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depuis la publication du Code de procédure; mais elle était résolue dans un sens contraire, sous l'empire de la législation précédente, et peut-être la jurisprudence à laquelle cette législation servait de base était-elle plus conforme à la règle constitutive des deux degrés de juridiction. (Voy. deux arrêts, des 12 prairial an vi et 5 octobre 1808, qui seront rapportés au mot Évocation.)

Relativement à la quatrième question, il suffit d'observer que la qualification donnée à un jugement ne peut aujourd'hui enchaîner les juges, puisque le Code de procédure a lui-même eu le soin de déterminer les caractères distinctifs des diverses espèces de jugement: aussi est-il consacré en principe général que le jugement qui ordonne une simple mise en cause, peut être réputé interlocutoire, à raison de l'influence que cette mise en cause peut avoir sur la décision du fond du procès. (Voy. un arr. du 1er juin 1809, qui sera rapporté au mot Jugement.)

Enfin, la dernière question ne pouvait présenter devant la Cour suprême que l'appréciation d'un point de fait, duquel il était impossible de faire résulter un moyen de cassation. (COFF.)

PREMIÈRE ESPÈCE. Arrêt de la Cour d'appel de Colmar, en date du 11 ventose an XIII, par lequel la formalité du serment est exigée à peine de nullité: « LA COUR, considérant que le jugement dont appel ne fait aucune mention du serment que devait prêter Mo. homme

de loi, appelé pour compléter le nombre des juges; qu'ainsi, il faut tenir pour constant que cette formalité indispensable a été omise; il n'a donc pu valablement siéger et juger, et dès lors, les deux juges titulaires qui l'ont appelé sont réputés avoir jugé seuls: or, deux juges ne peuvent se constituer légalement en tribunal, puisque essentiellement les tribunaux de première instance doivent être composés de trois juges, et la décision de ces deux juges ne pouvait pas

même être qualifiée de jugement; il y a donc lieu d'ac cueillir l'appel de nullité ; - Annule, etc. »

DEUXIÈME ESPÈCE. Arrêt de la même Cour, en date du 21 avril 1813, qui juge de la même manière, avec cette différence cependant, que dans la cause, il s'agissait d'un avoué: « LA COUR, attendu qu'au prétendu jugement dont est appel ont assisté deux juges et M...., avoué, sans que celui-ci ait prêté le serment ad hoc; que, par le défaut de cette formalité, laquelle seule pouvait donner à cet avoué le caractère nécessaire pour suppléer un troisième juge manquant, le tribunal ne s'est point trouvé légalement composé, et, dès lors, n'a pu porter une décision judiciaire dans la cause; que c'est une erreur d'avoir soutenu, pour l'intimé, que les avocats et avoués licenciés, prêtant annuellement serment, pouvaient, sans le réitérer, suppléer les juges; mais le décret impérial du 14 décembre 1810, qui les appelle pour suppléer les juges, ne les dispense pas du serment spécial à ce nécessaire, d'autant moins qu'il n'y a identité ni de serment, ni de fonctions ; ainsi dans l'espèce, il n'existe pas de jugement; mais une demande non encore jugée; or, en accueillant, comme il y a lieu, l'appel de nullité, la Cour peut-elle évoquer le fond? Nul doute, d'après la disposition formelle de l'article 473 du Code de procédure civile, ainsi conçu :Lorsqu'il y aura appel d'un jugement interlocutoire, si le jugement est infirmé et que la matière soit disposée à recevoir une décision définitive, les Cours et autres tribunaux d'appel pourront statuer en même temps sur le fond définitivement par un seul et même jugement. Il en sera de même dans le cas où les Cours ou autres tribunaux d'appel infirmeraient, soit pour vices de forme, soit pour toute autre cause, des jugements définitifs. »---Attendu que cette dernière partie de la disposition n'admet aucune exception; qu'ainsi il y a lieu, évoquant, de vérifier le mé

«

rite de la demande originaire, et de statuer sur icelle par jugement nouveau; -Accueille l'appel de nullité, et évoquant, statuant au fond, etc. »

TROISIÈME ESPÈCE. Un procès s'était engagé devant le tribunal de première instance de Grenoble, entre le sieur Balmain et la dame Nitot, au sujet de la prétention de cette dernière au titre d'épouse légitime dudit sieur Balmain. A la suite de plusieurs plaidoiries sur le fond, un jugement, sous la date du 17 juin 1807, se borna à ordonner préparatoirement la mise en cause des deux enfants, Victoire et Virginie. Sans doute, dans la pensée du tribunal, la preuve de la filiation devait produire un résultat utile à la prétention de la dame Nitot; car, sans cela, la mise en cause des deux enfants eût été sans effet; aussi le sieur Balmain crut-il devoir interjeter appel. La dame Nitot se borna à soutenir l'appel non recevable, attendu que le jugement attaqué était préparatoire, ainsi qu'il avait été qualifié par le tribunal lui-même ; l'intimée ne défendit même pas à la demande en évocation du principal, formée par l'appelant, et ni l'une ni l'autre des parties ne prit des conclusions au fond.

