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derniers pour leurs clients, surtout à une époque où les avoués ont perdu eux-mêmes tout recours contre ces clients.

Cette question singulière vient de se présenter devant la Cour de Paris, et sa solution me paraît également motivée en droit et en équité. (COFF.)

Dans l'intervalle du 14 janvier 1793 au 8 prairial an 11, Mc Delamarre, ancien avoué, avait chargé Me Dufouleur. notaire à Paris, de la rédaction de plusieurs actes, dans l'intérêt de ses clients.

Après la mort de ce notaire, Me Deloche succéda d'abord à son titre, et ensuite aux recouvrements attachés à son étude.

Par exploit du 10 avril 1812, il assigna Me Delamarre devant le tribunal civil de la Seine, en paiement de la somme de 2,314 fr. 75 cent., à laquelle s'élevait le mémoire des déboursés et honoraires dus à son prédécesseur, à raison des actes dont ledit Me Delamarre l'avait chargé antérieurement au 8 prairial an II.

Le jugement rendu sur cette demande, le 15 juin 1812, indique assez les exceptions et moyens de défense employés dans l'intérêt de Me. Delamarre.

D

Considérant

que les notaires ont une action directe contre les personnes pour lesquelles ils stipulent des actes, en paiement des avances et émoluments; qu'à l'égard des défenseurs, avoués et autres mandataires, ils n'ont, dans la rigueur, aucune action contre eux, parce que le mandataire n'oblige que son mandant, à moins de convention expresse; que s'il était possible d'admettre une exception à la règle générale à l'égard des avoués, il faudrait au moins que la répétition fût exercée contre eux dans un temps encore utile, par l'exercice de leur action contre leurs clients; que ce ne peut être que long-temps après qu'elle leur est in

terdite, qu'on peut les soutenir passibles des déboursés qu'ils ne peuvent recouvrer; considérant que dans le cas particulier, les actes dont le paiement est demandé sont étrangers au défendeur; qu'il n'est justifié d'aucun engagement personnel; qu'il s'est écoulé depuis la passation de ces actes dix-huit ans ; que le défendeur n'a plus d'action contre ses clients pour ses propres frais, avances et déboursés ; que le long silence du notaire ou de ses représentants l'aurait privé de ses recours et garantie, si on pouvait le considérer comme obligé accessoirement avec ses clients; qu'en pareil cas, le défendeur ne peut être tenu de compter au notaire que des sommes qu'il aurait recouvrées pour les actes relatifs à son étude, en se référant aux voies et déclarations du défendeur...; par ces motifs, le tribunal renvoie les parties à compter, en l'étude de l'avoué le plus ancien, des sommes que le défendeur peut avoir reçues pour les actes dont il s'agit, et autres dont il s'avoue débiteur; ensemble des imputations qu'il propose, pour être ensuite prononcé définitivement ce qu'il appartiendra, dépens réservés.

Appel de la part du sieur Deloche, mais il en fut débouté par arrêt de la Cour de Paris, du 21 janvier 1813, ainsi conçu: « LA COUR..., faisant droit sur l'appel interjeté par Deloche, du jugement rendu au tribunal civil de la Seine, le 16 juillet dernier, et adoptant les motifs des premiers juges, met l'appellation au néant, ordonne que ce d'ont est appel sortira son plein et entier effet ».

60. Les avoués ne peuvent réclamer de leurs clients, sous titre de vacations extraordinaires, des sommes qu'ils n'ont pas dépensées pour eux, ou qui ne sont pas allouées par le Tarif, à titre de droit ou d'émolument. (Décret du 16 février 1807, art. 67 et 151).

La prohibition du décret du 16 février 1807, est for

melle à cet égard, et c'est en se renfermant religieusement dans les termes de ce décret, que MM. les avoués peuvent se mettre à l'abri des plaintes dirigées contre eux, plaintes que la mauvaise humeur d'un client provoque sans doute d'ordinaire, mais qui sont une véritable calamité pour le corps entier, lorsqu'elles se trouvent fondées. (COFF.)

Me Bedard avait occupé pour les sieur et dame Selves, dans différents procès que ceux-ci avaient intenté et soutenu devant la Cour de Paris, pendant plusieurs années.

N'ayant pu obtenir le remboursement de ses frais à l'amiable, cet avoué cita ses clients devant la Cour, pour les faire condamner au paiement du montant de ses frais et

avances.

