Page images
PDF
EPUB

forte adhérence est nécessaire, car, à poids égal supporté, les trucks coûtent le même prix et la différence entre les prix des moteurs seuls ne peut conduire à des écarts aussi élevés entre les prix totaux.

Nous admettrons donc que les moteurs « gearless > peuvent être appliqués rationnellement aux locomotives électriques dans deux cas fort différents : 1° pour les trains à grande vitesse; ils sont même seuls rationnels au delà de 70 km.-h. ; 2° pour les trains de marchandises exigeant une forte adhérence; dans ce cas ils peuvent être acceptables suivant les circonstances; mais, comme nous le dirons plus loin, la traction électrique ne paraît pas destinée à cette application en dehors de cas exceptionnels comme celui du tunnel de Baltimore.

Partout ailleurs, l'emploi des engrenages est la solution rationnelle; du reste, même dans les cas précédents, elle est quelquefois préférée par de grandes maisons de construction, telles que les ateliers Baldwin, pour des motifs d'ordre pratique déjà donnés plus haut (p. 139).

Le diamètre des roues n'est pas limité pour les locomotives et les locomotrices par les considérations d'accessibilité qui imposent des limites pour les automobiles (p. 104); rien n'empêche donc, pour réaliser des locomotives très puissantes, d'employer de grandes roues comparables à celles des locomotives à vapeur, qui dépassent souvent 2 m. pour les express, et d'adapter à chaque essieu des moteurs de dimensions correspondantes; c'est ainsi que sur les locomotives de Baltimore l'emploi de roues de 1,575 m. a permis de réaliser, avec quatre essieux moteurs commandés directement, un effort de traction normal de 18 000 kg., tandis qu'avec huit essieux moteurs et des roues de 1,15 m., la locomotive Heilmann développe seulement un couple moteur maximum de 10 000 kg.

Au point de vue de la simplicité, la première solution est préférable à la seconde; en outre, elle donne, à puissance égale, des bogies ayant un moindre empattement total que les bogies à huit roues. Ceux-ci ont, par contre, l'avantage de répartir plus uniformément la charge sur la voie1.

[ocr errors]

L'emploi de 2 trucks dans la locomotive Heilmann au lieu d'un seul dans les loco

Mais, d'autre part, les dimensions des moteurs sont limitées indirectement par la considération du voltage de la ligne de distribution. En effet les moteurs à grande vitesse, à une seule spire par encoche, donnent une f. é. m. proportionnelle au nombre d'encoches et à la longueur de l'induit; on ne peut donc augmenter les dimensions de celui-ci au delà d'une certaine limite qu'au prix d'une augmentation proportionnelle de la tension de distribution; si elle est impossible, on devra prendre un plus grand nombre de moteurs plus petits. On peut, il est vrai, bobiner les sections d'induits en parallèle et non en série; mais on a vu plus haut (p. 178) que ce bobinage présente des inconvénients par les efforts dissymétriques auxquels il peut donner lieu.

En général, on peut considérer le nombre de quatre ou six essieux moteurs comme très suffisant pour les plus puissantes locomotives qu'on ait à construire actuellement. Pour 400 chev. et au delà, l'emploi de quatre essieux moteurs est avantageux; ces essieux n'ayant pas besoin d'être reliés d'une façon rigide au châssis comme les essieux moteurs des locomotives à vapeur, il paraît en outre recommandable de répartir les quatre trains de roues entre deux bogies, pour faciliter le passage des courbes et diminuer la fatigue de la voie. Au-dessous de 400 chev., deux essieux moteurs peuvent parfaitement suffire; mais il vaut mieux, encore dans ce cas, pour la douceur du roulement, conserver le type à bogies jusqu'à 200 chev. environ; au-dessous de ce chiffre, un simple châssis à deux essieux suffit.

En aucune circonstance l'emploi d'essieux simplement porteurs n'est justifié, car il réduirait inutilement l'adhérence, déjà faible pour les locomotives à alimentation extérieure.

