Page images
PDF
EPUB

tion propre, présentant des bornes acceptées, mais de vastes espaces. L'électricité remplira ce champ à peu près à l'exclusion de tout autre mode de transmission de l'énergie: elle remplacera la locomotive à vapeur sur maintes lignes suburbaines et d'intérêt local; elle accaparera la plupart des tramways et des métropolitains aériens ou souterrains du monde; elle sera un auxiliaire utile des grandes lignes; mais elle n'a pas sonné le glas de mort de la locomotive à vapeur, pas plus que la dynamo n'a sonné celui de la machine à vapeur fixe. Chacune d'elles a sa sphère légitime et son rôle propre à remplir dans les besoins de notre civilisation. »

Poids, puissance et rendement des locomotives électriques automotrices, Le poids des locomotives électriques automotrices, loin d'être inférieur, est forcément supérieur à celui des locomotives à vapeur de même puissance.

Tout d'abord, si des batteries d'accumulateurs sont employées comme réservoir d'énergie, leur poids ne peut, dans l'état actuel de l'industrie, être inférieur à 150 kg. par cheval de puissance sur l'essieu', ce qui, en ajoutant le poids du truck et de ses moteurs, évalué plus haut à 50 kg. par cheval environ, donne un poids total d'au moins 200 kg. par cheval, tandis que celui d'une locomotive à vapeur à grande vitesse avec son tender est, d'après les renseignements qui précèdent, inférieur à 100 kg.

La locomotive à accumulateurs absorberait donc la presque tolalité de l'énergie disponible pour sa propre propulsion. Par exemple, une machine de 500 chev. pesant 100 t., remontant une pente de 5 mm. à la vitesse de 80 km: h., consommerait à elle seule une puissance d'environ 300 chev., laissant 200 chev. seulement disponibles au crochet. En admettant 0,65 de rendement pour les accumulateurs et 0,90 pour les moteurs, le rendement final serait 0,65 0,90 0,234, ce qui est par trop insuffisant.

de

200
500

A titre d'exemple, nous pouvons citer la locomotive à accumulateurs essayée par la Compagnie du Nord. La batterie, formée de 80 accumulateurs de la Société

En effet, en admettant un débit de 2 à 3 ampères par kg. de poids total de batterie, soit 4 à 6 watts par kg., et en supposant aux réceptrices un rendement de 0,90, un 820 watts au moins, ce qui fait 150 à 200 kg. par cheval.

cheval exige

736

=

0,90

pour le Travail électrique des Métaux, ayant une capacité de 1 859 ampères-heures (12,5 amp.-h. par kg. de plaques pour un régime de 2 ampères par kg.), présentait, avec les bacs en ébonite et les accessoires, un poids total de 19 t. et pouvait fournir une puissance de 52 chev. Le poids total de la locomotive était de 46 t., soit 900 kg. par cheval, et la machine n'était capable que de se mouvoir elle-même sur un parcours de 300 km: h. à la vitesse de 46 km: h.

Il est donc inutile de songer à la traction par locomotives à accumulateurs tant qu'une invention nouvelle et grosse de conséquences n'aura pas fait connaître un accumulateur léger', différant de tous ceux construits jusqu'ici 2.

Il reste ainsi seulement à examiner les locomotives portant leur usine génératrice (locomotives Heilmann), véritables locomotives à vapeur où l'électricité ne sert, comme on l'a vu, que d'agent de transmission du travail de la machine aux roues.

On fait valoir, en premier lieu, en faveur de ces machines la puissance beaucoup plus grande de leur chaudière par rapport à celle des machines ordinaires; en effet. grâce à l'emploi des bogies, on a pu développer le foyer et donner à la grille une surface de 3,34 m2. Mais, comme on l'a vu plus haut (p. 496), il n'est pas impossible de réaliser la même surface de grille sur une locomotive à vapeur ordinaire. D'autre part, la machine et la chaudière pèsent plus que celles d'une locomotive à vapeur de même puissance à la jante des roues ce fait provient à la fois des pertes de la transmission et du poids mort supplémentaire important que porte la machine sous forme de dynamos et de moteurs, remplaçant la transmission ordinaire par bielles.

