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suite de la plaidoirie devant le tribunal correctionnel de Tournay,il n'a été établi ni demandé aucune contestation de ces prétendues injures; que, pendant tout le cours de cette instance, Beaucour n'a formé aucune réclamation à ce sujet; qu'il résulte de son silence absolu, une renonciation à toutes actions pour raison de ce prétendu délit, si toutefois il a existé dans l'espèce, et que le tribunal de police du canton de Lessines ne pouvait donc point, en l'état, admettre la plainte de Beaucour; - Par ces motifs,

casse. >>

QUATRIÈME ESPÈCE.- Le sieur Labrouche, défendant à une demande en séparation de corps intentée par sa femme, fit plaider, par son avocat, que le sieur Guedet était l'instigateur et la cause unique de l'action intentée contre lui, et l'auteur de tous les troubles apportés dans le ménage. Le sieur Guedet crut avoir été injurié verbalement, cita Labrouche devant le tribunal de police de Bayonne, et le fit condamner à passer au greffe acte de désaveu.

Labrouche se pourvut en cassation, pour incompétence et excès de pouvoir, et, le 18 prairial an XII, la section criminelle, au rapport de M. Vermeil, cassa en ces termes : « LA COUR, considérant que le délit d'injures verbales, dont la connaissance est attribuée par l'art. 605 de la loi du 3 brumaire an IV, à la police municipale, consiste dans l'intention de nuire à l'honneur, à la réputation ou au crédit de la personne injuriée; que cette action est étrangère au cas où l'énonciation de faits prétendus injurieux entre dans le plan d'une défense légitime; qu'un mari attaqué par une demande en séparation d'habitation, fondée sur l'imputation de torts graves, a le droit d'employer, pour défense, les torts mêmes de son épouse envers lui, et les insinuations étrangères et intéressées de ceux qui l'ont porté à une pareille action; que les défenseurs

des parties doivent être, dans ce cas, les premiers juges de ce qu'il leur est permis de dire pour le soutien des prétentions qui leur sont confiées; que s'ils passent les bornes d'une défense légitime, c'est au tribunal devant lequel ils exercent leur ministère de les y faire rentrer; - Considérant que, dans l'espèce particulière, le défenseur de Labrouche, sur la demande en séparation d'habitation contre lui formée par sa femme, n'a pas souffert d'interruption de la part du tribunal ni de son président; d'où l'on pourrait induire que ce défenseur ne s'est point écarté d'une défense légitime; que si Guedet prétendait que le contraire fût arrivé, c'était, pendant la litispendance, devant le tribunal saisi de la contestation entre les époux, qu'il devait se pourvoir, et non devant le juge de police municipale, dont la juridiction est absolument étrangère à un pareil genre de contestation ; Casse.»

CINQUIÈME ESPÈCE.-Me Blin, avocat, plaidait une cause devant le tribunal de commerce de Caen. Il paraît qu'il adressa des propos injurieux au sieur Lecerf, défenseur officieux de l'adversaire. Le sieur Lecerf traduisit Me Blin devant le tribunal de police, pour le faire condamner à une réparation. Mais, par jugement du 10 germinal an XII, le tribunal de police déclara Lecerf non recevable dans son action, attendu que les injures verbales dont il se plaignait, ayant été proférées à l'audience du tribunal de commerce, ce tribunal avait pu seul connaître du délit.

Lecerf se pourvut en cassation; mais, le 18 messidor an XII, la section criminelle, au rapport de M. Rataud, rejeta le pourvoi en ces termes : « LA COUR, attendu qu'il s'agissait d'une prétendue injure, proférée par un défenseur, en plaidant devant le tribunal de commerce de la ville de Caen, et audience tenante; qu'en décidant que c'était au tribunal même, témoin du fait à en connaître,

soit d'office, soit sur la plainte de la personne injuriée, qui se trouvait présente, et que le fait n'avait pu donner lieu ultérieurement à une action devant le tribunal de police, le jugement attaqué ne présente point, dans cette disposition, de contravention à la loi; - Rejette ce moyen. >> SIXIÈME ESPÈCE. Le sieur Despériés s'était permis des injures grossières contre Me Dusserré, avocat chargé de la cause de son adversaire.

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Celui-ci ne s'en plaignit pas, ou du moins ne requit pas sur-le-champ la réparation de ces injures, ou la condamnation à des dommages-intérêts; mais le président enjoignit d'office, au sieur Despériés, de garder le silence. Quinze jours après l'audience, l'avocat Dusserré, contre lequel ces injures avaient été proférées, intenta, devant le tribunal de police du canton de Dax, une action pour injures verbales, et conclut à 20,000 francs de dommagesintérêts.