Au point de vue du mode de suspension, les principes exposés au chapitre Iv restent applicables et l'on ne saurait trop recomman der, croyons-nous, de réduire au minimum le poids porté par les essieux sans interposition de ressorts et aussi, comme nous l'avons déjà expliqué (p. 130 et 134), la masse solidaire de l'essieu ; celle-ci joue en effet le rôle d'un véritable marteau oscillant sous l'action

motives à vapeur était d'ailleurs justifié, dans le cas considéré, par la nécessité de loger au-dessus du châssis une chaudière de grande section sans dépasser le gabarit de

la voie.

de ces ressorts. A ce point de vue, les meilleurs dispositifs sont ceux du moteur Walker pour les appareils à engrenages et du tube creux pour les moteurs sans réduction.

Quelques auteurs', faute d'avoir reconnu la possibilité de réduire cette masse, ont voulu faire abandonner la suspension élastique au profit d'essieux fixés rigidement aux trucks. Dans ce cas, évidemment, il n'y a pas de martelage produit individuellement par chaque essieu, les roues quittant la voie lorsqu'elles se trouvent au droit d'une dépression; mais le martelage par l'ensemble de la locomotive peut prendre des valeurs très élevées et occasionner à la voie une fatigue considérable; on doit donc, croyons-nous, préférer les dispositifs que nous venons d'exposer2.

Construction du châssis. - Dans le cas d'essieux rigides, le châssis des locomotives électriques est constitué absolument comme celui des locomotives à vapeur. Il comporte de même des longerons très robustes, servant à maintenir le parallélisme des essieux et à transmettre au crochet d'attelage la traction longitudinale due à l'effort moteur, qui s'exerce sur eux par l'intermédiaire des glissières des plaques de garde. Ces longerons, qui se font généralement en tôle d'acier, sauf aux États-Unis où l'on emploie de préférence des barres de section rectangulaire, doivent être entretoisés aussi solidement que possible, la rigidité du châssis étant indispensable à sa durée et à la bonne conservation des organes moteurs.

La suspension sur les boîtes à huile est réalisée, comme à l'ordinaire, au moyen de ressorts à lames maintenus en leur milieu par une bride, qui s'appuie sur le dessus de la boîte ou est suspendue par-dessous; ces ressorts reçoivent la charge par l'inter

Cf. Henry, Street Railway Journal, janvier 1897; Emery, Amer. Inst. El. Eng., octobre 1896.

D'autres auteurs, en particulier M. Emery (loc. cit.), estiment qu'il faut renoncer à monter les moteurs sur les essieux et les placer en dehors de ceux-ci, à l'arrière ou à l'avant du châssis, en les réunissant aux roues par des bielles motrices comme dans le système Eickemeyer-Field (p. 135); ils conseillent même de reproduire complètement les dispositions générales de la locomotive à vapeur, en remplaçant simplement les cylindres par des moteurs électriques de puissance équivalente et en conservant un bogie moteur à l'avant. Pour nous, une pareille disposition, qui ferait perdre à la locomotive électrique sa simplicité et sa souplesse, serait un véritable contresens, d'après tout qui précède; nous ne la signalons donc que pour mémoire.

médiaire de menottes ou de tiges de suspension articulées sur les longerons; ces dernières sont souvent munies d'écrous de réglage permettant de charger plus ou moins chaque ressort et de répartir convenablement le poids. Les figures 383, 387, 389 montrent des exemples de ce mode de suspension.

Pour soustraire la répartition du poids sur les essieux aux perturbations résultant des inégalités de la voie ou du défaut de réglage des ressorts, on se sert avantageusement des balanciers de répartition, qui sont, comme on le sait, de simples leviers, articulés au châssis vers le milieu et chargeant les extrémités des ressorts voisins. En faisant, par cette méthode, reposer le poids de la machine sur les axes des balanciers, on réduit le nombre des points d'appui, au grand avantage de la stabilité. C'est ainsi que, dans la locomotive à quatre essieux moteurs de Sprague, Duncan et Hutchinson, décrite plus loin (page 460), on a pu, en accouplant deux à deux les ressorts des deux essieux extrêmes, n'avoir que quatre points d'appui au lieu de huit.

