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Les auteurs, à l'exception de quelques-uns, parmi lesquels se trouve M. Delvincourt, p. 504, font une distinction: ou la mort civile est l'effet d'une condamnation judiciaire à laquelle elle est attachée, ou elle est une suite immédiate de la loi.

Dans le premier cas, l'homme mort civilement en France ne sera pas réputé mort dans un autre pays; ici revient le principe que j'ai rappelé sur l'art. 14 auquel il sert de base, savoir: qu'un jugement rendu dans une souveraineté est sans effet dans une souveraineté étrangère, l'autorité d'un jugement étant circonscrite dans les limites du territoire où il a été rendu.

Dans le second cas, la mort civile accompa gne par-tout la personne sur laquelle elle pèse, argument du S 2 de l'art. 3 du Code civil.

ARTICLE 25.

Par la mort civile, le condamné perd la propriété de tous les biens qu'il possédoit : sa succession est ouverte au profit de ses héritiers, auxquels ses biens sont dévolus, de la même manière que s'il étoit mort naturellement et sans testament.

Il ne peut plus ni recueillir aucune succession, ni transmettre, à ce titre, les biens qu'il a acquis par la suite.

Il ne peut ni disposer de ses biens, en tout ou en partie, soit par donation entrevifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n'est pour cause d'alimens.

Il ne peut être nommé tuteur, ni concourir aux opérations relatives à la tutelle.

Il ne peut être témoin dans un acte solennel ou authentique, ni être admis à porter témoignage en justice.

Il ne peut procéder en justice, ni en défendant, ni en demandant, sous le nom et par le ministère d'un curateur spécial, qui lui est nommé par le tribunal où l'action est portée.

Il est incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil.

Le mariage qu'il avoit contracté précédemment est dissous, quant à tous ses effets civils.

Son époux et ses héritiers peuvent exercer respectivement les droits et les actions auxquels sa mort naturelle donneroit ouver

ture.

448. Les personnes mortes civilement ne sont plus rien dans le monde civil: en conséquence, leur succession s'ouvre de la même manière que si elles étoient mortes naturellement et sans testament.

Les biens composant la succession du condamné tombent dans le domaine des héritiers au lieu d'appartenir au fisc, parce qu'à l'époque où l'on travailloit à la composition du Code, la confiscation étoit abolie, ou pour parler plus juste, n'avoit lieu que dans un petit nombre de

cas, lesquels sont rapportés par M. Merlin, vo Confiscation.

449. On remarquera que le François encourt la confiscation de ses biens (1) pour avoir porté les armes contre la France, Code pénal, art. 75; pour avoir pratiqué des machinations où entretenu des intelligences avec les puissances étrangères, art. 76 et 77; pour crime de lèse-majesté, art. 86; pour attentat ou complot contre les membres de la famille royale, ou contre le gouvernement, art. 87; pour attentat ou complot dont le but seroit d'exciter la guerre civile, art. 91 et suiv.; pour crime de fausse monnoie, art. 132; pour contrefaçon des sceaux de l'état, des billets de banque et des effets publics, art. 139.

450. Il est tombé dans une bien grande bévue le jurisconsulte qui a tiré du commencement de l'art. 25, la conséquence que le droit de transmettre une succession ab intestat ne prend pas son fondement dans la loi civile: si le mort civilement transmet ses biens à ses parens, c'est qu'on a bien voulu se relâcher de la sévérité des principes plutôt que de dépouiller les parens de la succession du condamné pour la faire passer dans le domaine de l'état, soit à titre de confis. cation, soit à titre de déshérence.

451. La succession du condamné s'ouvre au profit des parens les plus proches au moment

(1) Il n'y a plus lieu à la confiscation des biens : cette peiné a été abolie en France et dans les Pays-Bas. Voyez nos 502 et 507.

où il encourt la mort civile; c'est à cette époque que se fixe invariablement l'ordre de leur vocation à l'hérédité, sans qu'on doive se reporter, en aucune manière, au moment de la condamnation, la mort civile ne prenant son cours qu'à partir du jour où le jugement est exécuté. 452. La loi ne respecte pas les dispositions de dernière volonté que le mort civilement a faites avant ou depuis sa condamnation. Le Code a làdessus une disposition textuelle, conforme d'ailleurs aux règles du Droit romain et à la doctrine des auteurs. On a constamment regardé comme une vérité première qu'un testament n'est pas valable si l'auteur n'étoit pas capable de disposer tant à l'époque de la confection de l'acte qu'à celle de son décès. Sed et si quis fuerit capite damnatus, vel ad bestias, vel ad gladium, vel aliá pœná, quæ vitam adimit, testamentum ejus irritum fiet. L. 6, § 6, D. de Injust. rumpt. et irrit. fact. testam.

S Ier DE L'ART. 25.

453. Le mort civilement ne peut recueillir aucune succession, ni transmettre à ce titre les biens qui lui appartiennent. C'est que la faculté de recueillir ou de transmettre une succession tire son principe du droit civil.

Ajoutez à cela qu'une personne morte civilement n'a plus de parenté aux yeux de la loi, tandis cependant que le droit de recueillir ou de transmettre une succession suppose l'existence de la parenté civile.

454, A ces mots : les biens qu'il a acquis par

la suite, souvenez-vous qu'une personne morte aux yeux de la loi civile continue à exister aux yeux de la loi naturelle et qu'elle reste conséquemment capable de tous les actes qui sont l'ouvrage du droit des gens, qu'elle peut vendre ou acheter des propriétés mobilières ou immobilières.

La loi 15, D. de Interdictis et relegatis, reconnoît ce principe. Deportatus, dit cette loi, civitatem amittit, non libertatem; et speciali quidem jure civitatis non fruitur, jure tamen gentium utitur; emit enim et vendit, locat, conducit, permutat, fœnus exercet, et cætera similia et postea quæsita pignori dare potest, nisi in fraudem fisci qui ei mortuo successurus est, obliget.

La Cour de cassation a rendu un hommage constant à la règle du Droit romain; elle a toujours tenu que la mort civile n'interdit pas les actes dérivant du droit naturel et des gens. Voyez arrêt du 28 frimaire an 13, arrêt du 28 juin 1808 et arrêt du 17 août 180g.

455. Une personne morte civilement peut exercer l'action en rescision d'une vente pour lésion de plus de sept douzièmes dans le prix : la vente étant un contrat du droit des gens, l'action en paiement du juste prix résultante de ce contrat, dérive nécessairement du même droit des gens, arrêt de cassation du 17 août 1809, ci-dessus cité, rendu sur les conclusions conformes de M. Merlin, et rapporté dans les Ques tions de droit, aux r 's, Mort civile, § 3.

456. M. Massé, dans le Parfait notaire, nous dit qu'un prisonnier peut faire des actes, mais

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