Page images
PDF
EPUB

Des plaintes assez graves ayant été portées contre le sieur F*** avoué près la Cour d'appel de Limoges, il fut sommé de se présenter à la chambre; et, sur son refus de déférer à cette sommation, la Cour rendit, le 2 fructidor an XIII, en la chambre du conseil, sur la provocation du procureur général, un arrêt portant, que le sieur F*** serait cité par le syndic, pour se trouver en personne à la chambre de discipline, et y être réprimandé avec censure; et que, faute par lui d'obéir à la citation, il serait suspendu de ses fonctions d'avoué, depuis le jour fixé pour se présenter à la chambre, jusqu'au jour où il se présenterait en effet, pour subir la réprimande ordonnée,

Le sieur F*** a dénoncé cet arrêt à la Cour de cassation, comme ayant violé les lois qui défendent au ministère public d'agir, par voie d'action, en matière civile, et celles relatives à la publicité des audiences. Il a reproché en même temps à la cour d'appel de Limoges, un excès de pouvoir manifeste, en ce qu'elle avait prononcé contre lui. la peine d'une suspension indéfinie.

[ocr errors]

Mais, saus s'arrêter à ces moyens, un arrêt de la section des requêtes, rendu le 3 novembre 1806, au rapport de M. Pajon, sur les conclusions de M. Merlin, a prononcé, en ces termes, le rejet du pourvoi: « LA COUP, attendu, 1o que l'art. 2 du tit. 8 de la loi du 24 août 1790, en disant que les commissaires du roi (représentés aujourd'hui par les procureurs généraux), n'exerceront leur ministère que par voie de réquisition, n'est point applicable au cas où il s'agit de la police dcs audiences;

attendu, 2° que la disposition de l'art. 14 du même titre, relatif à la publicité des audiences, rapports, plaidoieries et jugements, n'est pas plus applicable au cas où il s'agit de la censure des officiers ministériels; - attendu, 30 l'arrêt du 2 fructidor an XII, que en ordonnant que demandeur sera suspendu de ses fonctions, jusqu'à ce qu'il

le

se soit présenté à la chambre des avoués, n'a non-seulement violé aucune loi, mais a accompli d'une manière convenable le vœu de l'arrêté du gouvernement, relatif aux chambres de discipline des avoués; Rejette, etc. »> Nota. Ces deux questions peuvent se reproduire aujourd'hui, puisque l'arrêté qui a établi parmi les avoués, des chambres de discipline, est encore en vigueur. Mais il croit possible que la seconde fût résolue différemment, parce que les art. 89, 90 et suivants du Code de procédure, semblent exiger qu'il soit statué, audience tenante, sur les délits qui portent atteinte au respect dû à la magistrature; parce que, d'ailleurs, l'article 87, qui permet la discussion à huis clos, lorsqu'elle serait de nature à occasioner du scandale ou des inconvénients graves, vent que le tribunal prenne une délibération à cet égard, et la communique au procureur-général près la Cour d'appel, et parce qu'enfin l'art. 116 exige que les jugements soient prononcés à l'audience, sans établir à cet égard aucune distinction: (COFF.)

Voy. le réquisitoire que M. MERLIN a prononcé dans cette cause, Rép., vo Chambre des avoués, t. 2, p. 162; et suprà, no 9.

17. Un tribunal peut statuer par forme de discipline, et sur la réquisition du ministère public, sur les injures proférées par un avoué, dans l'auditoire même du tribunal, contre un de ses membres, quoique celui-ci ne fût pas dans l'exercice de ses fonctions, ni revêtu du costume prescrit par la loi. (Art. 89, go et 91.)

la

Cette question importante peut se reproduire encore aujourd'hui; car le Code de procédure, aussi-bien que loi du 17 avril 1791, et celle du 3 brumaire an iv, semble TOME V.

17

restreindre la compétence des tribunaux à la répression des faits irrévérentiels qui troublent la police de l'audience, et aux injures ou voies de fait dirigées contre un juge dans l'exercice de ses fonctions. Il y a donc tout lieu de croire que, sous l'empire de ce Code, comme sous l'empire de la législation précédente, un tribunal serait compétent pour prononcer la peine de la suspension contre l'avoué qui oublierait le respect dû à la magistrature, dans chacun de ses membres. (COFF.)

