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« Toutes les actions concernant les brevets d'in»vention seront portées, s'il s'agit de nullité ou de » déchéance des brevets, devant les tribunaux civils » de première instance; s'il s'agit de contrefaçon, » devant les tribunaux correctionnels. »

SOMMAIRE.

1. Lois relatives aux brevets d'invention.

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conférait aux juges de paix la loi de 1791, loin d'être une action possessoire, n'était que la répression d'un délit que l'article renvoie, avec raison, au tribunal correctionnel. 3. Incompétence de ce tribunal pour statuer sur la nullité ou déchéance du brevet, qui serait proposée par le prévenu comme exception à la défense; nécessité de surseoir. - 4. Le tribunal civil et même le juge de paix, dans les limites de sa compétence, pourrait statuer sur les dommages-intérêts.

1. Cet article semblerait n'avoir pas besoin de commentaire; cependant, pour savoir quelle est la portion de juridiction dont la loi nouvelle dépouille les justices de paix, il est bon de faire connaître en quoi elle consistait, d'après la loi ancienne. D'ailleurs, nous devons procéder ici de même que dans la discussion des autres articles, développer les lois et les principes qui ont rapport à la matière.

Le brevet d'invention, d'importation et de perfectionnement, est l'acte par lequel le gouvernement accorde à quelqu'un le droit exclusif de fabriquer et de vendre des objets dont l'invention lui est due.

La législation, sur ce point, se compose des deux lois des 7 janvier et 25 mai 1791, lois qui forment encore aujourd'hui la base de cette matière.

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La loi du 7 janvier porte, article 7: Afin d'assurer à tout >> inventeur la propriété et la jouissance temporaire de son in⚫vention, il lui sera délivré un titre ou patente selon la forme

indiquée dans le réglement qui sera dressé pour l'exécution » du présent décret. »

L'art. 12 est conçu en ces termes : « Le propriétaire d'une ⚫ patente jouira privativement de l'exercice et des fruits des » découvertes, inventions ou perfections pour lesquelles ladite › patente aurait été obtenue; en conséquence, il pourra, en › donnant bonne et suffisante caution, requérir la saisie des objets contrefaits, et traduire les contrefacteurs devant les tri» bunaux: lorsque les contrefacteurs seront convaincus, ils se»ront condamnés, en sus de la confiscation, à payer à l'inven>teur des dommages-intérêts proportionnés à l'importance de

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la contrefaçon, et en outre à verser dans la caisse des pauvres » du district une amende fixée au quart desdits dommagesintérêts, sans toutefois que ladite amende puisse excéder la D somme de trois mille livres, et au double en cas de récidive. . Dans le cas, dit l'art. 13, où la dénonciation pour contre> façon, d'après laquelle la saisie aurait eu lieu, se trouverait ⚫ dénuée de preuves, l'inventeur sera condamné, envers sa » partie adverse, à des dommages-intérêts proportionnés au

trouble et au préjudice qu'elle aura pu en éprouver, et en > outre à verser dans la caisse des pauvres du district une » amende fixée au quart du montant desdits dommages-inté› rêts, sans toutefois que ladite amende puisse excéder la > somme de trois mille livres, et au double en cas de récidive.

Le tribunal devant lequel la contrefaçon ou le trouble apporté au droit du propriétaire devait être poursuivi, n'était point déterminé ; mais la loi du 25 mai, rendue en exécution de celle du 7 janvier, y a pourvu. Les art. 10, 11 et 12, titre 2, de cette dernière loi, portent :

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«Lorsque le propriétaire d'un brevet sera troublé dans l'exercice de son droit privatif, il se pourvoira, dans les formes prescrites pour les autres procédures civiles, devant le juge de » paix, pour faire condamner le contrefacteur aux peines pro» noncées par la loi.

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› Le juge de paix entendra les parties et leurs témoins, ordonnera les vérifications qui pourront être nécessaires, et > le jugement qu'il prononcera sera exécuté provisoirement, » nonobstant l'appel.

