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combat cette opinion avec avantage; l'avoué est bien le maître du procès, dominus litis, dit ce jurisconsulte, en ce sens qu'à lui seul appartient le droit de l'ordonner et de l'instruire sous la double responsabilité d'homme public et de mandataire de la partie; qu'à lui seul, il appartient de représenter cette dernière et de conclure pour elle à la barre du tribunal; mais tant s'en faut que l'avoué soit le maître du procès, pour disposer en rien des droits de la partie, ou pour exercer ses actions, que le moindre aveu, le moindre consentement, le moindre fait ou acte qui excède son mandat l'expose à être désavoué. Quelles sont, en effet, les bornes de ce mandat? celles du procès: or, le jugement étant rendu, il n'y a plus de procès, et les pouvoirs de l'avoué cessent, sauf pour l'instance d'exécution. (art. 1038, C. P. C.)

Qu'en interjetant appel au nom de la partie il ne craigne point le désaveu, cela peut se supposer : ainsi quoique cela ne soit pas toujours certain, cela se conçoit; mais cet appel, émis par un mandataire sans pouvoir, est de toute nullité par rapport aux tiers. L'avoué n'a donc pas plus de droit à cet égard que toute autre personne que ce puisse être, et si l'on parvient à établir qu'il n'a pas éu de pouvoir ad hoc, l'appel qu'il aurait interjeté pour son client doit être regardé comme non avenu.

Il y a cependant, continue M. Poncet, exception à cette règle, toutes les fois que la loi abrège le délai d'appel, et qu'elle le fait courir, notamment de la signification à l'avoué; car à l'impossible nul n'est tenu; et, dans ces cas d'absolue nécessité, la partie doit être censée avoir chargé son avoué de faire pour elle tout ce qu'elle est hors d'état de faire par elle-même.

Voy. J. A., t. 3, p. 52, vo Appel, no 15.

115. L'avoué qui s'est constitué, ne peut-il plus répu

dier le mandat dont il s'est chargé, de telle sorte qu'il soit tenu d'occuper jusqu'à ce que l'instance soit terminée ?

POTHIER, Traité du mandat, n. 142, fait, à cet égard, une distinction entre les procureurs ad lites et les mandataires ordinaires ad negotia: celui-ci, dit-il, peut répudier le mandat qu'il a accepté, lorsque la chose est encore entière ou, pour cause de quelque légitime empêchement par exemple, s'il lui survient à lui-même quelques affaires qui l'empêchent de vaquer à celles de son ami, dont il s'est chargé. Au contraire, un procureur ad lites ne peut plus, après qu'il s'est constitué procureur, répudier le mandat, et il est obligé d'occuper jusqu'à ce que l'instance soit terminée.

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Mais M. B. S. P., t. 1, p. 74, note 25, no ne partage pas l'opinion de Pothier, et pense au contraire que l'avoué est toujours libre (surtout pour motif légitime) de répudier, pourvu que ce soit en temps opportun; que le client ait, par exemple, le temps de choisir un autre avoué, et de le mettre en état de reprendre l'instruction.

Le client ne saurait, en effet, forcer son avoué de continuer à se charger d'un mandat qu'il a des raisons légitimes pour répudier. C'est alors au tribunal à juger, en connaissance de cause, si les excuses de l'avoué sont valables. Mais nous ne pensons pas que l'avoué puisse, sans motif, cesser d'occuper; son ministère est forcé; on ne peut l'assimiler à celui d'un simple mandataire.

116. Le clerc de l'avoué est-il personnellement responsable, envers la partie, des dommages-intérêts résultant d'un acte de procédure qu'il a rédigé en l'absence de l'avoué, et à la prière de la partie elle

même ?

Cette question ne me paraît pas de nature à être controversée : l'espèce qui y a donné lieu s'est plusieurs fois présentée devant le tribunal de première instance de la Seine, et toujours on a décidé que les avoués étaient seuls responsables de la nullité des actes, aussi bien que des dommages-intérêts résultant des termes injurieux ou inconvenants qui peuvent mériter la censure de la justice: ils ne sauraient donc apporter trop de soin dans la révision des actes de procédure qu'ils ne rédigent pas eux-mêmes.

