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dirige, pourrait, s'il lui était permis de se rendre adjudicataire pour son propre compte, abuser de son mandat encore plus facilement que le simple mandataire ad nego

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tia; Attendu que l'application de l'art. 1596, C. C., aux avoués, n'implique nullement contradiction avec l'art. 709, C. P. C., concernant les enchères, parce que autre chose est d'être chargé d'enchérir ou d'être chargé de vendre qu'en vain on argumente de la possibilité que l'avoué auquel est confiée la poursuite de la vente, soit en même temps chargé d'enchérir pour un tiers, parce que, comme la loi défère indirectement ce qu'elle prohibe directement, il est manifeste qu'en ce cas si l'avoué devenait adjudicataire au nom de ce tiers, faute d'avoir fourni son acceptation dans les trois jours dudit article, cette adjudication retomberait dans la nullité de l'article précité du Code civil; Attendu que la seule conséquence à tirer de l'art. 713, C. P. C., est que les avoués n'étant point compris dans l'exclusion établie pour les personnes y dénommées, ils peuvent se rendre adjudicataires pour eux, tant qu'ils ne sont pas chargés de la poursuite de la vente pour le compte d'autrui; qu'ainsi le principe de l'art. 1596, C. C., reste dans toute sa force contre les avoués, et s'applique spécialement à Viez, qui, en sa qualité d'avoué des mineurs Thierry, était chargé de leurs intérêts dans la poursuite de la vente de leur maison de Saint-Germain-en-Laye, et de tous les actes préparatoires à l'adjudication publique qui en a été faite à son profit; -Statuant sur le pourvoi de la Cour de cassation, déclare l'adjudication du 9 messidor an XII, nulle et de nul effet, et renvoie les intimés en propriété, possession et jouissance de la maison dont il s'agit. >>

Deuxième espècE.-Dans l'espèce précédente, il s'agissait d'une vente de biens de mineurs, qu'un tuteur dûment autorisé poursuivait par le ministère d'un avoué; dans l'es

pèce actuelle, au contraire, ainsi que dans celle qui suit, il s'agit d'une vente par expropriation forcée, provoquée par un créancier du saisi; aussi la question a-t-elle reçu une solution différente par les motifs qui vont être développés dans les arrêts.

Me Bey, avoué, chargé de poursuivre la saisie immobilière d'un domaine appartenant aux sieur et dame Pate s'en rendit lui-même adjudicataire. On demanda la nullité de l'adjudication, mais elle fut validée par le tribunal de Dôle; et, sur l'appel, la Cour royale de Besançon, par arrêt du 11 août 1814, confirma le jugement. — Cette Cour « considéra que tous ceux à qui la loi ne l'interdit pas, peuvent acheter ou vendre; qu'à la vérité l'art. 1596, C. C., interdit la faculté d'acheter à plusieurs personnes, notamment aux mandataires, pour les biens qu'ils sont chargés de vendre; mais que cet article n'est pas applicable ici, l'avoué n'ayant été que le mandataire du poursuivant, qui aurait pu se rendre adjudicataire lui-même, et qui, conséquemment, n'était pas vendeur, mais seulement impétrant pour que les saisis fussent obligés de vendre forcément et par autorité de justice; que l'arrêt de la Cour de cassation dont se prévalent les mariés Poty, n'est pas plus applicable au cas qui se présente aujourd'hui, puisque, dans l'espèce de cet arrêt, il s'agissait d'une vente de biens de mineurs, et l'avoué qui s'était rendu adjudicataire étant le mandataire du tuteur qui faisait la vente, se trouvait par là même dans la classe des mandataires auxquels la loi interdit la faculté de se porter adjudicataires; que les inconvénients énoncés dans les motifs de cet arrêt, ne peuvent avoir lieu non plus en matière de saisie immobilière, où le saisi et le créancier sont intéressés à vérifier le cahier des charges, et à empêcher que l'avoué n'y glisse des clauses qui pourraient écarter les enchérisseurs ou déterminer l'adjudication à vi! prix; qu'ainsi, l'avoué Bey ne se trou

vant pas dans l'exception portée par la loi; et d'après les art. 709 et 713, C. P. C., les avoués en général pouvant être déclarés adjudicataires, l'adjudication est valable et ne peut être annulée sur le prétexte de la qualité de l'adjudicataire. >>