Si l'on considère, par exemple, la locomotive Heilmann, dernier modèle, qu'on attribue à la transmission électrique entre les pistons de la machine à vapeur et l'essieu le rendement maximum de 0,75 indiqué plus haut d'après le constructeur lui-même et qu'on admette pour le rendement d'une transmission ordinaire par bielles le chiffre de 0,95, on voit que la puissance de la machine à vapeur et de la chaudière est majorée dans le rapport

0,95
= 1,26,
0,75

c'est-à-dire qu'elle est de 1/4 plus grande que dans la locomotive à vapeur équivalente.

Quant au poids des dynamos et moteurs, il est de 40 t. environ pour une puissance à la jante en palier de 1 000 chevaux, soit 40 kg. par cheval.

L'accumulateur au cuivre avait paru donner une meilleure solution; mais l'usage

a forcé à l'abandonner par suite des difficultés de son entretien.

2 II y a cependant un cas où ces appareils peuvent être employés exceptionnellement dès aujourd'hui : c'est celui des mines où l'on ne peut, pour un motif quelconque, installer des conducteurs de distribution; mais cette application n'a rien de commun avec l'exploitation des grandes lignes.

Aussi la locomotive Heilmann atteint-elle un poids de 115 t. à vide et de 132 t. avec la moitié de ses approvisionnements; comme elle réalise une puissance indiquée aux cylindres de 1350 chev. et une puissance à la jante de 1000 chev. environ, on voit qu'elle pèse 130 à 150 kg. par cheval, tout compris, tandis que les locomotives à vapeur modernes à voyageurs en ordre de marche, avec des approvisionnements équivalents, ne pèsent que 75 à 100 kg. par cheval.

Cette augmentation de plus de 50 p. 100 sur le poids serait cependant, d'après M. Heilmann, sans inconvénient au point de vue du rendement sur les lignes ordinaires, parce que le coefficient de traction de ses locomotives serait réduit sensiblement dans la même proportion par rapport à celui des locomotives à vapeur actuelles. D'après les essais de M. Mazen cités plus haut, il serait seulement de 5,1 kg. par t. à la vitesse de 62,5 km h et de 7,3 kg: t. à la vitesse de 100 km: h., tandis que les locomotives à vapeur donneraient au moins 9 et 14 kg: t., c'est-à-dire presque le double 1. A la vitesse de 100 km: h. en palier, les efforts nécessaires à la propulsion de la locomotive Heilmann de 132 t. et d'une locomotive à vapeur de 85 t. seraient respectivement, avec cette manière de calculer:

7,5 × 132 = 990 kg.

et 14 X 851190 kg.,

c'est-à-dire que l'effort exigé par la locomotive Heilmann serait sensiblement plus faible.

Mais ce calcul n'est pas exact, car, ainsi qu'on l'a vu plus haut (p. 485), sur es 14 kg. de résistance de la machine à vapeur, il y en a 3 ou 4 relatifs au mécanisme et qui sont, par conséquent, déjà englobés dans le rendement organique; de telle sorte que la résistance du véhicule n'est en réalité que de 10 à 11 kg., ce qui donne seulement 850 à 930 kg. pour l'effort nécessaire à la propulsion de la locomotive à vapeur.

Il en résulte que la puissance disponible au crochet resterait à peu près la même malgré la différence des poids. La locomotive à vapeur du Nord pesant 85 t. développe 600 chevaux au crochet en palier à la vitesse de 100 km : h. et pèse, dans ces conditions, 141,5 kg. par cheval utile; la locomotive Heilmann développerait, d'après l'inventeur, à la même vitesse et en palier, 0,30 de la puissance indiquée, soit 650 chevaux au crochet 2, ce qui donnerait 203 kg. par cheval différence 40 p. 100).

