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dispositions différentes à l'égard de l'autorisation dont la femme a besoin pour se pourvoir en séparation de biens ou de corps, contre son mari, mais que c'est évidemment une dérogation à la vègle générale.

12. Le mari est responsable des dépens encourus par

sa femme, dans une instance relative à ses biens dotaux, lors même qu'il a refusé de l'autoriser, s'ii ne s'est pas résenté devant le tribunal, pour déduire les motifs de son refus; il est alors censé avoir adhéré à l'autorisation donnée par la justice.

Ainsi jugé par la Cour d'appel de Besançon, le 28 avril 1806, en ces termes : — « La Cour, considérant qu'il n'est pas suffisamment justifié que Pelletier ait autorisé sa femme à plaider, mais que, dans le cas même où il aurait refusé son autorisation, il serait encore comptable des dépens dont il s'agit ici, parce qu'il n'aurait pas dû se borner à ne pas l'autoriser, mais qu'il devait faire connaître les motifs de son refus au tribunal près duquel sa femme réclamait; que ne l'ayant pas fait, il a, par ce silence affecté, adhéré à l'autorisation d'office sollicitée; d'où il résulte qu'il a quasi-contracté avec le sieur Dauphin, d'une manière aussi formelle que s'il avait purement et simplement autorisé sa femme à plaider;- Confirme, etc.»

OBSERVATIONS.

M. MERLIN, dans son tome 16, rapporte cet arrêt, et émet une opinion entièrement opposée. Il pense qu'il est contraire au texte des articles 218 et 219, en ce que le mari n'a pas dû être cité pour rendre compte des motifs de son refus, et à l'art. 1426. « Cet article, dit-il, »ne distingue pas, entre les cas où l'autorisation judi» ciaire qui a été accordée à la femme, l'a été contradic»toirement avec le mari, et le cas où elle l'a été sans qu'il >> eût comparu.

» Pour soutenir le contraire, ajoute M. Merlin, il fau>> drait pouvoir dire que, lorsque le mari ne comparaît pas, » le juge peut ordonner qu'il sera tenu d'autoriser sa >>femme; faute de quoi, il n'en demeurera pas moins res»ponsable des condamnations qui interviendraient contre » elle; or, l'art. 861, C. P. C., prouve nettement que >> tout ce que le juge peut faire, faute par le mari de se présenter, c'est de statuer sur la demande de la femme, c'est » à-dire d'accorder ou de refuser sa propre autorisation. >>

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Il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'adopter l'avis de la Cour de Besançon, quand on a lu d'aussi puissants raisonnements.

V. suprà, n° 1.

13. On ne peut regarder comme valablement autorisée à ester en jugement, une femme qui plaide comme procuratrice de son mari, sans représenter sa procuration. (1)

La femme Desson plaide contre le sieur Pallier, en alléguant une procuration de son mari, dont on ne luidemande ni ne lui ordonne la représentation. Elle succombe, et se pourvoit en cassation, pour violation des art. 215 et 218, C. C.

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Le sieur Pallier oppose au pourvoi que la dame Desson n'est pas recevable à nier l'existence d'une procuration dont elle s'est dite munie, tant en première instance qu'en cause d'appel. — La dame Desson réplique qu'il est indifférent qu'elle ait ou non allégué avoir une procuration de son mari; que celui-ci a du paraître lui-même en nom devant les juges, et n'a pu confier à personne le droit de le représenter; que tel est le résultat de la maxime, que nul en France ne plaide par procureur; qu'au reste, la pré

(1) Voy. MM. MERLIN, t. 1, p. 497 et 511, et t. 16, vo Autorisation maritale, p. 94 et 95; et HAUT., p. 482 et 484.

tendue procuration dont il s'agit, n'ayant point été représentée, les juges n'ont pu y avoir égard.

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Par arrêt du 16 juillet 1806, au rapport de M. Ruperou, la Cour de cassation a prononcé, en ces termes, la cassation demandée: — « LA COUR, vu les art. 215 et 218, C. C., et l'art. 3 du tit. 8 de la loi du 4 août 1790; attendu, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions, 1o que la femme ne peut ester en jugement, sans l'autorisation de son mari ou sans celle du juge, sur le refus du mari; 2o que le ministère public doit être entendu dans toutes les causes qui intéressent les femmes mariées; Attendu, en deuxième lieu, que la dame Desson n'a été autorisée ni en première instance, ni sur l'appel; que si, en cause d'appel seulement, elle s'est déclarée procuratrice de son mari, sans avoir exhibé cette prétendue procuration, une semblable allégation dont la vérité n'est pas même justifiée, n'a pu équivaloir à l'autorisation expressément exigée par la loi; - Attendu enfin, que bien qu'il s'agît évidemment de droits personnels à la dame Desson, il n'est pas établi dans le jugement attaqué que le ministère public ait été entendu, parce que la simple énonciation de sa présence ne saurait être la preuve qu'il eût réellement donné ses conclusions; Casse.

