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» le plus à la portée des justiciables. Une telle distribution en» trafnerait d'ailleurs l'inconvénient, si elle devait être prise » en considération, dans l'exécution de la loi nouvelle, de créer » des défauts de qualité et de donner lieu à des moyens de nullité » qu'il est essentiel de prévenir. - Ainsi tous les huissiers qui » résident dans ces villes auront le droit d'y exploiter, concur » remment, auprès des divers juges de paix. Telle serait, au reste, » la conséquence de l'absence seule des réglements, suivant » lesquels ces officiers seraient répartis par quartiers. Dans ces > résidences, les juges de paix trouveront auprès du procureur » du roi du tribunal d'arrondissement, et souvent même auprès > des magistrats supérieurs, tout l'appui que les circonstances

peuvent rendre nécessaires, afin que leur autorité soit tou»jours respectée, et que le nombre des huissiers qui auront > droit d'instrumenter, devant eux, ne trompent jamais leurs > intentions conciliatrices (1). »

Cette circulaire, que M. Benech regarde comme étant en contradiction manifeste avec la loi, nous paraît aussi contraire au texte et à l'esprit de l'art. 16. Nous venons de voir que la libre concurrence des huissiers n'avait été adoptée qu'avec cette modification, que dans les villes où il existe plusieurs justices de paix, les huissiers n'exploiteraient que dans le ressort de la juridiction assignée à leur résidence. Le législateur a donc regardé cette assignation de résidence comme une mesure dont il fallait maintenir l'exécution. « Le droit qu'ont actuellement les > tribunaux de fixer la résidence par quartiers, demeure in» tact, disait le rapporteur. Il motivait la rédaction de l'article, sur ce que, « par des dispositions spéciales, et rentrant ⚫ dans les termes du décret de 1813, les huissiers se trouveront > circonscrits dans chaque canton, et par suite le nombre en » sera restreint. » Telle était la réponse aux objections que le rapporteur de la chambre des pairs faisait résulter de la difficulté qu'aurait le juge de paix d'exercer, sur une multitude d'huissiers, la surveillance nécessaire. Si donc il était vrai que l'article 19 du décret de 1813 fût tombé en désuétude, l'autorité de la loi nouvelle ne serait-elle pas suffisante pour remettre en

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(1) Voir le texte de cette instruction, tom. 1, pag. 211 et suiv.

vigueur l'assignation de résidence, au moyen de laquelle la loi veut que le droit des huissiers soit circonscrit, dans les villes où il existe plusieurs justices de paix.

En administration, les circulaires ministérielles servent de guide, de règles de conduite aux subordonnés. Mais, comme on l'a fait observer plus loin, le magistrat ne voit que la loi ; les instructions ministérielles ne sont pour lui d'aucune influence. Nous croyons donc que, sans égard à la circulaire dont il s'agit, on doit se conformer à l'art. 16 du décret de 1813: ce n'est que sur la foi de l'exécution de la mesure prescrite par ce décret, que les chambres ont admis la concurrence, dont le principe était si vivement combattu.

Poursuivons le commentaire de l'art. 16.

5. A côté du droit accordé à tous les huissiers du même canton, cet article a placé le devoir, en assujétissant tous ces officiers ministériels à faire le service des audiences, et à assister le juge de paix, toutes les fois qu'ils en seront requis.

Cette disposition a donné lieu à une objection motivée sur la difficulté de remplir une obligation aussi pénible, par des huissiers dont la résidence est souvent placée loin du chef-lieu. Mais on doit s'en rapporter, à cet égard, aux juges de paix qui, dans leur esprit d'équité, ne manqueront pas de concilier les exigences du service avec la situation respective de chaque huissier.

6. Au surplus, les juges de paix conservent le droit de choisir eux-mêmes leurs huissiers audienciers. L'article est on ne peut pas plus formel sur ce point. Seulement les huissiers audienciers des justices de paix n'auront plus le privilége exclusif qui leur était accordé pour tous les exploits relatifs à cette juridiction; mais le droit d'appel de cause qui leur est assuré par l'art. 94 du décret de 1813, celui d'être commis d'office pour certains actes, ne laissent pas que d'être une compensation, indépendamment du bénéfice que doit nécessairement leur assurer le choix du juge, qui de cette manière, les désignera à la confiance publique.

En rejetant le principe de concurrence qui a prévalu, la chambre des pairs avait proposé qu'il fût attaché à chaque justice de paix un huissier audiencier au moins, et trois au plus ; et qu'à Paris, le nombre de trois au moins pourrait être

porté à quatre. Mais la chambre des députés ayant supprimé toute espèce de chiffre, il en résulte que le nombre des huissiers audienciers est abandonné au choix du juge de paix.

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7. L'exploit qui serait signifié par un huissier autre que celui du canton pourrait-il être argué de nullité? La négative est incontestable, d'après l'art. 1030 du Code de procédure, portant que, aucun exploit ou acte de procédure ne pourra être » déclaré nul, si la nullité n'en est pas formellement pro> noncée par la loi. Or, parmi les lois qui défendent d'exploiter à d'autres huissiers que ceux qui sont attachés à la justice de paix, il n'en est aucune qui ait prononcé la peine de nullité. C'est donc une erreur de prétendre, comme l'a fait M. Barthe, dans la circulaire dont on vient de parler, que dans les villes où il existe plusieurs justices de paix, la distribution des huissiers, par quartiers, aurait pour résultat de créer des défauts de qualité, et de donner lieu à des moyens denullité.

On verra seulement au § 3, que l'huissier étranger, qui notifierait une citation à paraître devant le juge de paix, serait passible d'une amende.