Les locomotives à essieux rigides ne peuvent s'inscrire dans les courbes que grâce au jeu ménagé d'une part entre les essieux, les boîtes et leurs glissières, de l'autre entre les boudins des roues et les rails. Lorsque le rayon des courbes descend au-dessous d'une certaine limite, on est obligé de recourir à des dispositions spéciales qui permettent aux essieux de se déplacer transversalement et de converger en courbe. Dans ce cas, l'accouplement par bielles de tous les essieux n'est plus possible et l'on se trouve conduit à attaquer chacun d'eux par un moteur séparé ou tout au moins à les répartir en groupes d'essieux accouplés, commandés d'une façon indépendante.

Les dispositifs usités sur les locomotives à vapeur pour donner aux essieux porteurs un jeu latéral ou un mouvement de convergence, tels que les boîtes à plans inclinés, les bissels, les boîtes radiales, pourraient s'appliquer sans grande difficulté aux essieux moteurs des locomotives électriques. Mais on préfère de beaucoup, pour celles-ci, les trucks articulés, qui non seulement permettent d'augmenter l'empattement et la stabilité sans nuire à la facile inscription dans les courbes, mais encore diminuent dans une large mesure la fatigue de la voie et l'usure de la machine. Afin de pou

voir marcher indifféremment dans les deux sens, les locomotives électriques sont montées sur deux bogies semblables, absolument comme les voitures du type américain. Ces bogies se font à 4, 6 et même 8 roues.

Les trucks articulés employés sous les locomotives électriques se rapprochent davantage, comme disposition générale, de ceux des wagons que de ceux des locomotives à vapeur. La locomotive électrique rationnelle étant appelée à porter, suivant les cas, des voyageurs ou des marchandises, la suspension de ses bogies doit être aussi douce que celle d'une voiture ordinaire; mais, en même temps, ils doivent être construits au moins aussi solidement que des bogies de locomotives, en vue du rôle spécial de remorqueur qu'ils ont à remplir.

Les plaques de garde, les longerons et la traverse médiane du bogie notamment ont à transmettre à la crapaudine tout l'effort de traction dù aux moteurs. Le couple de torsion produit par l'attaque des deux essieux en deux points diagonalement opposés, et qui tend à déformer le châssis, atteint, avec les gros moteurs employés sur les locomotives, des valeurs considérables et nécessite un contreventement très robuste des longerons, dont les assemblages avec les entretoises doivent être consolidés au moyen de renforts d'angle, cornières, etc. Les glissières, boîtes à huile, coussinets, doivent présenter des surfaces de portage suffisantes et être disposés de manière à résister aux chocs qu'ils reçoivent sans perdre leur alignement.

La charge est ordinairement transmise au bogie par un pivot placé en son centre de figure et se répartit également entre les roues.

La figure 393 montre le type de truck articulé à 2 essieux spécialement étudié en vue de cette application par les Ateliers Baldwin, de Philadelphie. Les longerons sont assemblés avec les entretoises au moyen d'équerres complétées par de forts goussets; ils reposent sur les boîtes par l'intermédiaire de ressorts à lames, à jeu limité. La crapaudine est portée par une traverse oscillante guidée par les deux entretoises et suspendue au châssis par d'autres ressorts à lames et par des menottes.

Pour permettre d'accéder facilement aux différentes parties du truck et de démonter les essieux et les boîtes sans lever le truck, la branche extérieure des plaques de garde est mobile autour d'une charnière horizontale; elle est maintenue à sa partie inférieure par un boulon, qui l'empêche de s'ouvrir sous la pression de la boîte et qu'on retire lorsqu'on veut faire sortir l'essieu. La

« PreviousContinue »