En théorie, grâce à sa distribution perfectionnée et au fonctionnement à détente fixe, la machine à vapeur Willans de la locomotive Heilmann peut donner à charge variable une consommation de vapeur moyenne moindre qu'une locomotive à vapeur de même puissance indiquée; tant que les rampes ne dépassent pas la valeur limite dont nous venons de parler, la consom

1

M. Mazen cite même le chiffre de 11,2 kg: t. à la vitesse de 62.5 km : h. pour la machine à vapeur no 957 de la Compagnie de l'Ouest; mais il s'agit toujours d'une marche à régulateur fermé.

2

* Ce chiffre nous a été communiqué par M. Drouin, ingénieur chef des services techniques des établissements Heilmann, avant les résultats de l'expérience; s'il était reconnu trop élevé, la locomotive Heilmann perdrait naturellement toute raison d'être.

mation par cheval utile au crochet ou par t.-km. de train remorqué pourrait donc ne pas dépasser celle d'une locomotive à vapeur.

En fait, cette consommation, pour la première locomotive Heilmann, a été en moyenne, pendant les essais rapportés par M. Mazen, de 0,108 kg. par t.-km. de train remorqué, aux vitesses de 60 à 80 km: h.; ce chiffre serait même, d'après le rapport, tombé à 0,072 kg. à la fin des essais 1. En comparant ces chiffres à ceux que donnent les locomotives ordinaires à grande vitesse, c'està-dire 0,080 à 0,100 kg. par t. de train total 2 et à ceux des nouvelles locomotives compound, c'est-à-dire 0,060 à 0,070 kg. 3, on voit qu'ils sont inférieurs aux premiers, mais égaux ou supérieurs aux seconds. Il n'est donc pas établi que la locomotive Heilmann donnera en pratique des consommations moindres que les locomotives à vapeur les plus modernes, qui sont des appareils relativement très économiques.

Quant au rendement net de la locomotive (rapport de la puissance au crochet à la puissance indiquée), s'il atteint le chiffre de 0,471 déterminé sur la « Fusée » par M. Mazen à la vitesse de 100 km: h. et même celui de 0,50 auquel nous venons de faire allusion, il serait comparable et plutôt inférieur à celui des locomotives à vapeur, qui, à ces mêmes vitesses, atteint aujourd'hui 0,50 à 0,525. Tant que les déclivités restent faibles, la locomotive Heilmann serait donc à peu près équivalente comme puissance de traction au crochet et comme dépense de charbon à la locomotive à vapeur en régime permanent, aux grandes vitesses. Grâce à la compensation qui s'établit entre la montée et la descente et à l'élasticité de production de la chaudière, on peut admettre la même conclusion pour les lignes accidentées à courtes rampes.

Mais si la ligne présente des rampes longues et fortes, les conditions de la comparaison se trouvent considérablement modifiées par le travail de la pesanteur, qui joue alors un rôle considérable dans le travail total et ne permet plus de compenser aussi bien l'excès de poids de la machine Heilmann par une réduction d'effort de traction. Sur une rampe de 5 mm., par exemple, les efforts de traction à 100 km: h. deviendraient respectivement : pour la locomotive Heilmann,

7,5+5 12,3 kg.,

Entre Paris et Mantes, la consommation était descendue de 6,900 kg. par train-km. à 3,730 kg., moyenne 5,630 kg.

Par exemple, pour considérer les plus grosses locomotives à vapeur, dans un essai de vitesse exécuté en Amérique sur l'Empire State Express avec une locomotive de 90 t. remorquant un train de 155 t., soit en tout 250 t., à la vitesse de 304 tours d'essieu par minute (113,5 km: h.), la puissance indiquée maxima étant de 1 120 chev, et la puissance de vaporisation de 7 kg. de vapeur par kg. de charbon, la consommation de charbon a été de 1,42 kg. par cheval-heure et de 0,102 kg. environ par t. -km., au lieu de 0,09 kg. pour la locomotive Heilmann, dans des conditions équivalentes.

