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prononça le rejet le 23 ventose an x, par un arrêt ainsi motivé : :- « LA COUR, sur les conclusions conformes de M. Merlin, procureur-général, attendu que le demandeur n'a pas justifié devant les juges du tribunal de Neufchâteau, d'un registre tenu par son père, en sa qualité de ci-devant procureur, en la forme voulue par la loi et les réglements observés en France et dans le ressort du ci-devant parlement de Paris, auquel appartenait le ci-devant bailliage de la Marche, lois et réglements semblables en tout point aux dispositions de l'ordonnance de Lorraine, citées par le tribunal de Neufchâteau, dans son jugement; d'où il résulte qu'il a été justement déclaré non recevable dans sa demande, et que d'après cette fin de non-recevoir, il serait superflu d'examiner si on pouvait au fond lui opposer la prescription; — Rejette.

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Nota. Voy. le réquisitoire que M. Merlin a prononcé dans cette cause, Questions de droit, vo Avoué, t. 1, p. 752 ; et Voy. aussi Répertoire, vo Procureur ad lites, t. 10, p. 128.

7. La régie des douanes peut plaider sans l'assistance d'un avoué.

Cette question peut se reproduire aujourd'hui, puisque le Code de procédure n'a pas abrogé les diverses lois particulières, sur lesquelles sa solution est fondée; et puisque, d'ailleurs, il ne renferme lui même, à cet égard, aucune disposition. COFF.)

Le receveur des douanes de l'arrondissement de Turnhout poursuivait en personne, devant le tribunal de cet arrondissement, quelques particuliers prévenus de contraventions aux lois des 10 brumaire et 26 ventose an v.

Mais le tribunal prit une délibération, le 23 frimaire an x, dans laquelle il déclara, ne pouvoir admettre ce receveur à prendre des conclusions que par le ministère d'un avoué, conformément à l'art. 94 de la loi du 27 ventose an VIII.

Le ministère public fut chargé, par le grand-juge, de requérir le rapport de cette délibération : mais le tribunal lá maintint par une délibération nouvelle, sous la date du 3 pluviose de la même année.

M. Merlin, procureur général près la Cour de cassation, a lui-même alors requis, d'office, l'annulation de ces deux actes irréguliers et violateurs de la loi.

Il a établi, d'abord, que le tribunal de Turnhout avait excédé ses pouvoirs, en statuant par voie de disposition réglementaire, et surtout relativement à une matière sur laquelle la loi avait réglé elle-même la forme de procéder. Il a établi ensuite que, par la décision contenue dans ces deux délibérations, le tribunal de Turnhout avait violé la loi du 4 germinal an 2, et faussement appliqué la loi du 27 ventose an VIII.

<«< En effet (a dit ce magistrat), ni l'art. 49 de la loi du 27 ventose an VIII, ni aucune autre loi n'a abrogé l'art. 17 du tit. 6 de la loi du 4 germinal an 2, qui porte : En première instance, et sur l'appel, l'instruction sera verbale, sur simples mémoires, et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre.

« Or, comment la régie des douanes pourrait-elle être assujettie à l'obligation de se servir du ministère d'un avoué sans avoir le droit d'en répéter les frais contre les parties, à la charge desquelles elle obtiendrait condamnation. L'astreindre à l'une, et la priver de l'autre, serait, de la part de la loi, une contradiction manifeste; et prêter à la loi une pareille contradiction, comme l'a fait le tribunal de Turnhout, c'est insulter à sa sagesse, c'est violer son texte littéral. »

Le 1er germinal an x, arrêt de la section des requêtes, au rapport de M. Bailly, conforme aux conclusions du réquisitoire, et qui prononce,en ces termes, la cassation demandée : — « LA COUR, vu l'art. 12 du tit. 2 de la loi du 24

août 1790, l'art. 94 de la loi du 27 ventose an VIII, conçu en ces termes : Les avoués auront exclusivement le droit de postuler, et de prendre des conclusions, dans le tribunal pour lequel ils seront établis l'art. 17 du tit. 6 de la loi du 4 germinal an 2, spéciale pour les douanes ; Considérant que le tribunal civil de première instance de l'arrondissement de Turnhout a fait un réglement, et par conséquent, a commis un excès de pouvoirs, en prenant, le 23 frimaire an x, une délibération, par laquelle il a arrêté de ne pouvoir ad mettre les conclusions du receveur des douanes de l'arrondissement,dans les causes en matière de contravention aux lois des 10 brumaire et 26 ventose an v, QUE PAR LE Ministère d'un AVOUÈ; et que, par une autre délibération du 3 pluviose an y, il a commis le même excès de pouvoirs, en maintenant ce premier arrêté ; —considérant que ces deux arrêtés sont en opposition avec l'article ci-dessus cité, du titre 6 de la loi sur les douanes, en ce que l'instruction par avoués, est inconciliable avec une instruction sur simples mémoires et sans frais; considérant que l'art. 94 de la loi du 27 ventose an VIII, n'est nullement applicable, en matière de douanes, en ce que cette loi, faite, en général pour les matières civiles ordinaires, ne contient nulle dérogation à la loi spécialement décrétée pour les matières de douanes; Statuant sur le réquisitoire du procureur-général, annulle, pour excès et usurpation de pouvoirs, les deux arrêtés du tribunal civil de première instance de l'arrrondissement de Turnhout, ci-dessus énoncés, des 23 frimaire et 3 pluviose an x.»>