Dans le mémoire de cet avoué se trouvait un article ainsi conçu: « Pour vacations, peines, soins et démarches extraordinaires, incalculables, pendant environ dix ans, dans tous les procès soutenus devant tous les tribunaux civils et criminels et en Cour de cassation, rédaction de divers mémoires instructifs, correspondance et conférences sans nombre avec M. Selves et ses avocats.... 6000 fr. »

Les sieur et dame Selves contestèrent fortement cet article du mémoire, et en demandèrent le rejet.

Mais la Cour se borna à le réduire à la somme de 600 francs: << Attendu que les vacations extraordinaires, demandées par l'article 1182 du mémoire général, étaient dues à Me Boudard, et reconnues par Selves luimême, qui avait dit qu'à cet égard cet avoué devait s'en rapporter à son équité. »

Pourvoi en cassation, pour violation de l'art. 12, tit. 31 de l'ordonnance de 1667 et des articles 67 et 151 du décret du 16 février 1807.

C'est

en vain que

devant la Cour, on a cherché à éta

blir dans l'intérêt du défendeur, qu'avant et depuis le décret du 16 février, il avait été toujours d'usage d'accorder aux avoués une somme quelconque à titre de vacations extraordinaires, pour les indemniser de soins, de peines et de menus frais, dont il est impossible de tenir note dans le cours d'une longue instruction, pour en présenter un état détaillé.

Un usage contraire à la lettre et à l'esprit de la loi, quelque général qu'on veuille le supposer, ne pouvait l'emporter sur la loi elle-même, devant la Cour chargée de la maintenir dans sa pureté. Le 25 janvier 1813, la Cour de cassation, section civile, par arrêt, au rapport de M. Zangiacomi, prononça en ces termes la cassation demandée. « LA COUR......, vu l'ordonnance de 1667, tit. 31, art. 12, et le décret du 16 février 1807, art. 67 et 151, attendu qu'il résulte des lois ci-dessus, que les avoués ne peuvent demander à leurs clients, 1° que le remboursement de leurs avances ou leurs déboursés ; 3° que les droits qui leur sont expressément attribués par le Tarif;-Attendu que la demande de Boudard, telle qu'elle est énoncée dans l'art. 1182 de son mémoire, ne peut être considérée comme la répétition d'avances par lui faites, puisque, outre qu'il n'en donne pas un état détaillé, il ne parle même pas de sommes qu'il ait déboursées; que cette demande ne peut pas non plus être considérée comme la répétition d'un droit légitimement dû, puisqu'aucun Tarif, ancien ou nouveau, n'alloue de droits sous la dénomination de vacations extraordinaires, d'indemnité de peines, soins, démarches, etc.; qu'ainsi, ce qui a été demandé et adjugé à ce titre n'est, dans la réalité, qu'une gratification ou supplément de taxe, rigoureusement interdit par les lois ci-dessus; que cette disposition ne peut être justifiée sous le prétexte que ces vacations exraordinaires sont autorisées par l'usage, puisque cet usage, s'il existe, TOME V.

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est contraire à la loi, et par conséquent un abus à supprimer; enfin, que l'arrêt ne constate pas, d'une manière précise, que Selves ait pris l'engagement de payer à Boudard les vacations dont il s'agit; que, par conséquent, cet arrêt ne peut pas davantage être justifié sous le prétexte qu'il ne renferme qu'une décision de fait; Casse, etc. »

OBSERVATIONS.

M. B. S. P., t. 1, p. 161, note to, n. 4, dit que cette décision lui paraît susceptible de difficulté, et que l'avoué, quant aux peines extraordinaires que lui ont données les procès du client, doit être regardé comme son agent salarié; mais il faut distinguer, selon nous, sices peines extraordinaires ont eu pour cause le procès que l'avoué était chargé de soutenir, ou divers mandats particuliers, étrangers à la profession d'avoué. Cette distinction qu'a faite la Cour de cassation (v. infrà, n. 88) est pleine de justesse, et résulte des termes mêmes de la loi (art. 67 et 151 du Tarif). Dans le premier cas, en effet, ces articles disposent qu'on ne doit allouer, en outre de ce qu'ils accordent, aucun honoraire pour aucun acte, et sous aucun prétexte, à peine de restitution et de dommages-intérêts; dans le second cas, la raison de décider est bien différente; il est évident qu'on ne doit pas appliquer à un avoué qui n'agit pas en cette qualité, les principes qui ont été établis pour régler l'exercice de cette profession; aussi le Tarif ne s'est-il pas occupé des émoluments demandés pour l'accomplissement des mandats, lorsque ces mandats n'ont nécessité de la part des avoués, aucun acte de leur ministère; mais quant aux affaires portées devant les tribunaux, il a tout prévu, et du tout prévoir.

Cependant nous devons faire observer que, dans le cas où les avoués ont une action à exercer contre leurs clients

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