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la violence et rétablir le possesseur dépouillé, etc. (1). » Ce système mi-parti n'est que la reproduction de celui qu'avait fait insérer un magistrat de Joigny, dans le Juge de paix, tom. 4, pag. 253; je croyais l'avoir pleinement réfuté pag. 62 et 63 de ma première édition; M. de Villeneuve n'y a, sans doute, pas fait attention.

Si la distinction, faite par cet auteur, devait être admise, il faudrait l'appliquer à toute espèce de dépossession, qu'il yait eu violence et voies de fait ou non: telle était la doctrine de Poullain-du-Parc dont on vient de citer le passage, pag. 53; cet auteur ne fait même, à cet égard, aucune distinction entre la complainte et la réintégrande, voulant que, dans tous les cas, le demandeur soit tenu de prouver sa possession annale, avant le trouble, à moins qu'il n'ait été dépossédé ou troublé par un tiers qui n'avait dans la chose ni droit ni possession. Cette doctrine serait au moins rationnelle; mais elle est inconciliable avec l'art. 2243 du Code civil, qui n'attribue d'effet qu'à la possession annale, et l'art. 23 du Code de procédure, lequel exige, en conséquence, que le demandeur justifie de cette possession. Celui qui possède depuis dix à onze mois, n'a donc pas plus de droit que le possesseur d'un jour, il n'est lui-même qu'un perturbateur; et, par quelle raison, obtiendrait-il de la justice le maintien d'une possession illégale ? Ce serait consacrer le trouble dont il s'est rendu coupable envers le possesseur légitime; ce dernier est le seul qui puisse être vu favorablement; les autres ne sont que des usurpateurs qui se disputent la chose d'autrui. Quant aux désordres qui peuvent résulter de leur usurpation successive, c'est à la justice criminelle qu'en appartient la répression, si la voie de fait a le caractère d'un délit. Pour ce qui est de la possession, la loi civile, à qui il appartenait d'en déterminer l'effet, n'en attribue aucun à celle de moins d'une année. Tel est le principe conservateur de la propriété,

(1) Il paraît qu'il y a ici faute de rédaction ; l'auteur entend parler sans doute, non pas de l'action, mais de l'exception que peut opposer le possesseur annal à la demande en réintégrande : autrement il serait difficile de comprendre son raisonnement.

telle est la règle générale à laquelle on ne saurait faire excep tion, sans inconvénient.

43. Mais, en réduisant la réintégrande au cas où la dépossession par violence ou voies de fait serait opérée par un individu qui n'a point de possession légale contre celui qui ne pourrait pas lui-même justifier de cette possession, en plaçant, hors du cercle véritable de la réintégrande, le possesseur annal, M. Devilleneuve doit s'apercevoir qu'il renverse ainsi, de fond et comble, le système de M. Henrion de Pansey, celui du professeur Proudhon, et la jurisprudence qui a consacré leur doctrine. De cette doctrine, de cette jurisprudence, en effet, il résulte positivement que le possesseur annal aurait beau exciper de sa possession, sur la demande en réinté grande ; il doit être condamné d'abord, et sans autre examen, à restituer la chose, sauf à se faire rétablir ensuite dans sa possession annale par action nouvelle, et nullement par exception; attendu que l'action en réintégrande pour cause de violence ou voie de fait, action toute particulière, ne tend qu'à réprimer un délit ou quasi-délit, laissant d'ailleurs intacts les droits des parties que lè défendeur peut faire valoir, au possessoire, afin de se faire maintenir dans sa possession, et d'être rétabli dans la chose qu'il avait été condamné à restituer sur la demande en réintégrande. Tel est le système des auteurs et des arrêts qu'on nous oppose (Voy. pag. 37, 38, 41, 42 et 43).

C'est contre une proposition aussi étrange que je me suis 'élevé principalement, il est vrai, et l'abandon de ce système est déjà un grand pas fait pour la solution de la question. Mais, au lieu de se jeter dans des hypothèses éventuelles, dans des distinctions subtiles, il faut partir d'un principe. Ör, l'art. 23 du Code de procédure est une règle positive qui s'applique à toutes les actions possessoires; on ne saurait appliquer cette règle, dans un cas, puis s'en écarter dans un autre, sans marcher d'inconséquences en inconséquences.

Observons, encore une fois, qu'il y a lieu à réintégrande, dès l'instant que le demandeur se plaint d'avoir été dépossédé. Distinguer, quant à la nature de l'action possessoire, la dépossession, sans violence, ni voies de fait, de celle qui en est accompagnée, est déjà chose fort incompréhensible;

que sera-ce, s'il faut faire encore une sous-distinction, entre le cas où celui qui dépossède violemment, avait la possession annale, et celui où aucun des contendants n'avait cette possession? Admettre l'exception du défendeur, dans le premier cas, rien de plus juste ; mais réduire la réintégrande à la dernière hypothèse, n'est-ce pas renoncer au principe que, nul ne peut se faire justice à soi-même, principe qui cependant est le seul prétexte imaginé, pour faire de la réintégrande un action toute particulière? N'est-ce pas détruire entièrement le pivot sur lequel roule ce système erroné?

Toutes ces distinctions, encore une fois, ne servent qu'à compliquer une chose fort simple, et tombent devant le texte de la loi, qui n'accorde les actions possessoires (ce qui comprend et la réintégrande pour cause de dépossession et la complainte pour simple trouble) qu'à celui qui possède depuis un an au moins.

46. En résumant cette discussion beaucoup trop longue, la réintégrande n'est autre chose qu'une action possessoire. La règle établie par l'art. 23 du Code de procédure est donc applicable à cette action. Si le contraire eût été décidé par l'ordonnance de 1667, sa disposition serait abolie par le Code; mais l'ordonnance ne parle point de la possession annale, et les auteurs enseignent que, sous son empire, cette possession était exigée pour la réintégrande aussi-bien que pour la complainte : le Code de procédure n'a fait que consacrer cette jurisprudence.