Un procès-verbal sous la date du 25 fructidor an xiii, constate que le sieur Dulamon, juge au tribunal de première instance de Mont-de-Marsan, a été violemment outragé, dans l'auditoire même du tribunal, par Me Soubiran, avoué, au moment où les autres membres du tribunal délibéraient, dans la chambre du conseil, sur une affaire qui venait d'être plaidée. Le ministère public provoque, en conséquence, la suspension de cet avoué. Me Soubiran comparaît à la chambre du conseil; plusieurs témoins sont entendus, et le tribunal, jugeant par forme de discipline, suspend le sieur Soubiran pendant trois mois de l'exercice de ses fonctions d'avoué. Il interjette appel; et le même jour, il se présente en robe à l'audience du tribunal, sous le prétexte que n'ayant été suspendu que comme avoué, il a le droit de porter la robe comme avocat. Aussitôt, jugement qui déclare qu'il a été suspendu en sa double qualité, et lui enjoint, en conséquence, de ne pas se présenter en costume. Devant la Cour d'appel de Pau, l'avoué Soubiran attaque à la fois les deux jugements; mais, sans entrer dans l'examen des moyens du fond, la Cour annule les deux jugements comme incompétemment rendus par le tribunal de Mont-de-Marsan; voici les motifs de son arrêt, sous la date du 6 février 1806: «— -LA COUR, considérant, dans le fait, que l'action dont s'est plaint le sieur Dulamon, et qui a excité le zèle du ministère

public près le tribunal civil de Mont-de-Marsan, a eu lieu le 25 fructidor an XIII, dans l'endroit où le tribunal tient ses audiences, tandis que les juges délibéraient à la salle du conseil, sur une cause qui intéressait l'épouse du sieur Dulamon; par conséquent, hors la présence des juges; que le sieur Dulamon, qui n'était pas revêtu de son costume, était confondu dans la foule des plaideurs; que, par conséquent, l'injure et les outrages dont il s'est plaint ne lui ont pas été faits étant en exercice de ses fonctions; que ce n'est que plus de deux mois après qu'a été rendu le premier jugement qui a suspendu M. Soubiran, comme avoué; - Dans le droit, que les lois distinguent les injures faites à des fonctionnaires publics, en exercice de leurs fonctions, de celles qui leur sont faites hors de l'exercice de leurs fonctions ; que, dans le premier cas, elles indiquent le mode d'après lequel les tribunaux doivent procéder, et le délai dans lequel ils doivent le faire; que l'art. 4 de la loi du 17 avril 1791, et l'art. 557 du Code des délits et des peines, contiennent des dispositions à cet égard; que, dans le second cas, au contraire, la connaissance en est dévolue aux tribunaux qu'elles indiquent, d'après la nature de l'injure; que s'il s'agit de simples injures verbales, elles doivent être jugées par les tribunaux de simple police; que c'est ce que l'on recueille de l'art. 11 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790; que les injures plus graves et voies de fait, sont de la compétence des tribunaux correctionnels; qu'étant bien constant que les injures et voies de fait dont le sieur Dulamon s'est plaint, quand elles seraient prouvées, 'n'ont pas eu lieu lorsqu'il était en exercice de ses fonctions; que la connaissance en était, par conséquent, dévolue, ou au tribunal de simple police, ou au tribunal correctionnel; mais que, sous aucun rapport, le tribunal de Mont-de-Marsan n'a pu en connaître comme tribunal civil; qu'on ne peut pas non plus envisager les deux

jugements, comme étant de discipline, puisqu'il aurait fallu qu'il eût été causé quelque trouble à l'audience, ou qu'il eût été fait des outrages aux juges en exercice de leurs fouctions, et qu'il n'y a pas de plainte à cet égard; qu'étant décidé que le tribunal de Mont-de-Marsan n'était pas compétent, comme tribunal civil, l'examen des qust ions. au fond, devient inutile ;-En conséquence, annule lesdits jugements, etc. >>

[ocr errors]

M. Merlin, procureur-général à la Cour de cassation, a requis d'office la cassation de cet arrêt (1); et, le 15 décembre 1806, elle a été prononcée en ces termes : « LA COUR, attendu que les tribunaux sont essentiellement compétents pour statuer sur la police dele ur auditoire, et sur la discipline intérieure à l'égard des officiers assermentés auprès d'eux; que les faits reprochés à Soubiran, avoué près le tribunal civil de Mont-de-Marsan, constituaient un acte irrévérentiel, commis dans l'auditoire public, de la part d'un des officiers astreints par un serment spécial au respect envers le tribunal et chacun de ses magistrats; Attendu que, sur la dénonciation de ces faits, provoquée par le chef de la magistrature, et faite au tribunal civil de Mont-de-Marsan, par le réquisitoire du ministère public, ce tribunal a dû statuer par forme de discipline; que sa compétence ne pouvait être contestée, et était indépendante des règles relatives à l'exercice des actions publiques ou privées, pour la répression des délits correctionnels et de police simple; Attendu que l'arrêt de la Cour d'appel de Pau, du 6 février 1806, renferme un excès de pouvoirs, en ce qu'il a créé une nullité et violé les règles de la compétence, en refusant de reconnaître celle d'un tribunal civil, pour des actes de discipline inté

(1) Voy. le réquisitoire de M. MERLIN, Rép., t. 3, vo Discipline, p. 709, n. 5.

« PreviousContinue »