» Dans les cas où une saisie juridique n'aurait pu faire découvrir aucun objet fabriqué ou débité en fraude, le dénon>>ciateur supportera les peines énoncées dans l'art. 13 de la » loi (du 7 janvier), à moins qu'il ne légitime sa dénonciation › par des preuves légales, auquel cas il sera exempt desdites » peines, sans pouvoir néanmoins prétendre aucuns dom>mages-intérêts. »

Ces lois tracent les différents cas dans lesquels la nullité ou la déchéance du brevet peut être prononcée, et le juge de paix n'étant déclaré compétent que pour statuer sur la contrefaçon, la connaissance des autres demandes était, par-là même, réservée aux tribunaux ordinaires. Cependant, la nullité ou la déchéance pouvait être proposée par forme d'exception, et le juge de paix prononçait souvent sur cet objet (1).

2. Dans son Traité de la compétence, chap. 63, M. Henrion de Pansey, partant de ces termes de l'art. 10 de la loi du 25 mai 1791, lorsque le propriétaire d'un brevet sera troublé dans l'exercice de son droit privatif, prétend que c'est là une action possessoire; erreur évidente, le possessoire étant une action réelle, qui, comme on l'a vu plus loin, ne peut s'appliquer qu'aux immeubles ou droits immobiliers. Le trouble dont parle ici la loi du 25 mai n'est autre chose que la contrefaçon prévue par l'art. 12 de celle du 7 janvier. La confiscation, l'amende, sont de véritables peines que le législateur de 1791 chargeait les juges de paix de prononcer. Il en était de cette matière comme des fraudes relatives aux douanes, dont la loi du 4 germinal an 2, et celle du 14 fructidor an 3, ont attribué la répression aux juges de paix, sauf l'appel aux tribunaux civils.

C'est donc avec raison que notre article a dépouillé les juges de paix de la connaissance des actions relatives aux brevets d'invention, actions qui, touchant de près aux intérêts les plus précieux de l'industrie, présentent d'ailleurs des questions difficiles.

C'est aux tribunaux ordinaires qu'appartiendra exclusive

(1) Un dernier arrêt de la Cour de cassation du 27 décembre 1837, paraît avoir décidé que la déchéance ne pouvait être demandée que par une action. D., pag. 73 de 1838.

ment la connaissance des demandes en nullité ou déchéance. Quant au trouble apporté à l'exercice du droit privatif qu'accorde le brevet, par la contrefaçon des objets fabriqués ou débités en fraude, c'est un véritable délit, dont la poursuite doit être déférée aux tribunaux correctionnels, puisqu'il s'agit d'une amende de 3,000 fr., indépendamment de la confiscation.

3. Ici va se présenter la question qui s'agitait devant le juge de paix, celle de savoir si le tribunal correctionnel pourra connaître de la nullité ou déchéance proposée par le prévenu comme exception ou défense à la poursuite exercée contre lui.

La négative nous paraît incontestable. S'il est de règle que le juge de l'action doit connaître de l'exception, cotte règle cesse, dans le cas où l'exception étant proposée devant un tribunal d'exception, son incompétence est absolue pour juger de la matière (1). Or, ici la loi traçant d'une manière expresse la ligne de démarcation entre la compétence des tribunaux ordinaires, auxquels est attribuée la connaissance des actions civiles en nullité ou déchéance, et le tribunal correctionnel qui ne peut connaître que de la contrefaçon, l'exception de nullité ou de déchéance constituerait une question préjudicielle qui obligerait le juge de répression à surseoir, jusqu'après la décision du tribunal civil.

4. Les tribunaux civils ne pourraient pas non plus prononcer l'amende. Mais pourraient-ils statuer sur les dommages-intérêts? L'affirmative de cette seconde question nous paraît également hors de doute.

La contrefaçon des objets que le breveté a le droit d'exploiter exclusivement est un véritable délit, dont le tribunal correctionnel doit être saisi. Or, d'après l'art. 3 du Code d'instruction criminelle, l'action civile peut être poursuivie devant le tribunal chargé de la répression ou devant le juge civil (2). L'industriel, troublé dans son droit, par une contrefaçon, pourrait

(1) Voir les conclusions et l'arrêt rapportés dans les Questions de droit, aux mots Tribunal correctionnel.

(2) Voy. tom. 1, pag. 52 et suiv.

donc porter son action en dommages-intérêts en justice ordinaire; et comme il s'agirait d'une action purement personnelle, le juge de paix serait même compétent, si la demande n'excédait pas 200 fr.

Telle est la conséquence de l'article 20, qui, par un juste retour au droit commun, n'a fait que renvoyer aux tribunaux correctionnels une contravention, ou plutôt un délit, dont la loi de 1791 avait attribué la répression aux justices de paix.

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