éclairer à la fois le gouvernement et le public sur les besoins et sur les ressources de la colonie. Les richesses du concours algérien ont fourni de nouveaux arguments en faveur des sympathies et des espérances que l'Afrique française inspire désormais à la métropole.

Une exposition permanente des produits de l'Algérie, installée par les soins de M. le maréchal Vaillant dans un local vaste et convenable, a initié la France à la connaissance des innombrables ressources que l'Algérie offre aux entreprises de l'agriculture, du commerce et de l'industrie.

Ainsi représentée à Paris dans ses productions les plus variées et les plus utiles au travail de l'industrie métropolitaine, l'Algérie l'a été encore, à Alger même, par une exposition permanente destinée à exciter chez les colons une émulation salutaire.

Le plus beau côté de la production algérienne, la source la plus féconde de ses richesses présentes et futures, c'est l'agriculture.

Le développement des cultures et surtout des cultures industrielles est la condition véritable de la prospérité algérienne. Arrêtons-nous un instant sur cette source de richesses.

Ce genre de progrès, outre qu'il est un signe certain de l'accroissement de l'aisance parmi les colons, est encore un gage réel de leur stabilité. En effet, les cultures industrielles qui exigent des travaux incessants, attachent la population au sol et la mettent à l'abri des fluctuations qui se font souvent remarquer parmi les populations exclusivement adonnées à la production des céréales.

De toutes les cultures de l'Algérie, celle qui occupe, après les céréales, la plus large place dans les travaux des colons, est toujours la culture du tabac, dont le développement acquiert chaque année des proportions plus considérables, et se répand de tous côtés avec une remarquable rapidité. Cette expansion est telle que non-seulement la production suffit désormais à la consommation locale, mais qu'encore le contingent qu'elle est appelée à verser dans les manufactures de la France est sur le point d'être atteint, et que bientôt le commerce étranger, dont les opérations ont commencé à se porter sur la colonie, trouvera amplement à s'y pourvoir d'une denrée aujourd'hui très-recherchée, et dont la rareté menace de se faire prochainement sentir sur les autres marchés du monde.

Ces résultats ont été constatés dans un rapport adressé à M. le maréchal ministre de la guerre par l'inspecteur spécial, chef du service des tabacs en Algérie. Ce travail comprend la récolte de 1854, et les travaux de plantation effectués pendant la campagne de 1855.

Loin de se ralentir, comme avaient pu le faire craindre certaines circonstances contraires, notamment le renchérissement général des céréales, qui a eu pour effet d'entraîner une grande partie des efforts des planteurs du côté de ces cultures, la production du coton pendant la campagne 1855 s'est encore étendue dans une proportion qui, sans doute, n'est pas celle qu'on eût pu désirer, mais qui, à raison même de ces circonstances, témoigne hautement de sa puissante vitalité et de la force d'expansion dont elle est douée. Un fait capital ressort des observations qui ont été constatées : c'est la progression très-sensible des plantations chez les indigènes. Il est impossible de ne pas voir là un progrès d'une très-grande impor

tance; car le concours des Arabes doit évidemment avoir les plus heureuses conséquences sur le succès des cultures cotonnières dans la colonie. (Rapport à l'Empereur par M. le maréchal Vaillant, du 7 février 1856.)

Déjà l'opinion la plus avantageuse a été portée sur les cotons algériens par les personnes les plus compétentes. Filateurs, négociants, chambres de commerce ont été unanimes pour les assimiler aux meilleures qualités des produits similaires de l'Amérique.

Voici comment s'exprime à cet égard, un homme des plus autorisés, M. Dubois, contre-maître de la maison Fournier de Paris :

« Les cotons des provinces d'Alger et d'Oran, pour la finesse et la longueur de leur soie, sont propres à fournir les filés les plus fins que le commerce emploie.

>> Ainsi j'ai obtenu avec ces cotons des filés numéros 200 à 220mm, qui pourront, je l'espère, rivaliser avec les plus beaux fils de nos premières filatures, tirés des Géorgie longue-soie d'Amérique. Ces numéros sont la limite des fils fins du commerce. Pourtant, j'ai aussi obtenu des numéros 300 et 400 ""; mais, comme le dit fort judicieusement un de nos premiers filateurs de Lille (M. Ed. Cox), dans un rapport adressé à M. le gouverneur général de l'Algérie, ce sont des tours de force plus ou moins réussis, et qui n'ont de véritable importance que pour leur auteur.