C'est en cet état que la cause se présenta le 11 juillet 1809, devant la Cour de Grenoble. En réunissant les membres des deux chambres, dix juges seulement se trouvèrent présents, ce jour-là, à l'audience; de sorte que pour porter le nombre des juges à quatorze, la Cour crut devoir s'adjoindre quatre avocats. Voici les principaux motifs de l'arrêt par lequel elle prononça l'infirmation du jugement de première instance: « LA COUR, considérant que c'est sans fondement que Victoire Nitot a élevé la fin de non-recevoir qu'elle propose contre l'appel du sieur Balmain, quant au chef du jugement du 17 juin 1807, qui ordonne la mise en cause de Victoire et Virginie, ses énfants mineurs; d'une part, ce chef du jugement ne peut

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être regardé comme ayant trait seulement à l'instruction de la cause, puisque la présence de ces enfants est absolument inutile pour la décision des questions qui divisent le sieur Balmain et Victoire Nitot; d'autre part, l'adverbe préparatoirement, inséré dans ce jugement, ne peut lui attribuer le caractère d'un jugement simplement préparatoire, par la raison que, pour en connaître la nature, il faut plutôt considérer les vrais motifs qui l'ont dicté et le but vers lequel il est dirigé, que les termes impropres employés dans la rédaction...

.....

(La Cour examine ensuite les circonstances de l'affaire, desquelles il résulte, que la mise en cause ne peut être considérée que comme une disposition préjudicielle.)

« Considérant que l'art. 473, C. P. C., autorisant les Cours et autres tribunaux d'appel, en infirmant un jugement interlocutoire porté devant eux, à statuer en même temps sur le fond et principal par un seul et même jugement, il importe fort peu que Victoire Nitot se soit bornée. a faire plaider par-devant la Cour, sur la fin de non-recevoir dont elle opposait, et pour la confirmation des jugements dont le sieur Balmain avait appelé, sans vouloir entrer dans le mérite du fond de la cause, ni prendre des conclusions à cet égard, dès que, par la remise des pièces respectives des deux parties sur le bureau, que la Cour a ordonnée, et par la vérification exacte qu'elle en a faite, elle juge que la matière est prête de recevoir jugement, le silence affecté de l'une des parties ne peut lui empêcher d'user des droits que la loi lui accorde de prononcer, par un seul et même arrêt, sur toutes les branches d'une contestation qui, depuis trop long-temps, est l'objet d'un scandale public; --Sans s'arrêter à la fin de non-recevoir, évoquant, etc. >>>

La dame Nitot a proposé quatre moyens de cassation contre cet arrêt: le premier résultant de la violation de

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l'article 2 de la loi du 29 août 1792, de l'article 16 de la loi du 30 germinal an v, et de l'article 27 de la loi du 27 ventose an viii en ce que la Cour de Grenoble s'était adjoint, sans nécessité, plusieurs avocats, tandis qu'il y avait un nombre plus que suffisant de juges, pour qu'elle pût se constituer légalement; le deuxième tiré d'une violation de l'article 1er de la loi du 21 nivose an viii, en ce que les avocats qui avaient siégé comme juges n'avaient pas prêté serment en cette dernière qualité; le troisième, fondé sur une contravention aux articles 451 et 452 du Code de procédure civile, en ce que la Cour de Grenoble avait reçu l'appel d'un jugement préparatoire; le quatrième enfin résultant de la fausse application de l'article 473 du Code de procédure civile, en ce qu'il ne pouvait y avoir lieu à l'évocation du principal, lorsque les parties n'avaient pas même pris des conclusions au fond, devant la Cour d'appel.

Mais, le 8 décembre 1813, la Cour de cassation, section des requêtes, au rapport de M. Lefessier de Grandprey, rejeta le pourvoi en ces termes: « LA COUR,

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attendu que le procès soumis par appel à la Cour de Grenoble était de nature à être jugé en audience solennelle; que, pour tenir cette audience, deux sections ont dû se réunir; que, dans l'espèce, plusieurs magistrats s'étant abstenus, la Cour a eu le droit d'appeler des avocats pour remplacer les magistrats absents et se compléter; — Aitendu que ces avocats avaient prêté serment, et pouvaient concourir aux fonctions de juges, sans en prêter un nouveau; Attendu que la mise en cause des enfants de la réclamante, ordonnée par le jugement dont l'appel a été reçu, a pu, d'après les circonstances, être considérée comme une disposition préjudicielle; -Attendu que l'arrêt déclare que la remise des pièces des parties respectives a eu lieu, et que, par la vérification exacte qu'en a faite la TOME V.

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