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que le sieur Fourniera constamment procédé conjointement avec la demoiselle Leblond, sa femme, et qu'il n'a prétendu, ni en première instance ni sur l'appel, que ce mode d'autorisation de la femme par son mari fût insuffisant; - Rejette. »

OBSERVATIONS.

Lorsque le mari et la femme paraissent ensemble devant la justice, deux cas peuvent se présenter:

1o Ils ont un intérêt semblable;

2o Ils ont un intérêt distinct.

Une autorisation expresse est-elle nécessaire à la femme, dans ces deux hypothèses, ou est-elle tacitement autorisée par la seule force des choses?

1o Lorsque le mari plaide conjointement avec sa femme pour la défense des mêmes intérêts, il doit être censé, par cela seul, l'autoriser à ester en jugement; l'autorisation est implicite, parce qu'en agissant de la même manière que s'il y avait autorisation expresse, le mari approuve la procédure qu'il suit et qu'il dirige; il ne peut le manifester d'une manière plus formelle. Telle est l'opinion de tous les auteurs. V. MM. MERL., Rép., v° Autorisation maritale, sect. 5, t. 1er, p. 497; HAUT., p. 488; BIRET, Traité des null., t. 1, p. 183; F.L., t. 1er, v° Autorisation, p. 253; CARR., t. 3, p. 212, tit. vII et p. 216, no 2914; et B.S.P., t. 2, p. 665 et 666.

Outre les arrêts rapportés ci-dessus, deux arrêts des 5 octobre 1810 et 2 janvier 1811, le 1er, t. 3, vo Appel p. 192, n° 88, et le 2eme, vo Jugement arbitral, ont aussi décidé la question dans le même sens.

2o Lorsque le mari plaide conjointement avec sa femme, et que celle-ci a un intérêt distinct, sa question souffre plus de difficultés ; mais il est aisé de voir que la solution dépend des circonstances; la présence du mari dans l'instance doit, il est vrai, tenir lieu à la femme d'autorisation; cepen

dant elle ne pourrait pas s'immiscer dans une procédure où figurerait son mari, et prétendre que, par cela seul que tous deux sont dans la même instance, elle est tacitement autorisée. Mais aussi rien n'empêche la femme qui comparaît avec son mari, de veiller, par exemple, à la conservation de ses droits, sans être obligée d'en demander l'autorisation.

Voy. MM. CARR., t. 3, p. 216, no 2914; B.S. P., t. 2, p. 666; et HAUT, p. 483 et 484; infrà, no 34, les arrêts dcs 25 août 1810, et 10 juillet 1811, et no 5 et celui du 29 germinal an XII.

Relativement à la question de savoir si, lorsque la femme est actionnée par son mari, elle a besoin d'autorisation, V., infrà, no 3g.

3. Le pourvoi en cassation d'une femme mariée, non autorisée, n'est pas irrévocablement nul et non recevable; il y a lieu seulement à surseoir jusqu'à ce qu'elle ait obtenu l'autorisation.

4. Lorsqu'avant le Code civil, une femme a esté en justice, sans être autorisée, sous l'empire d'une législation qui le lui permettait, et que, pendant le cours du procès, le Code civil a été promulgué, elle ne peut plus poursuivre, sans autorisation, le jugement de la contestation.

5. L'autorisation donnée par le juge à la femme non mariée doit être expresse, et ne peut s'induire de cela seul que le tribunal de première instance a entendu les plaidoiries, et statué sur le fond du procès. (1)

(1) Cette dernière question n'est jugée que par le dernier arrêt. Voy. suprà, no 2.

TOME V.

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Aux termes des art. 215, 218 et 221, C.C., la femme ne peut ester en jugement, sans l'autorisation de son mari, ou de justice; mais l'art. 225, dispose que la nullité fondée sur le défaut d'autorisation ne peut être opposée que par la femme, par le mari, ou par leurs héritiers; il en résulte que, dans un procès entre la femme et un tiers, celui-ci ne peut prétendre que les poursuites sont nulles, pour avoir été dirigées par la femme, sans autorisation préalable. La justice doit seulement, dans ce cas, ordonner un sursis, pour que la femme se fasse autoriser; car il serait évidemment injuste que celle-ci pût exciper, dans la suite, d'une nullité qui lui serait personnelle, et qui aurait été opposée en temps utile par l'autre partie. (Coff. ) PREMIÈRE ESPÈCE. Les 7 et 8 floréal an xi, et conséquemment après la publication du titre du mariage du Code civil, jugements en dernier ressort du tribunal civil de l'arrondissement de Marmande, ci-devant pays de droit écrit, qui prononcent des condamnations mobilières contre Anne Cézan, femme séparée de biens de François Castaing, mais non autorisée par lui ni par la justice à plaider. -La femme Castaing se pourvoit en cassation contre ces jugements. Elle ne dissimule pas qu'à l'époque où ont été introduites les causes sur lesquelles ils sont intervenus, elle n'avait pas besoin, pour plaider, d'être autorisée par son mari, ni par le juge, à son défaut; mais, ajoute-t-elle, mon état était changé au moment où ils ont été rendus. D'après les art. 215 et 218, C. C., qui venaient d'être publiés, l'une ou l'autre autorisation était devenue pour moi d'une indispensable nécessité, le tribunal de Marmande devait donc, avant de prononcer, ordonner que mon mari fût mis en cause; il ne l'a pas fait, il a donc violé ces articles.