Pourvoi en cassation. Les défendeurs ont fait défaut, et le 10 mars 1817, arrêt de la section civile, au rapport de M. Carnot, qui rejette en ces termes: « LA COUR, après — un délibéré en la chambre du conseil, attendu que si l'avoué de l'impétrant d'une saisie réelle est le mandataire de cet impétrant, et que si le mandataire chargé de vendre est dans l'interdiction de se rendre adjudicataire des immeubles saisis, aux termes de l'art. 1596, C. C., on ne peut en conclure que l'avoué du créancier poursuivant une saisie immobilière, soit compris dans la prohibition de la loi, lorsque le créancier lui-même ne se trouve pas dans l'incapacité d'acquérir; que l'avoué n'est pas, dans ce cas, le mandataire chargé de vendre, mais le mandataire chargé de provoquer la vente, puisque le créancier poursuivant n'est le propriétaire, ni le représentant du propriétaire de la chose mise en vente; qu'il ne faut pas confondre l'espèce où c'est un créancier qui poursuit la vente des immeubles de son débiteur, avec celle où c'est un tuteur qui poursuit la vente des biens de ses mineurs; que le tuteur est le véritable vendeur, et qu'il ne peut, en conséquence, se rendre lui-même adjudicataire, ce qui emporte la même interdiction dans la personne de son mandataire; - Et attendu que l'avoué Bey, qui s'est rendu adjudicataire des biens dont il provoquait la vente, comme mandataire de Crétin, créancier des demandeurs, n'était que le mandataire d'un créancier qui aurait pu se rendre lui-même adjudicataire des biens saisis; -Rejette le pourvoi des demandeurs contre l'arrêt de la Cour royale de Besançon, du 11 août 1814. »

TROISIÈME ESPÈCE.

Le sieur Mutel, avoué au tribu

un

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ual de première instance de Bayeux, fit saisir, à la requête du sieur Servot, les immeubles du sieur Biet, et s'en rendit. lui-même adjudicataire. On demanda la nullité de l'adjudication; le tribunal de première instance la maintint; et sur l'appel, la Cour royale de Caen rendit, le 22 août 1816, arrêt confirmatif ainsi motivé: La Cour, attendu que dans une expropriation forcée, la vente se fait par autorité de justice, en présence du saisi, dont le tribunal supplée le consentement; que le poursuivant n'est pas le vendeur; que cela est si vrai, qu'il peut se rendre adjudicataire, et qu'il le devient de droit, aux termes de l'article 698, C. P. C., dans le cas où la mise à prix ne scrait pas couverte par les enchères; qu'il serait déraisonnable de supposer dans le mandataire une incapacité qui n'existe point dans le commettant ; que le poursuivant n'étant point le vendeur, il s'ensuit que l'avoué n'est pas le mandataire chargé de vendre, mais seulement de poursuivre la vente ; que, par conséquent, l'art. 1596, C. C., ne lui est pas applicable; qu'il en serait autrement d'une vente de biens de mineurs en justice, ou d'une adjudication devant notaire; qu'au premier cas, le tuteur est bien évidemment celui qui vend au nom de son pupille; qu'ainsi, l'avoué du tuteur peut être considéré comme mandataire chargé de vendre, et qu'il y a motif légitime de faire participer le mandataire de l'incapacité du commettant; qu'au second le notaire ne fait que recevoir les enchères; que, dans ces deux cas, ledit article 1596, § 2, reçoit une juste application; mais qu'en matière d'expropriation forcée, les incapacités d'acquérir sont détaillées dans l'art. 713, C. P. C.; que l'avoné du poursuivant ne s'y trouve pas, et que, par conséquent, l'intention du législateur n'a pas été de l'exclure ».

cas,

Pourvoi en cassation des sieurs Biet et Servot, pour violation de l'art. 1596, C. C.; mais le 26 mars 1817, la

en ces termes :

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LA COUR....., attendu

Cour de cassation, section des requêtes, rejeta le pourvoi que, dans une poursuite en saisie immobilière, l'avoué du créancier poursuivant n'est pas le mandataire du propriétaire saisi; qu'en conséquence, la prohibition prononcée par l'art. 1596, C. C., contre les mandataires, à l'égard de l'adjudication des biens qu'ils sont chargés de vendre, ne peut être appliquée aux avoués des créanciers poursuivant les expropriations forcées, et qu'en le jugeant ainsi, l'arrêt attaqué n'a violé ledit art. 1596, et a fait une juste application de l'art. 729, C. P. C.; Par ces motifs, rejette, etc. »

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QUATRIÈME ESPÈCE. Le 21 août 1818, la Cour royale de Grenoble, ch. civ., a rendu un arrêt dans le même sens : — « La Cour, considérant qu'en matière de saisie immobilière, aucune disposition de loi ne défend à l'avoué du créancier poursuivant de se rendre adjudicataire en son nom personnel des biens dont il est chargé de poursuivre la vente; que, même d'après l'art. 709, C. P. C., l'avoué dernier enchérisseur est réputé adjudicataire en son nom, s'il ne déclare, dans les trois jours de l'adjudication, la personne pour laquelle il avait mandat d'enchérir; que l'avoué poursuivant ne peut être regardé comme un mandataire chargé de vendre dans le sens de l'art. 1596, C. C., mais seulement comme chargé de provoquer la vente, etc.>> Nota. Il résulte, des nombreux arrêts que nous venons de rapporter, une distinction fort importante à faire entre les cas où l'avoué est le mandataire chargé de vendre et celui où il n'est que le mandataire chargé de provoquer la vente. Dans le premier cas, il ne peut acquérir en son nom; il ne saurait avoir plus de droits que n'en a son mandant; ainsi un tuleur ne pouvant se rendre adjudicataire, l'avoué ne le peut pas davantage; mais, dans le second cas, lorsque l'avoué est chargé de poursuivre une saisie immobilière, la solution doit être bien différente; le créancier poursuivant

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