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le foleil le ranime, il gagne le penchant d'une colline, où il s'endort.

Ouardi renfermée depuis trois ans dans cette lile, ne s'y occupoit que de fon Amant. Elle avoit toujours efpéré qu'il découvriroit fa retraite, & qu'il viendroit la délivrer; laffe enfin d'une fi longue attente, elle forme le projet de s'échapper. Elle trompe fes Gardes, defcend par une fenêtre du côté de la mer, apperçcit un Pêcheur dans fa barque, lui fait figne avec fon mouchoir, fe confie à lui, & le prie de la conduire à la première ville. Après trois jours de navigation, ils arrivent à Bagdad.

Le brave & généreux Diouan y régnoit. Des fenêtres de fon palais, il voit Ouardi entrer dans le port. Frappé de fa beauté & de la richeffe de fa parure, il lui envoie deux Efclaves pour l'inviter à venir -fe mettre fous la protection. Elle fe rend en tremblant auprès de lui, & les yeux baignés de larmes, lui raconte fes malheurs. Diouan députe vers le Sultan Chamer fon Vifir, avec quatre-vingts chameaux chargé de préfens, pour le prier de lui envoyer Anas-Eloujoud.

Ce fidèle Amant s'étant réveillé fur les bords de l'ifle Solitaire, marche vers le château. Il fe donne pour un malheureux Marchand ruiné par la tempête, & à peine échappé feul au naufrage. On le laiffe en

trer. Il pénètre dans les jardins intérieurs. Il voit fur l'écorce des orangers le chiffre de fon Amante & le fien. Il cherche, il épie, il écoute. Il rencontre les femmes de Ouardi qui s'étoient apperçues de la fuite de lear Maîtreffe, & la cherchoient avec inquiétude. Anas-Eloujoud plus inquiet encore, fe met avec elles à fa poursuite, fans fe faire connoître.

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L'Ambaffadeur de Diouan ayant adreffé au Roi de Perfe la demande de fon Maître, Chamer répond que le Héros qu'on lui demande a difparu depuis trois ans. L'Ambaffadeur lui avoue que c'eft Ouardi, arrivée depuis peu à la Cour de Bagdad, qui pleure Anas-Eloujoud & défire de le revoir. Chamer en conclut qu'elle a caufé la fuite de fon Favori; il fait appeler fon Vifir, père de Ouardi & le menace de le faire périr lui & toute fa race, s'il ne lui ramène Anas - Eloujoud. Le Vilir part pour l'ifle Solitaire. Il y trouve fes Efclaves en larmes, qui lui apprennent l'évasion de fa fille, & lui préfentent ce jeune Marchand qui l'a fi long-temps & fi inutilement cherchée avec elles. Le père & l'Amant fe reconnoiffent. La fcène commence par des reproches, & finit par un attendriffement mutuel. Anas-Eloujoud revêtu d'ha bits fomptueux, part avec Ibrahim pour la Cour de Perfe.

Leurs ennemis y avoient trané leur ruine.

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Craignant de voir le Favori du Prince rentrer en grace, ils l'avoient noirci par les plus affreufes calomnies; ils obtiennent enfin l'ordre de le faire arrêter avec le Vifir à fon entrée dans Ifpahan. Cet ordre est exécuté. Ils font tous les deux renfermés dans un château.

Le retour de l'Ambaffadeur avoit fort inquiété Ouardi, qui avoit appris de lui qué fon Amant étoit difparu depuis trois ans. Mais elle reçoit une lettre qu'il lui écrit, avant que d'arriver à Ifpahan, ayant été inftruit en route qu'elle s'étoit refugiée à la Cour de Bagdad. Elle est toute confolée, toute ravie du retour d'Anas-Eloujoud & de fa lettre. Elle ne doute pas que réconcilié avec fon père, il ne vienne bientôt la chercher. Mais après un mois d'attente, elle apprend la difgrace & la détention de fon Amant & de fon père. Le généreux Diouan, touché de fa douleur, envoie fon Grand-Vifir demander au Sultan Chamer la liberté des deux prifonniers. Leurs ennemis dominent dans le Confeil; la demande eft refufée ; & les illuftres captifs font refferrés dans leurs chaînes.

Diouan lève une armée, marche contre la Perfe, & pénètre jufqu'à la Capitale. Chamer ayant raffemblé toutes fes forces lui préfente la bataille; elle eft des plus fanglantes; Diouan alloit être vaincu, forfqu'Anas-Eloujoud paroît dans la mêlée à la tête des Mamlouks fes frères d'armes :

ils avoient toujours vu avec douleur l'horrible injuftice qu'on lui avoit faite, & dès le commencement du combat ils s'étoient détachés de l'Armée de Perfe, pour le délivrer de fa prifon. Cette troupe invincible fait changer la fortune; Chamer eft mis en fuite, & ne rentre qu'avec peine à Ifpahan, avec les débris de fon armée.

Diouan d'pêche un Courrier à Ouardi. Il revient lui-même à Bagdad, accom→ pagné d'Anas-Eloujoud, & du vieil Ibrahim, qui avoit été ainfi que lui délivré par les Mamleuks. La mère de Ouardi y arrive peu de temps après. Ouardi voit réuni autour d'elle tous les objets qu'elle aime.

Diouan, généreux jufqu'à la fin, la dote richement, nomme Anas-Eloujoud Commandant général de fes Armées ; & les deux Amans, comblés de fes bienfaits, deviennent enfin d'heureux époux.

On voit que pour peu que l'Auteur & le Traducteur aient mis de formes agréables à ce fonds intéreffant, ce Conte ne peut manquer de plaire. Nous nous en rapportons au goût de M. Savary pour le mérite de l'original, & à fa connoiffance de la Langue Arabe, pour la fidélité de la traduction. Quant au mérite du ftyle dont nous fommes plus à portée de juger, nous dirons qu'il y a peu d'Ouvrages de cette efpèce auffi agréablement écrits, & qu'on y retrouve par tout la clarté, l'élégance

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& la grace qui caractérisent les productions de cet Acteur, trop tôt enlevé aux Leures. Quelques exemples fuffiront pour le prouver, & pour donner en même temps une idée de la manière dont les mœurs & les caractères font peints dans ce petit Ouvrage.

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Anas-Eloujoud, entouré d'un magnifique cortége, traverfa la ville au milieu "des foldats rangés fur fon paffage, & » fe rendit dans la campagne. Il combattit " avec la lance & le javelot. Son adreffe " & fa force brillèrent dans ces divers. » exercices. Il défarma les plus braves guer"riers. A ces luttes fuccéda la courfe. Cent

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Ecuyers Perfans s'élancent de la barrière. La terre retentit fous les pieds de leurs chevaux ; ils vont avec la rapidité de l'éclair; un nuage de pouffière les enveloppe on les diroit portés fur les ailes de la tempête. Anas Eloujoud, penché fur les crins flottans de fon courier, le Hatte de la main, l'excite de la voix : " trois fois il devança les illuftres rivaux: » trois fois il parcourut le premier la carrière. Ayant remporté toutes les palmes; » le foir il rentra dans les murs de la capitale, précédé de Muficiens, & an"noncé par les fanfares des trompettes ; il s'avançoit fuivi des acclamations du peuple & du défefpoir de fes envieux. La Lune jalouse cacha fon globe argenté, No. 31. 1 Août 1789.

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