8. Comment doit-il être pourvu au service de la justice de paix, s'il n'existe pas d'huissiers attachés aux tribunaux dans le canton, ou que, ceux qui y résident, soient absents ou empêchés?

Voici quelles étaient à cet égard les dispositions de la loi du 28 floréal an 10 sur les justices de paix.

L'art. 5 attribuant aux juges de paix le droit de nommer un huissier au moins, deux au plus, l'art. 6 voulait qu'à l'avenir la nomination portât sur des huissiers attachés aux tribunaux. « Si cependant, dit l'art. 7, il n'y a point d'huis> sier de cette qualité, résidant dans le canton, le juge de paix ⚫ pourra nommer tous autres citoyens, lesquels n'entreront › néanmoins en exercice qu'après que le tribunal de première » instance, s'étant fait rendre compte de leurs mœurs et de > leur capacité, aura confirmé leur nomination. »

Il en est qui prétendent que cette disposition, n'ayant pas été abrogée, d'une manière expresse, par les réglements subséquents, pourrait encore être observée. C'est une erreur évidente, à ce qu'il nous paraît.

L'art. 28 du décret' du 14 juin 1813, après avoir dit que

> Tous exploits et actes du ministère d'huissiers, près les jus»tices de paix et les tribunaux de police, seront faits par les huis› si ers ordinaires, employés au service des audiences,» ajoute : « A défaut ou en cas d'insuffisance des huissiers ordinaires » du ressort, lesdits exploits et actes seront faits par les ⚫ huissiers ordinaires de l'un des cantons les plus voisins. > D'ailleurs, l'art. 1er de ce décret n'attribue de caractère qu'aux huissiers nommés par le souverain.

Aujourd'hui donc le juge de paix pourrait d'autant moins nommer un huissier provisoire, que la loi nouvelle ne lui attribue même plus de choix parmi les huissiers, pouvant seulement requérir, pour le service de ses audiences, ceux du canton qu'il juge convenable. Il serait difficile qu'un ou plusieurs huissiers ne résidassent pas dans le canton, cependant ils pourraient être malades ou empêchés; et, dans ce cas, le juge de paix requerrait l'huissier d'un autre canton, pour le service de l'audience. Quant aux citations, si elles doivent être notifiées par ceux du canton, un huissier étranger n'a pas moins caractère suffisant pour cette notification, qui l'expose seulement à une peine de discipline. Mais la nécessité n'a pas de règle; en cas d'empêchement de tous les huissiers du canton, tout autre serait bien forcé de prêter son ministère, pourvu qu'il fût attaché au tribunal d'arrondissement, dans le ressort duquel se trouve la justice de paix.

S II.

De la défense que peut faire le juge de paix de donner aucune citation, sans avertissement préalable.

9. Le juge de paix doit remplir l'office de conciliateur plutôt que le ministère de juge; ce sera un père au milieu de ses enfants, dont un seul mot suffira pour faire cesser les plaintes, réparer les injustices, éteindre les divisions: tel fut le langage des auteurs de l'institution. La loi du 26 octobre 1790 décida en conséquence qu'aucune citation ne serait signifiée qu'en vertu d'une cédule délivrée par le juge de paix, après avoir entendu l'exposition de la demande. On ne tarda pas à sentir l'inutilité de

cette mesure; les rédacteurs du Code de procédure crurent devoir en proclamer l'abolition. « Nous avons supprimé, di»sait M. Treilhard, la cédule qu'il fallait demander au juge de » paix pour faire une citation devant lui. Cette cédule, qui > pouvait présenter quelques avantages, sous certains points » de vue, était devenue une affaire de pure forme; il eût été » bien difficile que cela ne fût encore ainsi dans la suite. Cet in» convénient n'étant pas balancé par des avantages marqués, > nous avons aboli l'usage de la cédule. »

10. Cependant, l'usage d'un avertissement, préalable à la citation, s'était introduit dans quelques justices de paix ; mais quelque louable que pût être cette détermination du juge, il n'avait aucun moyen de la rendre obligatoire: sous l'empire des décrets des 10 juin 1811 et 14 juin 1813, les huissiers de la justice de paix étaient, ainsi que les autres, tenus d'exercer leur ministère, sur la réquisition des parties, à peine de dommages-intérêts, en cas de refus.

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Le juge de paix du canton de Saint-Pierre-Église, arrondissement de Cherbourg, avait fait publier et afficher dans son canton, le 16 avril 1816, jour de son installation, un placard intitulé: Le juge de paix du canton de Saint-Pierre-Église, aux habitants dudit canton, portant ce qui suit: « Je défends à tous » les huissiers qui exerceront près le tribunal de paix, de dé» livrer aucunes citations sans me les avoir communiquées, parce que je vous appellerai pour vous offrir mon ministère » de conciliateur, avant qu'elles puissent vous être délivrées. » Quelque temps après, le vicomte de Blangy, propriétaire du canton, ayant voulu faire citer son fermier devant la justice de paix, l'huissier refusa de donner cette citation, à moins d'une permission écrite du juge de paix. Requête présentée à ce magistrat, tendante à faire comparaître l'huissier devant lui, aux fins de se voir condamner à 300 fr. de dommagesintérêts pour avoir refusé de prêter son ministère; et, le 7 janvier 1817, jugement qui déboute le vicomte de Blangy de sa demande, en déclarant toutefois, qu'il y aurait exception pour ce dernier, que les huissiers pourraient, à l'avenir, donner toutes citations à sa requête, sans qu'il fût besoin d'autorisation préalable.

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