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technique de la traction électrique, il nous reste un mot à dire des derniers perfectionnements réalisés.

Le chemin parcouru depuis l'installation de la ligne de Richmond est sans doute très considérable; mais le progrès résulte du développement de principes connus et du perfectionnement graduel de tous les détails de l'appareillage, plutôt que de la décou verte de procédés nouveaux.

Dans le système de traction par fil aérien, en particulier, celui qui, par son énorme extension, a contribué plus que tout autre à ce perfectionnement, il n'a été, à proprement parler, rien innové. Seulement, l'aspect matériel des lignes a été considérablement amélioré depuis l'origine : l'adoption de poteaux métalliques, qui peuvent être rendus aussi décoratifs ou aussi peu apparents que l'on désire et combinés au besoin avec des appareils d'éclairage, la réduction au minimum du nombre des fils aériens, obtenue en reléguant sous terre tous les feeders, le soin plus grand apporté au montage des courbes et surtout la simplification de construction qu'ont permis de réaliser de nouveaux modes de prise de courant, notamment l'archet, dont la maison Siemens et Halske est depuis 1890 le principal promoteur, et le trôlet à chape pivotante de Dickinson (1892), ont contribué à rendre l'appareillage aérien aussi acceptable que possible. Les lignes modernes ne rappellent plus que de très loin les « toiles d'araignée » de jadis.

Malgré tout, le fil aérien soulève une question d'esthétique, dont l'importance varie avec le lieu et l'appréciation personnelle de chacun, mais qui n'est pas négligeable. Un certain nombre de municipalités se refusent à l'admettre au centre des agglomérations, au moins sans correctifs. Devant leurs exigences, le système à distribution souterraine, qui a pris naissance, comme nous l'avons dit, à peu près en même temps que le système à fil aérien, mais que la simplicité et l'économie plus grandes de ce dernier avaient fait reléguer au second plan, est revenu en faveur. Les exemples de Blackpool et Budapest ont prouvé dès le début qu'un tramway à conducteurs souterrains pouvait être exploité avec succès. Depuis lors, les détails mécaniques du sytème ont encore été perfectionnés, l'isolement des conducteurs a été amélioré. En même temps se perfectionnait un autre dispositif, ancien également, car il a été

proposé dès 1883 par MM. Ayrton et Perry, et qui consiste à placer les conducteurs à fleur de sol, en les divisant en tronçons isolés, ne communiquant avec l'usine qu'au moment du passage de la voiture.

Ces deux derniers systèmes, qui satisfont à toutes les exigences de l'esthétique, sont aujourd'hui sortis de la période d'essai et peuvent rivaliser avec le fil aérien comme sécurité, sinon comme économie d'exploitation.

Les circuits de retour ont également été perfectionnés, en vue de parer aux accidents causés par l'action électrolytique du courant sur les conduites d'eau et de gaz.

Comme amélioration des procédés de distribution de l'énergie, nous citerons l'application à la traction électrique des courants polyphasés, qui donnent la solution du problème de la traction à grande distance; cette application a été réalisée pour la première fois par MM. Brown, Boveri et Cie à Lugano, en 1895.

Quant à la traction par accumulateurs, elle a pris peu d'extension relativement à la traction par transmission directe de l'énergie. Les accumulateurs ont néanmoins fait quelques progrès, surtout au point de vue du poids et de la durée des plaques. Une de leurs plus récentes adaptations consiste dans l'emploi simultané du trôlet et d'une batterie d'accumulateurs la batterie est chargée en marche par le courant même de la ligne et ne sert à l'alimentation des moteurs que sur les sections où le fil aérien n'est pas autorisé. Cette combinaison, inaugurée à Hanovre à la fin de 1895 et qui tend à se répandre, fournit, dans certains cas, une solution satisfaisante du problème de la traction électrique à l'intérieur des grandes villes. Sa possibilité repose sur l'emploi d'accumulateurs à charge très rapide, qui commencent à être employés également sur des lignes à traction exclusive par accumulateurs.

A l'époque des premières applications de l'électricité à la traction, les dynamos et moteurs n'avaient guère encore été étudiés qu'en vue de l'éclairage et du transport de la force. On s'aperçut bien vite que les conditions nouvelles du fonctionnement de ces appareils sous les voitures de tramways exigeaient des dispositions également nouvelles. Une erreur générale, dans laquelle ont versé tous les débutants, tant en Europe qu'en Amérique, a été de faire

des moteurs trop faibles, insuffisamment isolés et sans protection efficace contre la poussière et la boue; la préoccupation dominante était d'alléger autant que possible les voitures. Les accidents nombreux qui furent la conséquence de ce faux point de départ ont servi d'enseignement aux constructeurs et les ont amenés à modifier peu à peu leur matériel. Des perfectionnements successifs apportés à l'armature, au champ magnétique, au collecteur et aux organes de transmission, le remplacement de la fonte par l'acier dans la construction de la carcasse ont fait du moteur de traction actuel un outil à la fois léger et puissant, admirablement approprié au service qu'il a à fournir; de 7 ou 10 chev. la puissance des moteurs est passée à 15, 25, 50, 100 et même 200 chev., pendant que leur poids descendait de 60 à 35 ou 40 kg. par cheval, la transmission comprise. C'est à M. H. F. Parshall et à M. A. Schmid qu'on doit les premiers types pratiques à simple réduction (1890-91), et nous mentionnerons en passant que ce sont MM. Elihu Thomson et W. B. Potter qui ont créé, en 1892, le premier régulateur de marche satisfaisant.