» J'ajouterai, en terminant, que les cotons que j'ai employés ont fait, celui d'Oran un quart, celui d'Alger moitié plus de déchet que ne doivent en faire des cotons bien soignés. Mais, je n'hésite pas à le répéter, une fois les cotons d'Algérie épurés des défauts que je leur ai reprochés, ils seront capables de lutter avec avantage avec les plus beaux Géorgie longuesoie. »

L'Exposition universelle a achevé de démontrer que les cotons algériens rivalisent avec les meilleures espèces connues; les commissaires américains eux-mêmes, vaincus par l'évidence, ont dû le proclamer.

Une autre culture industrielle, celle de la garance, réussit

:

parfaitement sur tous les points de l'Algérie, où elle prend chaque année de grands développements. Cette extension rapide s'explique par la faveur qui a accueilli cette nouvelle production de la colonie dans toutes les expériences auxquelles elle a été soumise sociétés savantes, manufacturiers, hommes spéciaux, tous ont été unanimes à reconnaître que les garances algériennes égalent les meilleures espèces employées par l'industrie, et pourront remplacer avec avantage celles que l'insuffisance des récoltes en France oblige à tirer, chaque année, de l'étranger. Un précieux témoignage a encore confirmé les jugements si flatteurs qui ont été précédemment portés sur ce point.

La chambre consultative des arts et manufactures de Louviers, l'une des sociétés les plus compétentes en pareille matière, et qui déjà, dans une première expérience, avait constaté la supériorité des garances algériennes, a voulu recommencer l'épreuve dans des conditions qui ne laissassent aucun doute sur les résultats de son examen. Dans ce but, elle a fait venir de trois localités diverses de la colonie des produits recueillis en quelque sorte au hasard parmi ceux récoltés par les colons en 1854. Cette seconde épreuve a été on ne peut plus satisfaisaute employées comparativement avec des garances d'Alsace, d'Avignon et de Chypre, les garances d'Afrique ont soutenu dignement leur réputation, et un lot envoyé de la province d'Oran a été notamment classé en tête de tous les autres produits similaires.

L'industrie du laboratoire ajoute au mouvement général le concours de ses découvertes. Un chirurgien de l'hôpital civil de Douera, M. Commail, découvre que les cendres des tiges de tabac peuvent servir à la fabrication du salpêtre, et aussitôt l'administration annonce aux colons l'achat de ce produit,' nouveau secours que la paix livre à la guerre. Dans toute l'Algérie, la question des alcools est à l'ordre du jour; les alambics en demandent à toutes les plantes; M. Duplat, pharmacien militaire à Blidah, en trouve jusque dans les glands de l'Atlas.

Le renchérissement des produits viticoles a donné une grande impulsion à la recherche des principes sucrés susceptibles de

fermentation, et l'Algérie a essayé, dans ce but, la fabrication des alcools de figues, de grenades, de dattes, de caroubes, de tubercules d'Arum italicum, de sorgho, enfin et surtout d'asphodèle.

Mais la prétendue protection accordée aux alcools de la France méridionale a paralysé bien vite ces essais si féconds. Une seule exception a été admise en faveur de l'asphodèle, et la distillation de cette plante, très-commune et poussant sans culture, a donné aussitôt naissance à plusieurs usines, dont un décret impérial a admis en franchise les produits dans la métropole. Mesure excellente, si elle n'eût pas été un expédient et une exception.

Les entrailles du sol algérien ne seront pas, dans un prochain avenir, moins fécondes que sa surface. Une société sérieuse a demandé la concession des lignites de Smendou. Le service des mines a constaté des gisements de charbon de terre auprès de Teniet-el-Had et de Boghar. Des traces d'or ont été décou vertes dans les ravins de l'Atlas.

Par décret en date du 5 janvier, il a été décidé que les concessionnaires de mines en Algérie dont le titre était antérieur à la promulgation de la loi du 16 juin 1851, sur la constitution de la propriété, en seraient reconnus propriétaires incommutables, sauf les droits des tiers. Leurs concessions seront disponibles et transmissibles, comme les autres biens, dans les termes de l'article 7 de la loi du 21 avril 1810, et sauf les restrictions résultant du décret du 23 octobre 1852.

Seront considérées comme non avenues, dans les actes constitutifs des concessions de ce genre, toutes clauses et conditions contraires à la législation générale de la France sur les mines, et à la loi du 11 janvier 1851, sur le régime commercial en Algérie.

Continueront néanmoins à recevoir leur pleine et entière application l'arrêté du président du conseil chargé du pouvoir exécutif, du 9 octobre 1848, et le décret du 6 février 1852; aux dispositions desquels il n'a été rien dérogé.

Ce qui manque encore à l'Algérie, c'est une organisation sérieuse et puissante du crédit. Plusieurs établissements de cré

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