Pourquoi accorderait-on à la partie une action en dom mages-intérêts contre le clerc rédacteur de l'acte ? Il n'est pas, il ne peut pas être son mandataire. Les avoués sont revêtus d'un caractère public. Ils sont exclusivement chargés par la loi de l'instruction de la procédure devant les Cours et les tribunaux; la confiance même dont ils sont honorés est la mesure de leur responsabilité, soit envers la société entière, s'ils se rendent coupables de délits qui troublent l'ordre public, soit envers leurs clients, s'ils compromettent leurs intérêts par légéreté ou par ignorance. On sent combien il leur serait facile de se mettre toujours à couvert du recours de la partie qui, par leur fait, aurait encouru quelque déchéance ou supporté quelque condamnation, si l'ignorance de leurs clercs pouvait leur servir d'excuse. On sent surtout que ce serait autoriser une négligence coupable, que d'excuser des erreurs ou des fautes qu'un peu de soin et d'attention aurait dû prévenir. La loi n'a pas voulu tolérer de tels abus; et lorsque dans plusieurs circonstances le Code de procédure déclare les avoués responsables des nullités qui se glissent dans les actes de leur ministère, il ne distingue pas s'ils sont ou ne sont pas rédacteurs de ces actes, parce qu'il suppose toujours qu 'ils sont dressés par leur ordre ou sous leurs yeux.

Il faut convenir cependant que, dans l'espèce de la question posée, il y a une circonstance particulière qui

TOME V.

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devrait mettre l'avoué à l'abri de tout recours. Si le client, instruit de son absence, donne lui-même ordre de faire tel ou tel acte qu'il croit utile à ses intérêts, l'avoué, à l'insu duquel cet acte a eu lieu, et qui n'a pas eu la mission expresse, ni même la possibilité de présider à sa confection, n'est soumis à aucune responsabilité relativement à cet

acte.

Mais, dans cette même hypothèse, la partie ne conserve aucun recours contre le clerc auquel elle s'est adressée, c'est à elle seule qu'elle doit imputer d'avoir donné sa confiance à un individu sans qualité et que la loi ne soumet à aucune garantie; on ne peut même dire qu'elle s'est alors constitué un mandataire, mais qu'elle a agi elle-même, par l'intermédiaire d'un tiers, et quand bien même on soutiendrait que ce tiers a agi d'après un mandat, il est certain du moins que c'est un mandat gratuit et bénévole, qui n'entraîne d'autre garantie contre le mandataire, que celle résultant de son dol, ou d'une faute grave et qui laisse au mandant la ressource du désaveu quand les choses sont encore entières, plutôt que l'action en dommages intérêts, quand le mandat a reçu son exécution.

(COFF.)

le

117. Dans quels cas, en matière correctionnelle, ministère des avoués est-il utile et même nécessaire?

Les tribunaux sont divergents d'opinion sur cette question. L'art. 185, C. I. C., ne parlant que du cas où le prévenu ne comparaît pas, on a pensé que s'il obéissait à la citation, il n'avait besoin que d'un défenseur pris indistinctement parmi les avocats ou les avoués. Nous croyons qu'il peut passer pour constant que le ministère des avoués est inutile, lorsque les débats n'existent qu'entre le minis

tère public et le prévenu, mais qu'il doit en être autrement, lorsqu'il y a partie civile; des conclusions sont prises alors, et les avoués ont seuls qualité pour les prendre.

Dans une matière aussi importante, nous croyons devoir transcrire l'opinion du savant publiciste M. Legraverend, et la circulaire du ministre de la justice, du ro avril 1813. « Il est utile de remarquer, dit M. Legraverend, t. 2 » p. 340, note 3e, que, dans l'usage, l'emploi du ministère « d'un avoué n'est pas et ne peut pas être exigé, même » devant le tribunal correctionnel, de la part d'un prévenu

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qui comparat en personne, tant qu'il se renferme dans. »sa défense, qui est de droit naturel, et qu'il se borne à >> repousser l'attaque dirigée contre lui; mais si, par suite » et indépendamme ut de sa défense le prévenu croit devoir >> réclamer des indemnités, des dommages-intérêts contre la partie civile, dans les affaires où il y en a une, il est alors obligé d'employer un avoué pour prendre des conclusions >> contre elle, parce qu'il devient réellement alors accusateur » et poursuivant à fins civiles, d'accusé et de poursuivi qu'il » était ; et que, par assimilation à ce qui se pratique en >> matière civile devant les tribunaux civils, les tribunaux. » correctionnels ne doivent prononcer, en pareil cas que >> sur des conclusions présentées par un avoué; c'est donc » en cette seule circonstance que le ministère de cet officier » devient nécessaire de la part d'un prévenu qui ne se fait >> pas représenter. >>

Le 10 avril 1813, le ministre de la justice a adressé aux procureurs-généraux la circulaire suivante :

«L'article 185 du Code d'instruction criminelle autorise, dans certains cas, le prévenu à se faire représenter par un avoué devant le tribunal de police correctionnelle; et, en général, lorsqu'il y a une partie civile en cause, celle-ci et le prévenu ne peuvent prendre de conclusions à fins civiles que par le ministère d'avoué.

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