Les dynamos génératrices ont été également perfectionnées. Leur puissance a été considérablement augmentée, et, suivant en cela l'exemple donné par les stations européennes d'éclairage, les constructeurs d'usines génératrices de traction tendent à remplacer les anciennes unités de faible capacité, à commande par courroie et à grande vitesse, par de grandes unités à marche lente et à accouplement direct.

Quant aux moteurs à vapeur, ils ont dû être sérieusement renforcés, ainsi que leurs volants, pour résister aux violents à-coups qui se produisent dans le travail demandé à l'usine et qu'on cherche aujourd'hui à amortir au moyen d'accumulateurs fixes.

Une dernière conséquence, et non des moindres, de l'adoption de la traction électrique a été le renforcement général des voies de tramways. Les rails légers employés avec la traction animale n'ont pu résister à l'accroissement de fatigue résultant du passage de voitures plus lourdes et marchant plus vite; il a fallu les remplacer par des rails plus robustes, améliorer les éclissages, accorder plus d'attention à la pose et à l'entretien de la voie.

En même temps que le matériel de la traction électrique se

TRACTION ÉLECtrique.

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perfectionnait, son champ d'application s'étendait. Ce n'est plus seulement dans l'exploitation des tramways, la première conquise, c'est dans celle des chemins de fer urbains en général que le procédé nouveau occupe aujourd'hui une situation prédominante.

Dès le début, les inventeurs européens et américains, Siemens, Field, Daft, Sprague, avaient vu la possibilité d'appliquer la traction électrique aux métropolitains, et les derniers avaient même fait des expériences dans ce sens sur l'« Elevated » de New York : la figure 28 montre le train d'essai de Sprague (1886-87).

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La première réalisation pratique de cette idée a été le chemin

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Fig. 28.

Train d'essai électrique Sprague sur le chemin de fer acrien
de New York.

de fer tubulaire souterrain «< City and South London » (1890) de M. Greathead et dont le succès a donné naissance à de nombreux projets du même genre pour Londres, Paris, Bruxelles, Berlin, etc. Puis est venue la ligne des Docks de Liverpool (1893), le premier en date des chemins de fer électriques aériens, suivi de près par l'« Intramural Electrical Road» de M. Baker à l'Exposition de Chicago, puis par le «< Metropolitan West Side Elevated », le « Lake Street Elevated », le « South Side Elevated» de Chicago (1895-97). Toutes les lignes métropolitaines de cette dernière ville ont aujourd'hui remplacé la vapeur par l'électricité et les chemins de fer élevés de New York et de Brooklyn, très éprouvés par la concurrence des tramways de surface, réalisent ou projettent la même transformation. A Berlin, on achève un métropolitain aérien qui sera exploité électriquement; il en sera de même pour les lignes souterraines en construction à Londres, le « Waterloo and City Ry.» et le « Central London

Ry. », et pour le métropolitain de Paris. Lorsque ni la solution du viaduc, ni celle du tunnel profond ne peuvent convenir, on a encore la ressource du tramway électrique sous chaussée, comme celui qui a été inauguré à Budapest en 1896 ou comme le << subway de Boston. Les avantages de l'électricité pour l'exploitation des chemins de fer urbains, vitesse, légèreté, fréquence des trains, élasticité du service, absence de fumée, économie d'exploitation, etc., sont tels que l'avenir du trafic métropolitain des grandes villes lui appartient sans conteste.

D

De l'intérieur des villes, les tramways électriques se sont étendus dans la banlieue et ont peu à peu poussé leurs ramifications jusqu'aux cités voisines. Cet élargissement du champ d'action de la traction électrique, qui a eu jusqu'ici surtout l'Amérique pour théâtre, s'est fait d'une façon si logique et si graduelle qu'il est difficile d'établir une démarcation bien nette entre les lignes interurbaines et les lignes simplement suburbaines, beaucoup d'exploitations participant à la fois de la nature des deux et le matériel roulant employé offrant tous les intermédiaires entre la voiture de tramway et celle de chemin de fer ordinaire. Ces lignes, établies tantôt sur plate-forme séparée, tantôt sur le sol même des voies publiques, sont caractérisées principalement par une augmentation de vitesse et de puissance des moteurs; elles transportent à des tarifs très bas les voyageurs et parfois aussi les marchandises entre des centres de population et d'affaires souvent assez éloignés, et font, dans certains cas, une concurrence sérieuse aux chemins de fer à vapeur. Un des premiers et des plus remarquables exemples de ce genre d'entreprise est la ligne électrique reliant Minneapolis et Saint-Paul, dont l'établissement a forcé 6 lignes de chemin de fer à abandonner leur service. Nous citerons encore, parmi les lignes interurbaines les plus importantes, celles qui rayonnent autour de Cleveland (Ohio) pour aboutir aux localités voisines, Elyria, Painesville, Bedford, Akron, Berea, Lorain; la plus longue, celle de Cleveland à Akron, atteint. 61 km.; elle est alimentée par deux stations génératrices situées au quart et aux trois quarts de sa longueur. D'autres lignes intéressantes sont celle de Buffalo à Niagara Falls (37 km.), celle de Washington à Alexandria et Mt. Vernon (40 km.), le réseau de

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