Nota. Il existe une circulaire du ministre de la justice, en date du 16 vendémiaire an x, qui décide que la loi du 27 ventose an VIII, sur le rétablissement de la procédure par avoués, n'a dérogé à aucune des lois rendues en matière de douanes.

Telle est aussi l'opinion de MM. MERLIN, Q. D., v°

Avoué, §. 5, t. 1er, p. 259; F. L., vo Ajournement, t. 1er, p. 137; et CARR., t. 1er, p. 203, n° 381. Cependant M. PONCET, Tr. des Jugements, t. 1er, p. 353, no 210, ne partage pas cet avis. Il pense que l'art. 1041, C. P. C., a aboli toutes ces formes spéciales de procéder, et que le Code de procédure est la seule règle à suivre ; mais ses raisonnements, qui sont les mêmes que ceux sur lesquels se fondaient les arrêts rapportés sous le numéro suivant, et qui ont été cassés, ne peuvent prévaloir sur une jurisprudence constante (1). M. Poncet le reconnaît bien lui-même; aussi ne discute-t-il la question que pour montrer les abus de cette jurisprudence, et dans l'espoir qu'elle éprouvera tôt ou tard de justes modifications, qui la mettront en harmonie avec le Code et la Charte constitutionnelle, qui repoussent toute procédure d'exception.

« Les formes établies en matière 'ordinaire, dit M. Poncet, n'ont d'autre but que de protéger la propriété contre l'arbitraire des jugements. Par quels motifs la propriété effective ou présumée serait-elle donc moins protégée par les formes, lorsqu'il s'agit de la défendre pour ou contre le fisc, que lorsqu'on la défend pour ou contre un particulier? Sur quoi se fonde cette dispense d'avoués, même pour la régie de l'enregistrement; sans avoués point de procédure, sans procédure, point de garantie pour la propriété. L'intérêt de l'état comme celui des citoyens semblerait devoir réclamer l'appui des formes, dans ces sortes. de discussions qui les compromettent autant l'un que l'autre. A la justice seule appartient de protéger les intérêts dufisc comme tous les autres intérêts; or, la justice humaine, dégagée de toutes formalités, est trop sujette à l'erreur pour que l'opinion publique ne puisse, sans calomnie, la confondre avec l'arbitraire. Ce n'est pas que les droits du tré

(1) Voy. J. A., t. 23, p. 250 et 372, t. 25, p. 72.

sor public ne doivent prévaloir, même sous le régime de la Charte, sur les droits des particuliers; car, dans toute société quelconque, l'intérêt privé doit céder à l'intérêt public; mais autre chose est le privilége des créances du fisc, autre chose est le privilége d'une procédure sans formes, qui ne convient qu'au pouvoir absolu. »

Voy. infrà, nos 8, 10, 56, 84, 85 et 87.

8. Les préfets ne sont pas obligés de constituer avoué, lorsqu'ils plaident au nom et dans l'intérêt du gou

vernement.

Plusieurs fois cette question s'est présentée à l'examen de la Cour suprême, et toujours elle a reçu la même solution. Il suffira de rapporter ici les deux espèces suivantes : PREMIÈRE ESPÈCE. Le préfet du département du Loiret était demandeur en passation d'un titre nouvel d'une rente due au gouvernement, comme subrogé aux droits de la fabrique de Beaune.

Le ministère public près le tribunal de l'arrondissement de Pithiviers, saisi de cette demande, présenta les moyens, et prit les conclusions, au nom de M. le préfet, dans l'intérêt du gouvernement.

Mais un jugement en dernier ressort, sous la date du 28 ventose an X, ordonna qu'il serait constitué un avoué en cause: - «< Attendu que la loi du 27 ventose an vIII, ayant rétabli les avoués, leur avait rendu les mêmes pouvoirs qu'avaient les procureurs, par l'ordonnance de 1667; — que le ministère public peut d'autant moins agir personnellement dans les affaires qui intéressent l'état, qu'il cumulerait en sa personne deux qualités, dans les affaires qui seraient dirigées contre des mineurs ou des interdits, ce qui impliquerait contradiction; - que l'arrêté du directoire exécutif du 10 thermidor an IV, et la loi du 17 frimaire an vi, qui ordonnent aux administrations aujourd'hui

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