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LA

TRACTION ÉLECTRIQUE

CHAPITRE PREMIER

HISTORIQUE

Les précurseurs.

L'idée d'appliquer l'énergie électrique à la traction des véhicules n'est pas nouvelle, et des essais de traction par électromoteurs ont été tentés bien avant l'apparition de la dynamo moderne et la découverte du principe de sa réversibilité.

La première voiture électrique paraît due à un simple forgeron américain, Thomas Davenport. Bien que livré à ses seules ressources, celui-ci réussit à construire en 1834 une machine magnétoélectrique rudimentaire et à l'employer à la propulsion d'une voiture portant une batterie de piles. Cette voiture fut exposée en 1835 à Springfield (Massachusetts), puis à Boston où elle fonctionna pendant quelque temps sur un petit chemin de fer circulaire.

Vers 1838, au moment où l'attention du monde scientifique était appelée sur les applications possibles des électromoteurs par les célèbres essais de navigation électrique de Jacobi sur la Néva, un Écossais, Robert Davidson, construisit une véritable locomotive électrique, mue par un moteur analogue à celui du savant allemand et pesant 5 tonnes avec sa batterie de piles; cette locomotive fit avec succès plusieurs trajets sur le chemin de fer d'Edimbourg à Glasgow, à la vitesse de 6 km. à l'heure. Mais elle fut mise en pièces par des ouvriers rivaux et plus de dix années s'écoulèrent avant que des expériences fussent reprises sur une aussi grande échelle.

En 1850, le professeur C. G. Page, du Smithsonian Institute, TRACTION ÉLECTRIQUE.

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apôtre convaincu de la traction électrique, fit exécuter à l'aide d'une subvention de 150 000 fr. votée par le Congrès des ÉtatsUnis une locomotive fort différente de celle de Davidson, actionnée par le moteur à mouvement alternatif qui porte son nom : deux solénoïdes placés vis-à-vis l'un de l'autre attiraient alternativement une armature de fer doux, qui attaquait un volant par l'intermédiaire d'une bielle et d'une manivelle. Cette locomotive, portant 100 éléments Grove, fut essayée le 29 avril 1851 sur le chemin de fer de Washington à Bladensburg; elle atteignit une vitesse de 30 km. à l'heure. Mais la rupture des vases de piles par les trépidations interrompirent les essais.

Nous signalerons encore deux tentatives faites vers la même. époque par deux autres américains, le professeur Moses G. Farmer et Thomas Hall, de Boston. Le premier construisit et exposa en public une petite locomotive électromagnétique qui remorquait sur une voie de 0,45 m. de largeur une voiture à deux places. Quant à la locomotive de Hall, mue par une magnéto du genre Clarke, elle était tout à fait minuscule : elle circulait sur une voie de 0,12 m. d'écartement; la puissance du moteur était transmise à l'essieu par une vis sans fin. Le trait intéressant de l'invention est que la locomotive ne portait pas ses piles génératrices avec elle; la batterie était fixe et le courant transmis au moteur par les rails.

Cette même idée se trouve déjà indiquée dans des brevets antérieurs, notamment ceux de Henry Pinkus (1840) et de Lilley et Colton, de Pittsburg (1847).

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L'Anglais Swear1 et le major piémontais Bessolo prévoient, dans leurs brevets de 1855, la possibilité d'amener le courant par un conducteur isolé du sol, soutenu d'une manière analogue aux fils télégraphiques et qui pourrait être suspendu aux mêmes poteaux.

Enfin, en 1864, le Français Cazal fait breveter un moteur électrique directement appliqué à l'essieu d'un véhicule.

Ces premiers essais ne pouvaient aboutir à aucun résultat pratique, faute d'une source d'électricité assez puissante. Industriellement, le moteur électrique ne peut subsister sans la dynamo, et

'Brevet anglais de 1855.