3 Par exemple, les récents essais de la locomotive 1760 compound du Midi ont donné une consommation de 0,050 kg. par t.-km. de train remorqué dans le cas de trains rapides à peu d'arrêts et descendants, et de 0,062 kg. pour des trains plus rapides à arrêts plus nombreux et montants.

Loc. cit.

Le minimum a été, par exemple, de 0,42, dans des essais de M. du Bousquet sur le chemin de fer du Nord à la vitesse de 101 km h. et dans des essais du Pennsyl vania R. R. à la vitesse de 105 km: h.; la moyenne a atteint 0,50.

et pour la locomotive à vapeur considérée plus haut,

105 15 kg.

Les efforts absorbés pour la propulsion des deux machines à la vitesse de 100 km h. seraient alors respectivement:

12,5 × 132 = 1 650 kg.

et 15 × 85 = 1 275 kg.

L'effort total correspondant à une puissance de 1 000 chevaux à cette vitesse 75 × 1000 × 3,6 étant de

100

= 2700 kg. et le coefficient de traction étant de 6 kg. environ pour le reste du train, celui-ci pourrait avoir respectivement, sur rampe de 5 mm m., les poids de

et

2700-1650
6 +5
2700-1275
6 + 5

=

95,5 tonnes pour la locomotive Heilmann

= 129

et sur rampe de 2 mm : m. les poids de 150 et 203 tonnes.

à vapeur.

En fait, ce dernier résultat est déjà dépassé avec les locomotives à vapeur sur plusieurs grandes lignes : par exemple, les locomotives du Great Northern et du Midland anglais, qui pèsent 80 et 85 t. respectivement, remorquent des trains de cette importance à la vitesse commerciale de 85 km : h. sur des lignes présentant d'assez longues rampes de 5 et 6 mm. par m.; les dernières machines du Nord font mieux encore, puisqu'elles ont pu remorquer des trains de 220 t. à la vitesse de 100 km: h.

La locomotive à vapeur moderne semble donc être franchement supérieure à la machine Heilmann sur les lignes à très longues rampes de 5 à 6 mm. par m., malgré la puissance indiquée plus grande attribuée à sa rivale; il en serait de même a fortiori si l'on donnait à la locomotive à vapeur une enveloppe extérieure continue et effilée analogue à celle de la locomotive Heilmann, de façon à réduire également pour toutes deux l'influence de la résistance de l'air. On doit se demander quelle sera la fatigue occasionnée aux voies et aux ouvrages d'art par une masse de 130 à 150 tonnes circulant à grande vitesse. M. Heilmann répond, avec raison, semble-t-il, que, grâce à l'emploi de ses deux bogies, la charge par essieu n'est pas supérieure à celle des locomotives actuelles et que de plus elle est constante, tandis que la charge statique d'un essieu de locomotive ordinaire est augmentée, quelquefois de plusieurs tonnes, par l'effet des contre-poids; la voie éprouverait donc moins de fatigue. Il a étudié aussi l'effet sur les ouvrages d'art et reconnu qu'un train formé de wagons de 16 t. attelés à une locomotive de 120 t. donne, jusqu'à une portée comprise entre 20 et 25 m., des moments fléchissants inférieurs à ceux du train-type défini par la circulaire ministérielle du 29 août 1891; de 25 à 40 m. environ, ces moments sont un peu plus élevés; au delà de 40 m., ils redeviennent plus faibles; la différence maxima en plus (au voisinage de 30 m.) est de 1/16 environ, ce qui ne présente rien d'inquiétant.

Ce résultat intéressant provient de la division de la charge entre un grand

« PreviousContinue »