Le 21 germinal an xii, après un délibéré en la chambre du conseil, la section des requêtes de la Cour de cassa

tion, préjugeant à l'avance que le succès de ce moyen n'est pas douteux, mais trouvant en même temps que la femme Castaing n'est pas autorisée par son mari à le proposer, rend un arrêt ainsi conçu : << La Cour, vu le art. 215 et 218, C. C., et attendu qu'il ne paraît pas qua Anne Cézan soit autorisée par son mari à ester en jugement à la Cour de cassation, ordonne, avant faire droit, qu'elle rapportera l'autorisation de son mari, ou, fus, celle du tribunal civil d'arrondissement de son domicile, pour, après le rapport de cette autorisation, être statué ce qu'il appartiendra.

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La femme Castaing ayant, en exécution de cet arrêt, rapporté une autorisation de son mari à l'effet de poursuivre sa demande en cassation, sa requête a été admise, et, en conséquence, arrêt contradictoire de la section civile, du 16 prairial an XIII, par lequel : — « LA COUR, vu l'article 215, C. C., et attendu qu'aux termes de cet article, la femme mariée, quoique séparée de biens et marchande publique, ne peut ester en jugement sans l'autorisation de son mari, et que, selon l'art. 225 du même Code, le défaut d'autorisation peut être opposé par la femme elle-même ; que, dans l'espèce, rien ne justifie que la demanderesse en cassation eût été autorisée par son mari, pour ester en jugement dans les instances sur lesquelles les jugements attaqués ont été rendus ; Casse et annule. »

DEUXIÈME ESPÈCE.-Jeanne-Françoise Caratier, épouse du sieur Thil, s'était pourvue, avant la publication des articles 215 et 218, C. C., en cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Toulouse, du 10 thermidor an x, et sa requête avait été admise avant la même époque. L'affaire portée à la section civile, on lui oppose le défaut d'autorisation de son mari. Par arrêt du 20 thermidor an XII :— « LA COUR, vu l'art. 215, C. C., ordonne que, dans un mois, Janne-Françoise Caratier justifiera de l'autorisation de

son mari; sinon qu'il sera fait droit ainsi qu'il appartiendra. »

:

TROISIÈME ESPÈCE. Le 7 prairial an xIII, arrêt de la Cour d'appel d'Agen - LA COUR, attendu que les lois qui intéressent l'ordre public doivent être exécutées dès le moment de leur promulgation, quoiqu'elles changent l'état de certains individus...; qu'ainsi la femme qui pouvait disposer de ses biens paraphernaux, et ester en jugement sans l'autorisation de son mari, a eu besoin d'y avoir recours d'abord après la publication du Code civil. »

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QUATRIÈME ESPÈCE. Même décision à la Cour d'appel de Turin, le 20 messidor de la même année. La dame Simondi intente en 1792, devant le juge d'Alba, en Piémont, pays de droit écrit, une action tendante à obliger son mari de lui fournir des aliments hors la maison conjugale. L'affaire reste en suspens jusqu'à la publication du titre du mariage du Code civil. La dame Simondi la reprend alors, mais son mari soutient qu'elle y est non recevable, parce qu'elle n'a obtenu, à cet effet, ni son autorisation, ni celle de la justice, sur son refus. Le 28 frimaire an XIII, jugement du tribunal de première instance d'Alba, qui rejette la fin de non-recevoir.

Sur l'appel, la dame Simondi fait tous ses efforts pour établir que ce serait faire rétroagir le Code civil, que de la soumettre à une règle qui n'existait pas à l'époque de son mariage; que, d'ailleurs, elle ne peut pas avoir besoin de l'autorisation de son mari pour agir contre lui-même, et qu'enfin, à tout prendre, le juge est censé l'avoir autorisée à défaut de son mari, par cela seul qu'il l'a admise à plaider sur sa demande. Mais le 20 messidor an XIII, la Cour d'appel de Turin rejeta ces moyens en ces termes : — « LA COUR, vu les art. 215 et 218, C. C.; attendu que, cette loi est conçue en des termes généraux, que, tenant à des formes de procédure, elle est singulièrement applicable aux re

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