Brevet français numéro 22114, 19 janvier 1855, et deux additions.

ce n'est qu'après l'apparition de celle-ci et la découverte de sa réversibilité que la traction électrique a pu entrer dans la phase de la réalisation pratique.

Les inventeurs européens (1879-1883). La machine à cou

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rant continu de Pacinotti avec induit à anneau, d'où dérivent toutes les machines électriques modernes, date, comme on le sait, de

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1864. Toutefois, les dynamos véritablement industrielles ne sont apparues que quelques années plus tard, avec Gramme et Siemens. Enfin le principe de la réversibilité des dynamos et de la transmission électrique de l'énergie à distance au moyen de deux machines semblables, déjà découvert et clairement exposé par Pacinotti en 1867, fut démontré industriellement par M. H. Fontaine à l'Exposition de Vienne, en 1873.

Dès lors commence, dans l'histoire des moteurs électriques et particulièrement dans celle de la traction électrique, une ère nouvelle, que Werner von Siemens avait pressentie dès 1867.

En 1879 se placent deux faits mémorables: d'abord les célèbres

expériences de labourage électrique exécutées au village de Sermaize par MM. Félix et Chrétien et qui constituent le premier pas sérieux fait dans la voie de la transmission de l'énergie électrique à des moteurs en mouvement; ensuite la mise en service du premier chemin de fer électrique qui ait fonctionné d'une manière réellement pratique, celui de MM. Siemens et Halske à l'Exposition industrielle de Berlin (fig. 1).

La petite locomotive qui servit à cette occasion' (fig. 2) prenait le courant sur un rail spécial N placé dans l'axe de la voie, à l'aide de balais en fil de cuivre. Elle portait une dynamo du type

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Siemens ordinaire, dont l'arbre, placé longitudinalement, transmettait son mouvement aux roues par une série d'engrenages l, t, v etx. Les rails de roulement servaient au retour du courant. Cette locomotive remorquait trois petits wagons contenant une vingtaine de personnes à la vitesse de 12 km. à l'heure.

Le succès de cette expérience stimulant le zèle des inventeurs, on voit à partir de ce moment les essais de traction électrique se multiplier dans tous les pays.

A Vienne, l'année d'après, Egger exposait un modèle de chemin de fer électrique dont le circuit était formé par les rails. A Paris, des études étaient poursuivies par MM. Ch. Bontemps et Marcel Deprez, dans le but de substituer aux tubes pneumatiques.

' Cette locomotive avait été utilisée, dans le principe, au transport des charbons dans les mines de Coitbus.

pour le transport des dépêches de petites voies ferrées sur lesquelles auraient circulé des locomotives minuscules. Peu de temps après, Siemens, tout en étudiant le même problème, présentait à la municipalité de Berlin un projet de métropolitain aérien électrique, dans lequel il utilisait les rails comme conducteurs; la transmission de la puissance de l'arbre du moteur à l'essieu s'effectuait par courroies.

Mais la première installation permanente et présentant un caractère véritablement commercial date du mois de mai 1881, époque à laquelle la maison Siemens et Halske mit en service la

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ligne de Gross-Lichterfelde, près Berlin. Cette ligne, à voie de 1 m., avait 2,450 km. de longueur. La transmission du courant se faisait par les rails mêmes de la voie, posés sur traverses à la manière ordinaire et reliés entre eux par des boucles en cuivre ; le niveau supérieur des rails se trouvait à 0,20 m. environ audessus de la surface de la chaussée, en sorte que la voie ferrée, bien qu'établie sur route, n'était pas accessible aux véhicules ordinaires. La voiture automobile (fig. 3) pouvait contenir 26 personnes; le moteur, placé sous la caisse, actionnait les deux essieux en même temps par l'intermédiaire de câbles sans fin en acier. La vitesse normale n'était que de 20 km. à l'heure; mais la voiture a pu faire jusqu'à 40 km. en palier, avec son chargement complet de voyageurs (soit un poids total de 4 800 kg.); dans ces

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