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prise de courant imaginés pour cet usage. Le trôlet simple n'est venu que plus tard. Mais dès son apparition, il a relégué au second plan tous les procé

dés antérieurs, et l'on peut dire que la vulgarisation et le succès industriel de la traction électrique datent véritablement de l'application du système à simple trôlet. Van Depoele

Fig. 24.

Trôlet à contact inférieur pour double fil.

et Sprague sont de ceux qui ont le plus contribué à le rendre pratique, en alimentant le fil de contact unique de distance en distance par un ou plusieurs conducteurs partant de l'usine centrale et en donnant au trôlet sa forme actuelle, et ils doivent

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être considérés à ce titre comme les principaux initiateurs de la traction électrique moderne.

C'est à ce dernier ingénieur qu'on doit également le mode de suspension des moteurs qui consiste à faire reposer l'une des extrémités directement par deux paliers sur l'essieu, l'autre étant suspendue au truck par des ressorts qui laissent au moteur un certain jeu, tout en maintenant entre l'axe de l'armature et celui de l'essieu l'invariabilité d'écartement nécessaire pour le bon fonctionne

Ce procédé fut appliqué pour la première fois à Minneapolis.

ment des engrenages' (fig. 25). Au début, il effectuait la réduction de vitesse par un seul train d'engrenages; puis l'usage s'introduisit d'employer un second train, avec arbre intermédiaire, qui ne disparut que vers 1891.

Le grand << boom » américain. C'est en 1888 seulement que commence à proprement parler l'ère pratique de la traction électrique. Non qu'une invention nouvelle soit venue à ce moment changer la face des choses, mais les constructeurs, profitant de l'expérience acquise, avaient eu le temps de perfectionner les procédés et appareils primitifs leurs idées étaient désormais mûres pour l'exécution.

:

Le 2 février 1888 avait lieu la mise en service de la ligne de Richmond (Virginie), équipée par la Compagnie Sprague. C'était le premier tramway électrique réellement important établi aux ÉtatsUnis. On ne peut d'ailleurs imaginer conditions plus défavorables à l'exploitation d'un tramway: la première fois qu'on entendit parler du projet, on le considéra comme d'une hardiesse voisine de la folie. Aussi sa réussite exerça-t-elle sur l'esprit du public américain une influence décisive pour le développement de la traction électrique aux États-Unis.

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La longueur développée des voies du tramway de Richmond atteignait 19,2 km. La ligne comportait des rampes variant de 3 à 10 p. 100. Les courbes étaient très nombreuses; dans certaines d'entre elles, le rayon de courbure du rail intérieur atteignait à peine 8 à 9 m., et l'on trouvait dans ces courbes des rampes de p. 100. Ensuite, les chaussées étaient très mal entretenues et, par les temps de pluie, certaines parties de la voie se trouvaient complètement sous l'eau. Les voitures, au nombre de 40, portaient. chacune deux moteurs; ceux-ci, qui avaient été construits pour développer normalement 7 chevaux, étaient couramment appelés à en fournir 10 et 12; placés sans protection aucune sous la caisse des voitures, ils étaient constamment couverts d'eau et de boue. Comme on le voit, les difficultés se trouvaient accumulées comme à plaisir. Malgré cela, malgré l'imperfection des appareils employés

Ce mode de suspension, nouveau pour les moteurs électriques, avait déjà été employé en Europe pour des moteurs à gaz.

et le manque complet d'entretien, l'exploitation ne fut pas arrètée un seul jour; quelques-uns des véhicules ont parcouru plus de 12 000 kilomètres sans entrer une fois à l'atelier de réparations.

Le succès à la fois technique et financier de l'expérience désormais historique de Richmond donna au nouveau mode de traction la consécration qui lui manquait. Peu après, la plus importante compagnie de tramways des États-Unis, la «< West End Street Railway Company » de Boston, après une série d'expériences comparatives portant sur les différents systèmes de traction mécanique, se décidait pour le trôlet et commençait l'équipement électrique de ses 300 kilomètres de lignes. En même temps, de grandes compagnies de construction, la Compagnie Thomson-Houston, puis la Compagnie Edison, la Compagnie Westinghouse, mettaient au service de la traction électrique leurs puissants moyens d'action. On voit dès lors les tramways électriques se multiplier avec une rapidité qui tient du prodige et constitue un développement presque sans précédent dans l'histoire industrielle du xix° siècle.

