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Aux obsèques de Charles VIII, vingt gentilshommes de sa maison portèrent son corps (1).

Il paraît que dans les treizième et quatorzième siècles, les obsèques des nobles étaient accompagnés d'offrandes d'armes et de chevaux, que la famille du défunt faisait à l'église ou à l'évêque officiant. Dans une transaction de l'an 1329, entre les curés de Paris et celui de l'église du Saint-Sépulcre, il est question du partage des offrandes de hardes et de chevaux. Au service fait à Saint-Denis, en 1389, pour Bertrand du Guesclin, par l'ordre de Charles VI, l'évêque d'Auxerre, qui célébrait la messe, descendit de l'autel après l'Evangile; et lorsqu'il eut prit place à la porte du chœur, on vit arriver quatre chevaliers armés de toutes pièces avec les armes du feu connétable du Guesclin, qu'ils représentaient; ils étaient suivis de quatre autres portant ses bannières, et montés sur des chevaux caparaçonnés de noir. C'étaient, dit l'historien, les plus beaux chevaux de l'écurie du roi : l'évêque reçut le présent des chevaux en leur mettant la main sur la tête. Le connétable de Clisson et deux maréchaux de France firent aussi leur offrande, accompagnés de huit seigneurs qui portaient chacun un écu aux armes du défunt, et tout entouré de cierges allumés. Après eux venaient le duc de Touraine, le prince de Navarre, le comte de Navarre et Henri de Bar, tenant chacun par la pointe une épée

(1) Voyez le Mercure galant du mois d'août 1711; du Tillet, Rec. des rois de Fr., et le Cérémonial fr., par Godefroy.

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nue. Au troisième rang marchaient quatre autres seigneurs armés de pied en cap, et conduits par huit jeunes écuyers, dont les uns portaient des casques et les autres des pennons et bannières aux armes de du Guesclin. Ils allèrent tous se prosterner au pied de l'autel, et y déposèrent ces pièces d'honneur.

Alors, et même dans des temps plus modernes, on ne faisait ordinairement les funérailles de nos rois que six semaines après leur mort. On exposait pendant ces quarante jours leur image en cire à lá vue du peuple, sur un lit de parade. Le corps était dessons, embaumé dans un cercueil de plomb. On continuait de les servir aux heures des repas, comme s'ils étaient encore vivans, avec tout le cérémonial usité : la table était bénite par un prélat. On présentait, vis-à-vis le fauteuil qu'occupait le défunt roi, le bassin à laver les mains et la serviette; le pannetier, l'échanson, le maître-d'hôtel faisaient l'essai des alimens; les trois services étaient apportés avec les formalités ordinaires; enfin, la seule différence qui existât entre ces repas funèbres et ceux dont ils étaient l'image, consistait en ce que les grâces y étaient suivies d'un De profundis (1).

Le corps d'un prince du sang se transporte directement à sa sépulture, sans être présenté à sa paroisse. Le prince de Soubise, dont la femme mourut en 1709, fit porter directement le corps de la dé

(1) Voyez à ce sujet le Cérémonial de Fr., par Godefroy, 1re édit., in-4°.

funte à la Merci, vis-à-vis l'hôtel de Soubise. Les princes et les curés s'en plaignirent; et le corps du mari, qui avait tenté cette assimilation avec les princes du sang, fut présenté à sa paroisse (1).

Si l'on continuait, par amour et par respect, à servir la table d'un mort, on faisait quelquefois par mépris l'enterrement d'un homme vivant. En 1523, le capitaine Frauget, gouverneur de Fontarabie, ayant rendu honteusement cette place aux Espagnols, fut condamné à être dégradé de noblesse; on le fit monter sur un échafaud, où douze prêtres, assis et en surplis, commencèrent à chanter les Vigiles des morts, après qu'on lui eut lu la sentence qui le déclarait traître, déloyal, vilain et foi-mentie. A la fin de chaque pseaume ils faisaient une pause, pendant laquelle un héraut d'armes le dépouillait de quelque pièce de son armure, en criant à haute voix Ceci le casque du lâche, ceci son corselet, ceci son bouclier, etc. Lorsque le dernier pseaume fut achevé, on lui renversa sur la tête un bassin d'eau chaude; on le descendit ensuite de l'échafaud avec une corde qu'on lui passa sous les aisselles ; on le mit sur une claie; on le couvrit d'un drap mortuaire, et on le porta à l'église, où les douze prêtres l'environnèrent, et lui chantèrent sur la tête le pseaume Deus, laudem meam ne tacueris, dans lequel sont contenues plusieurs imprécations contre les traîtres; ensuite on le laissa aller et survivre à son infamie.

(1) Ms. de Duclos.

Un chanoine de la cathédrale d'Evreux, nommé ̈ Jean Bouteille, fonda un obit accompagné d'une cérémonie fort singulière. Pendant la messe, on étendait sur le pavé, au milieu du chœur, un drap mortuaire, aux quatre coins duquel on mettait quatre bouteilles pleines du meilleur vin, et une cinquième au milieu; le tout au profit des chantres qui assistaient à ce service (1).

En 1240, Isabelle de Blois, comtesse de Chartres, fit une donation annuelle et perpétuelle de deux cruches d'huile et d'un millier de harengs, à l'abbaye de Fontaines-les-Blanches, en Touraine, à la charge de faire tous les ans un service le repos pour de son âme et de celle de son mari. Quelques années après, les religieux de cette abbaye obtinrent que l'huile et les harengs seraient convertis en une rente annuelle et perpétuelle de trente sous. Les trente sous de ce temps vaudraient au moins trente-sept francs de nos jours.

(1) Voyez la lettre sur la Procession noire, et la cérémonie du chanoine Bouteille, tome X de la Collection, p. 125. (Edit. C. L.)

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L'ÉTABLISSEMENT DES POSTES

EN FRANCE (1).

ON raconte qu'avant l'institution des postes, certains peuples orientaux ont su se servir d'hirondelles et de pigeons pour porter des nouvelles d'un pays à l'autre; que les hirondelles, transférées en quelque lieu que ce fût, revenaient toujours où elles avaient été prises, et que les pigeons ne manquaient point de venir retrouver leurs petits, aussitôt qu'on les avait mis en liberté ainsi, en changeant les couleurs des plumages de ces oiseaux, ou en leur attachant des lettres au cou, on recevait avec une promptitude incroyable, toute sorte d'avis. On tient encore qu'il y a eu des chiens dressés au même manége, qui portaient et reportaient des lettres avec une extrême vitesse. Ces expériences curieuses peuvent avoir réussi quelquefois, mais elles paraissent insuffisantes pour croire, comme certains auteurs, que cela a contribué à l'invention des postes. Il vaut mieux convenir que l'origine de cet établissement est inconnue, et que

(1) Extr. du Recueil de le Clerc-du-Brillet, in-fo, 1738.

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