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14. Celui qui assigne une femme mariée peut-il, d'après les circonstances, faire substituer l'autorisation judiciaire à l'autorisation maritale, en justifiant de

l'absence momentanée du mari?

15. Lorsqu'une femme est actionnée devant un tribunal de commerce, l'autorisation d'ester en justice peut lui étre accordée par ce tribunal. (1)

(1) La première question est seule décidée par les deux arrêts.

La solution négative qu'a donnée à la première question la Cour de Colmar, paraît contrarier formellement la disposition de l'art. 222, C. C., ainsi conçu : « Si le mari est interdit ou absent, le juge peut, en connaissance de cause, autoriser la femme, soit pour ester en jugement, soit pour contracter.»>

Dira-t-on que le mot absent, dans le sens de cet article, ne convient qu'à l'individu dont l'absence est déclarée en justice, conformément aux art. 115 et suiv. du même Code? Ce serait restreindre à un bien petit nombre de cas la faculté accordée aux juges d'autoriser la femme mariée, ce serait compromettre surtout les intérêts de celle-ci, que de la réduire à l'impossibilité d'agir pendant l'absence plus ou moins longue de son mari.

Il me semble donc qu'il faut donner au mot absent, dans l'article cité, sa signification ordinaire, et l'appliquer à celui qui a quitté son domicile pour uu temps indéfini ou pour un temps assez considérable.

D'après cette interprétation, qui me paraît en harmonie avec l'ensemble de la loi, pourquoi exigerait-on que celui qui actionne une femme en justice, actionne aussi son mari pour l'autoriser, dès lors qu'il apporte une preuve légale et irrécusable de l'absence de ce dernier.

L'art. 222 ne dit pas de quelle manière l'absence du mari doit être prouvée; il suffit, dès lors, que ce fait soit constant pour les juges, et c'est exiger un circuit inutile, que d'obliger le demandeur à assigner le mari, quand on a la certitude qu'il ne se présentera pas.

A cet égard, il en est de l'absent comme de l'interdit. et de celui qui est condamné à une peine afflictive ou infamante. Pour que l'autorisation de la justice ait lieu, il suffit qu'elle ait la connaissance légale de la cause qui empêche le mari de se présenter ou de donner son consen

tement.

Ces considérations me paraissent assez puissantes contre l'opinion manifestée par la Cour d'appel de Colmar.(CoFF.) PREMIÈRE ESPÈCE. La Cour d'appel d'Agen a décidé, le 31 juillet 1806, dans la cause de la dame Vialette contre la dame Faulte, que l'art. 222, C. C., d'après lequel, si le mari est interdit ou absent, le juge peut, en connaissance de cause, autoriser la femme à plaider ou à contracter, s'applique non-seulement au cas où l'absence du mari est déclarée, mais encore, toutes les fois que le mari ne se trouve pas actuellement dans le lieu de la résidence de la femme.

DEUXIÈME ESPÈCE.

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Le sieur Levy actionne la dame Richard devant le tribunal de commerce de Mulhansen; elle oppose au demandeur la nullité de son action, prétendant qu'elle eût dû être également dirigée contre son mari pour l'autoriser.

Mais le sieur Levy produit devant le tribunal un certificat du maire de Neuf-Brisack, constatant l'absence du sieur Richard; sur le vu de cette pièce, le tribunal autorise d'office la demanderesse à ester en jugement, et prononce contre elle la condamnation demandée.

La dame Richard se pourvoit en appel, pour incompétence et nullité; elle soutient, 1o que les tribunaux de commerce sont incompétents pour autoriser une femme mariée à ester en justice; 2o que, dans l'espèce, elle eût dû être actionnée avec son mari, et que l'autorisation judiciaire ne pouvait avoir lieu que lors du refus de celui-ci, ́ou à défaut par lui de se présenter.

Le 31 juillet 1810, arrêt de la Cour d'appel de Colmar, par lequel : — « LA COUR, vu les art. 215, 218 et 225, C. C.; attendu que si le sieur Richard, quoique pour lors momentanément absent, avait été assigné conjointement avec sa femme, soit en son domicile à Neuf-Brisack, soit à personne, le premier, pour autoriser cette dernière

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