Les chiffres suivants donnent une idée de cet essor extraordinaire, de ce «< boom », pour employer l'expression américaine.

En 1888, il avait été construit 33 lignes électriques nouvelles, comprenant ensemble 210 km. et 265 voitures. Pendant l'année 1889, il s'en crée 104, avec un développement total de 1032 km. et 965 voitures. Au 1er janvier 1890, il existait aux États-Unis et au Canada un ensemble de 137 lignes électriques en exploitation; leur longueur totale était de 1242 km. et le nombre des voitures automotrices de 1 230.

Le 1er janvier 1891, le nombre des lignes électriques était déjà passé à 240, dont 103 installées par la Compagnie Thomson-Houston, 83 par la Compagnie Edison-Sprague, et les autres par des constructeurs divers, van Depoele, Rae, Short, Westinghouse, etc. Cinq seulement de ces lignes se servaient d'accumulateurs. Dès le mois de juillet de la même année, le nombre des tramways électriques s'élevait à 350, leur longueur totale à 4 600 km. et le nombre des voitures à 4513; en septembre, il y avait 4 800 km. de lignes électriques et 6732 voitures en service. On n'évalue pas à moins de 27 000 le nombre de bêtes de trait, chevaux et mulets, retirés du

service des tramways pendant la seule année 1891, par suite de l'adoption de la traction électrique.

Au commencement de 1892, l'ensemble du réseau américain comprenait 6 534 km. de lignes, sur lesquelles circulaient 8 892 voitures. La Compagnie Thomson-Houston avait, à elle seule, 191 lignes en exploitation, avec près de 3 000 voitures.

Il nous faut noter, dans le cours de l'année 1892, un fait important au point de vue du développement de la traction électrique, la fusion de la Compagnie Edison avec la Compagnie ThomsonHouston pour former la « General Electric Company », une des plus puissantes organisations des États-Unis, puisqu'on estime sa puissance financière à 200 millions de dollars, soit un milliard de francs. Chacune des deux compagnies constituantes résultait déjà de la fusion d'un certain nombre d'autres moins puissantes: ainsi la Compagnie Thomson-Houston avait fini par absorber les Compagnies Brush, Schuyler, van Depoele, Bentley-Knight, etc.; la Compagnie Sprague s'était fondue avec la Compagnie Edison; en sorte que la General Electric Co. s'est trouvée du coup en possession de la moitié au moins des brevets concernant les applications. électriques délivrés aux États-Unis depuis une quinzaine d'années. Depuis lors, le progrès s'est poursuivi d'une manière ininterrompue. On trouve :

9 556 km. de lignes électriques, avec 13 415 voitures

au 1er janvier 1893. . .

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La situation européenne.

17 128

22 849

36 121

39 748

En face de cet immense développe

ment, ce qui a été fait en Europe paraît relativement peu de chose. Nous avons relaté les premiers essais de traction électrique effectués de ce côté de l'Atlantique.

A la fin de 1885, la longueur totale des chemins de fer et tramways électriques en exploitation en Europe s'élevait à 52.

La première ligne électrique qui ait fonctionné industriellement en France, celle de Clermont-Ferrand, construite par un homme d'initiative, M. Claret, avec le matériel de la Compagnie Suisse Thury, date seulement de 1890; encore avait-on adopté pour la

distribution du courant le système déjà démodé à cette époque du tube fendu avec navette glissante (fig. 26 et 26 bis).

Il faut bien reconnaître, du reste, que les progrès de la traction.

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électrique ont été en particulier chez nous remarquablement lents: la ligne de Marseille-Saint-Louis ne date que du commencement de 1892, celle de Bordeaux-Bouscat au Vigan, de 1893, les pre

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mières lignes de Lyon et du Havre, de 1894. Ce n'est qu'à partir de 1895 qu'il commence réellement à se manifester quelque activité dans la construction des lignes électriques.

A la fin de 1890, l'Europe entière ne comptait encore que 71 km. de lignes et 140 voitures électriques.

Le 1er janvier 1894, la longueur des lignes exploitées s'élevait

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