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d'un conseil, pour l'aider dans sa défense, ou que le juge en désigne un sur-le-champ, à peine de nullité. C'est alors le moment où l'instruction vient de faire le premier pas, et où le prévenu a été interrogé par le président de la Cour d'assises ou par le juge qu'il a délégué. L'art. 363, dont la disposition s'applique au moment où le jury a fait sa déclaration sur la culpabilité de l'accusé, porte que ni lui ni son conseil ne pourront plus plaider que le fait est faux ce qui indique d'une manière formelle que l'accusé doit être encore assisté d'un conseil à cette époque de la procédure. Mais la disposition de l'art. 294, déjà cité, suffirait seule pour motiver une telle conséquence; car cet article exige que l'accusé soit assisté de son conseil pour sa défense, c'est-à-dire pour toutes les époques où il a à présenter des moyens justificatifs d'une nature quelconque. On ne peut trop admirer ici l'active sollicitude du législateur, qui a accordé une protection particulière au malheureux que le glaive de la justice menace. (COFF.)

Le jury de la Cour d'assises du département des BassesPyrénées avait déclaré Jean Bortayre coupable d'homicide volontaire suivi de vol; mais, par arrêt du 24 novembre 1811, la Cour, sans énoncer qu'il y eût conviction de la part des juges, que les jurés s'étaient trompés (l'art. 352 autorise le sursis dans ce cas ), renvoya l'affaire à la prochaine session. Cet arrêt fut cassé le 22 janvier 1813, et le prévenu renvoyé devant la Cour d'assises du département des Hautes-Pyrénées, pour y être statué sur la déclaration du jury. Il n'y eut donc plus de débats devant cette Cour: aussi, le président crut-il pouvoir se dispenser de nommer un conseil à l'accusé, et il le fit seulement assister d'un interprète, aux termes de l'art. 332, attendu qu'il ne parlait pas la langue française. L'accusé fit luimême ses observations sur la déclaration du jury, par le ministère de son interprète; et un arrêt du 15 mars 1813

prononça contre lui la peine de mort. Jean Bortayre s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, pour contraventions aux articles 294 et 363, C. I. C.; et le 22 avril 1813, la Cour de cassation, section criminelle, au rapport de M. Bailly, cassa en ces termes; LA COUR, vu les

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articles 294 et 364, C. I. C.; considérant que l'art. 294 ne limitant point aux débats l'assistance du conseil qu'il enjoint au juge de désigner à l'accusé qui n'en a point choisi, cette désignation, ordonnée pour la totalité de la défense, est également voulue pour l'exercice du droit qui appartient à l'accusé, de plaider sur l'application à faire de la loi à la déclaration du jury; que la généralité du principe, à cet égard, est confirmée par l'art. 363, puisqu'en défendant à l'accusé et à son conseil de plaider, désormais que le fait est faux, il l'autorise à plaider sur la qualification de ce fait, et sur l'application qui doit y être faite de la loi; Considérant que, néanmoins, la Cour d'assises du département des Hautes-Pyrénées a procédé sur la déclaration du jury, émise en la Cour d'assises du département des Basses-Pyrénées, au jugement de Jean Bortayre, et l'a condamné à la peine de mort, sans qu'il eût choisi et sans que le président de la Cour qui l'a ainsi jugé, lui eût désigné de conseil; Considérant qu'à la vérité Bortayre était assisté d'un interprète, mais qu'un interprète ne fait qu'un avec l'accusé; que, d'ailleurs, son ministère a un objet différent de celui d'un conseil, et que, par conséquent, sa présence ne peut aucunement suppléer le conseil que la loi donne à l'accusé; d'où il résulte que l'arrêt de condamnation de Bortayre, en date du 15 mars 1813, et dont il demande la cassation, est imprégné de la nullité prononcée par ledit art. 294, C. I. C.; - Casse.

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34. Les avocats à la Cour de cassation ne sont justi

ciables que de cette Cour, à raison des faits de leur charge.

55. Les avocats à la Cour de cassation, comme ceux des autres Cours et tribunaux, ne sont point passibles de dommages-intérêts pour avoir refusé leur ministère dans des causes qui ne leur paraissaient pas justes, lorsque, d'ailleurs, on ne peut leur reprocher une négligence ou un refus tardif, qui aient compromis les intérêts de leurs clients (1).