Par jugement du 20 février 1806, le tribunal de police décida, « que le sieur Despériés s'était réellement permis, le 10 janvier, de traiter le sieur Dusserré, avocat, de manant, pɔlisson, drôle, va-nu-pieds, sans qu'il fût démontré qu'aucun motif légitime dût le porter à de pareils excès et à de pareils outrages. >>

En conséquence, par ce même jugement, le sieur Despériés fut condamné en 10,000 francs de dommagesintérêts.

Ii s'est pourvu en cassation, pour excès de pouvoirs et fausse application de l'art. 456, § 6, du Code des délits et des peines, qui attribue aux tribunaux de simple police la connaissance des actions pour injures verbales, et un arrêt de la section criminelle, rendu le 16 avril 1806, au rapport de M. Delacoste, a prononcé, en ces termes, la cassation du jugement attaqué : — « «La Cour, vu le § 6 de l'art. 456 de la loi du 3 brumaire an iv; et at¬

tendu que du résultat de l'interlocutoire ordonné par la Cour, il demeure constant que les injures pour lesquelles Despériés a été poursuivi devant le tribunal de police du canton de Dax, avaient été proférées à l'audience, devant le tribunal civil en séance, et contre Dusserré, pendant la plaidoirie et dans l'exercice de ses fonctions d'avocat ; que ces injures tendaient à troubler l'ordre ; qu'en offensant Dusserré, elles étaient aussi une offense pour le tribunal devant lequel elles étaient prononcées; que la répression en appartenait donc à la police de l'audience, et que la plainte en devait être formée, à l'instant, par-devant le tribunal qui, en ayant été le témoin, était à même d'en apprécier la gravité, d'après les cir constances de leur cause et de leur caractère; que ce tribunal pouvait en arrêter le scandale, , par des injonctions con formes aux dispositions de l'art. 456 du Code des délits et des peines; qu'en cas de gravité de ces injures, il devait en dresser procès-verbal et renvoyer les parties devant les tribunaux compétents; Mais, considérant que le tribunal de l'arrondissement de Dax n'ayant rien statué à l'occasion de ces injures, il est présumé n'y avoir pas vu un délit; et que Dusserré n'ayant point réclamé devant lui, il est présumé, de droit, n'en avoir pas été offensé, et n'y avoir pas vu la base d'une action, ou, du moins, en avoir fait la remise à Despériés ; que, dès lors, il était non recevable à les reproduire devant un tribunal de police; que ce tribunal, en accueillant la plainte et en prononçant une condamnation, a fait revivre un délit éteint, et par là commis un excès de pouvoir; Casse.»

SEPTIÈME ESPÈCE.-Me Bellant, avocat, était en procès avec le sieur Rivière, relativement à un bail sous seingprivé. Dans la plaidoierie de la cause et dans les mémoires qu'il fit imprimer, Me Bellant se permit d'injurier, d'une manière assez grave, Me Frondière, que le sieur Rivière

avait chargé de sa défense. Celui-ei intervint dans la cause, pour demander la réparation des injures dirigées contre lui. Mais Me Bellant le soutint non recevable dans son intervention, et prétendit que sa demande avait dû être formée en première instance, et subir deux degrés de juridiction.

Le 25 mars 1807, arrêt de la Cour d'appel de Rouen, qu¡ prononce en ces termes sur cette question:- « LA COUR, considérant, en la forme, sur la demande personnelle de l'avocat de Rivière, d'une part, que Me Frondière a un intérêt majeur dans son intervention; qu'il y a de la connexité entre l'objet de sa demande et les conclusions des parties, sur le fait des injures; et que, s'il ne réclamait pas de son chef, son silence pourrait lui être dommageable, et l'obliger à revenir par tierce-opposition;-D'autre part, que l'avocat doit trouver sûreté et protection dans le tribunal où il exerce ses fonctions; que les injures qu'on lui adresse dans les causes qu'il défend, sont une atteinte à la considération du barreau et un acte d'irrévérence envers la magistrature; que, sous ce point de vue. elles constituent un délit prétorial, dont la répression, quant aux peines de haute police, appartient au tribunal devant lequel il a été -commis, et qu'on ne peut raisonnablement contester à l'offensé le droit naturel d'intervenir et d'en provoquer lui-même l'application, pour lui valoir de réparation civile; - Considérant, au fond, que le mémoire de Bellant, imprimé sur l'appel et par lui distribué dans la cause, commençant par ces mots : La cause de Me Bellant, et finissant par ceux-ci : Des preuves évidentes consignées au présent, contient, notamment aux pages 12 et 13, les imputations les plus outrageantes, des injures atroces manifestement dirigées contre Frondière, remplissant la fonction de défenseur de Rivière et de son épouse; Considérant que les injures sont taxatives, et ne peuvent se compenser contre les méprisables sarcasmes que les parties s'étaient

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