Page images
PDF
EPUB

Bien des personnes pourront me blâmer d'avoir donné à mon commentaire le titre de tableau critique: j'aurois choisi avec plaisir un titre plus modeste, si j'eusse cru pouvoir en trouver un qui rendît avec plus d'exactitude et de précision, l'idée du plan de mon travail.

Il existe une foule d'ouvrages sur le Code civil: les uns sont inutiles, les autres ne peuvent être lus sans fruit et sont accueillis favorablement du public. Parmi les ouvrages qui jouissent d'une estime générale et justement méritée, on rencontre ceux publiés par MM. Merlin, Chabot, Locré, Proudhon, Loiseau, de Lassaulx. Leurs opinions sont un fanal qui dirige les pas des jurisconsultes et des magistrats dans la carrière difficile qu'ils sont appelés à parcourir : j'ai su profiter moi-même de ce fanal.

Cependant il ne faut pas marcher servilement sur les traces des jurisconsultes qui nous ont devancés dans la carrière de la jurisprudence, comme il ne faut pas vouloir se frayer une route toute nouvelle dans un champ que d'autres ont parcouru avant nous ces deux excès sont également funestes à la saine interprétation de la loi.

Sans me rendre esclave des pensées d'autrui, j'ai réuni mes lumières à celles des jurisconsultes dont les écrits ont répandu plus

ou moins de jour sur les parties obscures du Code civil; et j'ai, par ce moyen, tâché d'écarter les nuages qui couvrent certaines dispositions législatives.

J'ai même quelquefois tiré parti des leçons que nous ont données sur le Code civil les professeurs de la ci-devant faculté de droit de Bruxelles, savoir: M. Tarte, jurisconsulte aussi éloquent que profond, M. Van Hoogten, également remarquable par sa modestie et par l'élévation de ses idées, et M. Ernst qui marche si glorieusement sur leurs traces (1).

J'ai proposé et résolu, sur l'art. 2 du Code civil, une assez longue série de questions qui se rattachent au principe élémentaire et sacré de la non-rétroactivité des lois : j'ai puisé la plupart de ces questions dans l'excellent ouvrage de M. Chabot, intitulé Questions transitoires : les solutions que je leur ai données sont laconiques; je devois me renfermer dans un espace étroit pour ne pas excéder les limites naturelles de mon commentaire.

On parle beaucoup dans le royaume des Pays-Bas de la création prochaine d'une législation toute nouvelle : on projette d'y rem

(1) La faculté de droit de Bruxelles ayant été supprimée, M. Ernst a été nommé professeur en droit à l'université de Liége.

placer les cinq Codes actuellement en vigueur par d'autres Codes en nombre égal: mais espérons que ce projet gigantesque pour l'abandon duquel tout homme éclairé et impartial forme des vœux ardens, ne sera pas réalisé en définitif. Le parti le plus sage et le plus conforme à l'intérêt général du royaume des Pays-Bas, c'est de s'en tenir religieusement à la législation actuelle, en y apportant toutefois quelques modifications que le temps, l'expérience et la marche progressive des lumières ont fait reconnoître utiles ou indispensables. Rien de plus dangereux que de vouloir tout innover. Pourquoi détruirions-nous l'édifice entier de la législation actuelle, ce grand et magnifique monument digne d'appartenir au siècle éclairé où nous vivons, et d'être légué comme un précieux héritage à toutes les générations futures? Pourquoi déchirerions-nous d'une main sévère toutes les pages qui composent notre Code civil?

Depuis quatorze ans environ, nous vivons sous l'empire de ce Code, nous sommes familiarisés avec la plupart de ses dispositions. Des jurisconsultes profonds ont éloigné, par des commentaires lumineux, les embarras toujours inséparables de l'application des lois nouvelles; la Cour de cassation et les Cours souveraines, par leurs nombreux

arrêts, ont irrévocablement fixé le sort d'une masse de questions également remarquables par leur importance majeure et par les graves difficultés dont elles étoient entourées.

Si l'on crée un nouveau Code civil pour le royaume des Pays-Bas, ses habitans moins heureux que les François, seront tout-à-coup privés de l'immense avantage d'une législation doublement éclaircie par les écrits des jurisconsultes et par le secours de la jurisprudence (1).

Le royaume des Pays-Bas ne formant à peu près que l'équivalent du quart de la France, les écrits des interprètes et les décisions des tribunaux y seront moins communs dans la proportion ci-dessus; d'où résulte cette conséquence bien simple que, pour obtenir sur le Code civil futur les lumières que nous avons reçues sur le Code civil actuel, qui nous régit depuis quatorze ans environ, il nous faudra plus de cinquante ans.

(1) Par une ordonnance du 17 juillet 1816, sa majesté le Roi de France prenant en considération les maux que l'instabilité de la législation peut causer dans un état, a reconnu qu'il seroit dangereux de faire une révision générale des cinq Codes, et que s'ils renfermoient des dispositions imparfaites ou susceptibles d'être améliorées, de pareilles réformes ne pouvoient être que l'ouvrage du temps et le fruit de longues méditations,

Ainsi , par un mouvement rétrograde que rien ne justifie, nous serions tout-à-coup reculés d'un demi-siècle au moins en fait de législation.

AVERTISSEMENT.

Comme depuis l'entrée des puissances alliées en France et en Belgique, on a créé diverses lois qui ont des rapports plus ou moins immédiats avec les trente-trois premiers articles du Code civil sur lesquels roule le commentaire, j'ai dû m'en occuper.

Les actes de législation faits en France postérieurement au nouvel ordre politique, sont expliqués et indiqués à la suite des articles auxquels ils se lient. (Voyez pour exemple ce qui se trouve p. 195 et suiv.)

Les actes de législation faits dans les PaysBas postérieurement à l'entrée des puissances alliées, sont de même expliqués ou indiqués à la suite des articles auxquels ils se lient. (Voyez pour exemple ce qui se trouve p. 198 et suiv.)

J'ai littéralement transcrit dans un Supplément les lois rendues en France depuis la promulgation du Code civil, et présentant des liaisons avec les trente-trois premiers articles du Code.

J'ai également transcrit dans le Supplé

« PreviousContinue »