La veuve Dubourg, voulant se pourvoir en cassation. contre un arrêt de la Cour de Caen, envoya ses pièces, le 18 novembre 1811, à Me Chabroud, pour former le pourvoi et le soutenir devant la Cour, en lui déclarant qu'elle était hors d'état de consigner l'amende. Le 27, Me Chabroud lui envoya le modèle d'un certificat d'indigence, et la veuve Dubourg le lui adressa, le 8 décembre suivant. Le 11, Me Chabroud le lui renvoya, en lui faisant observer qu'il n'était pas en règle. Au lieu de ce certificat, elle lui transmit, le 21, l'argent nécessaire, en lui recommandant de former son pourvoi, dont le délai allait échoir le 28 du même mois. Mais le 26, Me Chabroud lui écrivit qu'il avait examiné ses moyens, et que, les trouvant dénués de fondement, il ne ferait pas le pourvoi.

La veuve Dubourg fit alors assigner Me Chabroud devant le tribunal de première instance de Paris, pour se voir condamner à lui payer 40,000 fr. de dommages-intérêts, pour le préjudice qu'elle prétendait avoir éprouvé par le défaut de pourvoi; Me Chabroud déclina la juridiction de ce tribunal, et attendu qu'il était assigné à raison de ses

aux

(1) Telle est l'opinion de MM. F. L., t. 1, p. 290, Vo Avocat a conseil, no 5; MERLIN, Rep., t. 15, p. 34 et suiv. - Le savant réquisitoire de M. Merlin est rapporté dans ce tome 15.

fonctions, demanda son renvoi devant la Cour de cassation. Son déclinatoire ayant été rejeté, il se pourvut en réglement de juges, et obtint, le 15 juillet 1812, un arrêt de la section des requêtes, par lequel: « LA COUR, attendu qu'en règle générale, les officiers ministériels ne peuvent être cités pour faits de leur charge, que devant les tribunaux près desquels ils exercent leurs fonctions, et que cette règle a été de nouveau mise en vigueur par les art. 2 et 3 de l'arrêté des consuls du 13 frimaire an ix; sans s'arrêter à la citation du 9 janvier 1812, ni au jugement du tribunal de première instance de la Seine, du 31 du même mois, renvoie la cause et les parties par-devant la chambre de discipline des avocats près la Cour, pour y être conciliés, si faire se peut, sinon être par ladite chambre donné son avis, et ensuite être par les parties requis, et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra.

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La conciliation ne fut pas possible, et la chambre émit son avis motivé, dans lequel elle établit; 1° que Me Chabroud était exempt de tout reproche de négligence, par le retard que la veuve Dubourg elle-même avait mis à régulariser sa demande en cassation ; 2° qu'il avait d'ailleurs été en droit de lui refuser son ministère, dès lors qu'il avait reconnu ou cru reconnaître le peu de fondement de cette demande; qu'enfin, les arrêts critiqués par la veuve Dubourg étaient au surplus à l'abri de toute censure et que ses pourvois ne présentaient aucune espérance de succès. En conséquence, la chambre déclara que l'action intentée contre Me Chabroud lui paraissait à la fois non recevable et mal fondée.

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Celui-ci demande l'homologation de cet avis, et les parties portèrent la cause devant la Cour de cassation, sections réunies, et, le 6 juillet, 1813, elle rendit l'arrêt suivant, au rapport de M. Boyer : « LA COUR, sur les conclusions conformes de M. Merlin, procureur-général, vu

les pièces et mémoires respectifs des parties, et les art. 1382 et 1383, C. C., et après en avoir délibéré dans la chambre du conseil ;

» Attendu que la loi, l'honneur et la religion du serment imposent à celui qui exerce la noble profession d'avocat, le devoir d'examiner avec une scrupuleuse attention les causes qui lui sont confiées, et de ne les soumettre aux tribunaux qu'autant qu'elles lui paraissent justes et fondées;

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Que cette obligation ne lie pas moins spécialement les avocats à la Cour de cassation, relativement aux pourvois pour lesquels on réclame leur ministère, que les avocats attachés aux autres Cours et tribunaux ;

» Attendu, néanmoins, que ce devoir imposé aux avocats, de ne prêter leur ministrère qu'aux causes dont la justice est manifeste à leur esprit, ne saurait devenir une excuse suffisante pour les affranchir de toute responsabilité, dans le cas où, par le fait d'une négligence volontaire, ou d'un refus tardif de leur part, les intérêts de leurs clients se trouveraient compromis, et où ceux-ci en éprouveraient quelque préjudice;

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» Mais attendu, dans l'espèce, qu'en combinant la date du 23 décembre 1811, jour où la veuve Dubourg, en fournissant à Me Chabroud les éléments préalables du pourvoi qu'elle voulait former, a mis cet avocat en mesure de faire un examen utile de ses moyens, avec celle du 26 du même mois, jour où il l'a informée du résultat de cet examen et de son refus de la défendre,il est facile de se convaincre que la conduite de ce dernier est à l'abri de tout reproche;

» Par ces motifs, la Cour homologue l'avis de la chambre des avocats, du 10 septembre 1812; déboute en conséquence la veuve Dubourg de la demande en dommages et

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