Ainsi, que l'action possessoire soit formulée sous le nom de complainte, de réintégrande, ou de dénonciation de nouvel œuvre, peu importe: la seule chose à laquelle le juge de paix doit s'attacher, est de savoir si les deux conditions qu'exige le Code de procédure sont remplies, si la demande a été formée dans l'année du trouble prétendu, et si le demandeur justifie de sa possession annale. La réintégrande, on le répète, n'est autre chose qu'une action possessoire ; la nuance qui existe entre cette action et la complainte proprement dite, est souvent difficile à saisir; et pourquoi compliquer, par des distinctions inutiles, les questions possessoires qui ne présentent déjà que trop de difficultés?

SECTION II.

DES CONDITIONS ET QUALITÉS NÉCESSAIRES POUR EXERCER
L'ACTION POSsessoire.

SOMMAIRE.

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§Ier. Durée de la possession et délai dans lequel lu complainte doit être formée. - 1. Art. 23 du Code de procédure. 2. Cet article, conforme à l'ancien usage, n'est que la conséquence de l'article 2243 du Code civil; réfutation de M. Garnier sur ce point. 5. L'année doit-elle s'entendre de l'an et jour ? — 4. Le délai d'un an court contre les mineurs. 5. En cas d'entreprises successives, le délai court à dater de la première. - 6. C'est du jour du trouble que part ce délai, et non de celui où le propriétaire en a acquis connaissance. 7. La prescription est interrompue par les poursuites correctionnelles du plaignant; critique d'un arrêt qui juge le contraire.

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SII. Nature et caractère de la possession annale. - 8. Cette possession doit remplir les mêmes conditions que celles qu'exige la loi, pour prescrire. Toutes ces conditions sont censées remplies, de la part du propriétaire qui possède en vertu d'un titre; le juge de paix doit consulter le titre, pour caractériser la possession. - 9. Continuité de la possession, elle n'a pas besoin d'être manifestée tous les jours par des actes extérieurs ; distinction à cet égard entre la possession pour acquérir et celle pour conserver. 10. Bois et autres propriétés dont les fruits ne se recueillent qu'à de longs intervalles. 11. Chemins privés, chemins de défruitement; c'est au titre qu'il faut recourir pour juger de la possession. 12. Servitudes discontinues, n'ont pas bcsoin d'actes fréquents dans leur exercice; servitudes continues, vestiges, peuvent suffire pour conserver la possession.-15. Possession non interrompue; interruption naturelle et civile. 14. Possession paisible, violence.-15. La possession du propriétaire qui repousse le trouble par la force, n'est pas moins considérée comme paisible. 16. A l'égard de l'usurpateur, sa possession ne commence que du jour où a cessé la violence; explication. - 17. La possession doit être publique, c'est-à-dire non clandestine; exemples; anticipations successives et de peu d'importance, peuvent-elles donner lieu à l'action possessoire? 18. La possession doit être publique pendant toute

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l'année; la possession clandestine commence à être utile, du moment qu'elle devient publique. 19. La possession doit être non équivoque; exemples: passage pratiqué par les habitants sur un chemin privé.-20. La possession doit être à titre de maître; le possesseur précaire est celui qui n'a aucun droit dans la chose; l'usufruitier, l'usager, le propriétaire d'une servitude ne peut être considéré comme possesseur précaire relativement à son droit. 21. Les vices de la possession peuvent-ils être opposés par qui que ce soit? Ceux résultant de la violence ou de la clandestinité ne sont que relatifs, mais il en est autrement de la discontinuité et même du précaire. – 22. C'est au demandeur à justifier de sa possession annale, si elle est déniée ; mais c'est au défendeur prétendant que cette possession n'aurait pas les caractères voulus par la loi, à en prouver l'illégitimité.

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§ III. Par qui et contre qui l'action possessoire peut-elle être intentée.-23. Cette action appartient en général à tout possesseur. 24. Le negotiorum gestor ne peut l'exercer, et le mandataire ne doit agir qu'au nom de son commettant. - 25. Étranger, caution judicatum solvi. - 26. Le mari exerce les actions possessoires de sa femme exception. 27. Communiers et associés, l'un peut-il exercer l'action possessoire contre l'autre? - 28. Héritiers, successeurs et ayant cause peuvent, pour l'exercice de l'action possessoire, joindre leur possession à celle de l'auteur; application de ce principe par divers exemples.-29. Mineurs et interdits; l'action possessoire peut-elle être exercée contre eux, et le tuteur a-t-il besoin de l'autorisation du conseil de famille? - 30. Absents, faillis et condamnés. 31. Action possessoire pour ou contre le domaine. 31 bis. Dotation de la couronne, domaine privé du roi. → 31 ter. Domaine de propriété des départements et arrondissements. 32. Communes; l'autorisation du conseil de préfecture n'est pas nécessaire au maire, demandeur ou défendeur. 33. Secùs, des établissements publics; à qui appartient l'action possessoire des différents établissements? 54. Le nu-propriétaire peut exercer l'action possessoire. 55. A la cessation de l'usufruit, il joint sa possession à celle de l'usufruitier; réfutation d'un arrêt qui juge le contraire. 36. L'usufruitier peut aussi exercer l'action possessoire, même contre les tiers. 57. Bénéfices ecclésiastiques, presbytères. -38. Usager, trouble de son droit venant du propriétaire ou d'un tiers. 39. Le fermier ne peut exercer l'action possessoire. - 40. secùs de l'emphytéote même temporaire. 41. Action possessoire dans le cas où le titre d'un détenteur précaire est interverti.

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