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nombre d'essieux, tandis que dans les locomotives ordinaires près de la moitié du poids total repose sur deux essieux seulement.

Par contre, la machine Heilmann présente une cause d'infériorité très sérieuse c'est son prix élevé d'achat et d'entretien. Le prix d'une locomotive ordinaire de 1000 chev. est en Amérique de 60 000 fr., soit 60 fr.

:

par cheval,

et en France de 100 000 fr., soit 100 fr. par chev., tandis que celui d'une locomotive Heilmann de 1000 chev. à la jante des roues atteint plus du double, 250000 à 300 000 fr.

Cette différence de prix n'a rien d'étonnant, puisque la locomotive Heilmann porte 1000 chev. de matériel électrique en double et que la puissance indiquée y est beaucoup plus élevée. Mais elle a une influence très fâcheuse et très importante sur les dépenses annuelles de traction.

Par exemple, sur les chemins de fer français une locomotive d'express de 50 t. fait en moyenne 35 à 40 000 km. par an en consommant 10 à 12 kg. de charbon par kilomètre-train.

Les 400 t. ainsi brûlées par an, au taux de 20 fr. la t., correspondent à une dépense de 8 000 fr. En admettant que la locomotive Heilmann, qui fera, comme on vient de le voir, un service équivalent, économise 20 p. 100 de ce combustible, on réaliserait de ce chef une économie de 1 600 fr. seulement. Mais comme elle coûte 150 000 fr. de plus qu'une locomotive ordinaire, l'intérêt et l'amortissement à 6 p. 100 de cet excédent de capital représentent une augmentation de dépense de 9 000 fr. Dans ces conditions, même en admettant que cette locomotive n'exige aucun personnel supplémentaire et que son entretien ne soit pas plus coûteux que celui d'une locomotive ordinaire, elle serait encore en état d'infériorité économique par le seul fait de son prix d'achat beaucoup plus élevé.

En fait, elle exigera un troisième agent, soit 3 000 fr. par an, ce qui porte à 12 000 fr. au minimum l'excédent des dépenses, que d'autres ont même évalué à 16 000 fr. 1.

A cette objection capitale les constructeurs répondent, non sans quelque logique, que leur locomotive, étant plus puissante, pourra transporter un nombre plus grand de voyageurs et réaliser, par suite, des recettes plus élevées pour couvrir les 16 000 fr. précédents il suffirait d'une augmentation de 143 000 voyageurs-kilomètres par locomotive, ce qui équivaut à trois transports aller et retour de 30 voyageurs supplémentaires par train de Paris à Marseille; il semble donc facile de couvrir le déficit et de le remplacer par un bénéfice. Cette réponse n'est cependant pas aussi satisfaisante qu'elle en a l'air, car pour transporter un excédent de voyageurs il faudrait un matériel supplémentaire, dont les frais d'amortissement et d'entretien viendraient s'ajouter aux 16 000 fr. précédents et ne permettent pas de compter sur une aussi facile compensation, à moins de faire entrer en ligne de compte des économies éventuelles sur l'entretien de la voie ferrée.

Conclusions relatives aux locomotives automotrices. - En résumé, si les locomotives automotrices présentent le même truck

'De Marchena, Bulletin de la Société des Ingénieurs Civils, 1896.

et les mêmes avantages comme véhicules que les locomotives purement électriques, elles n'en ont pas la légèreté; elles peuvent, il est vrai, grâce à la disposition du châssis à bogies, recevoir une chaudière plus puissante que celle des locomotives à vapeur construites actuellement en France; mais le poids de l'ensemble croit en même temps dans une proportion sensiblement plus forte que la puissance à la jante. Pour que la puissance disponible au crochet puisse, dans ces conditions, dépasser celle d'une locomotive à vapeur moderne, il faut que le coefficient de traction soit très inférieur à celui des locomotives à vapeur; ce résultat n'est possible qu'aux grandes vitesses et il reste encore à établir définitivement par l'expérience que dans ces conditions la réduction atteint bien à régulateur ouvert pour les locomotives de 1 000 chev. les chiffres cités et critiqués plus haut pour les machines à régulateur fermé.

S'il en était ainsi, la locomotive Heilmann, permettant de remorquer des express plus lourds ou plus rapides que les express actuels, présenterait une raison d'être pour les services de voyageurs des grandes lignes, par suite de la difficulté qu'on éprouve à accroître davantage la puissance des locomotives à vapeur ordinaires; son poids peut, du reste, être sans inconvénient pour la voie et les ouvrages d'art.

Mais il ne faut pas se dissimuler que les avantages que nous avons fait valoir en sa faveur n'ont qu'un intérêt théorique et que la véritable question pratique, c'est celle du prix de revient; or, pour la nouvelle machine, le prix élevé d'achat, la complication du mécanisme, les frais beaucoup plus élevés d'entretien et de personnel ne pourraient être compensés que par une économie de combustible, que l'expérience n'a pas fait ressortir, quoi qu'on dise, et par un supplément de recettes résultant d'une plus grande capacité possible des trains remorqués, qui reste douteuse.

La locomotive Heilmann peut-elle réellement développer à la vitesse de 100 km: h., en palier et en régime permanent, une puissance supérieure à celle de la locomotive à vapeur moderne et cette dernière ne peut-elle arriver au mème résultat à un prix beaucoup moindre? Voilà donc la double question préalable dont il nous parail sage d'attendre la réponse avant de vouloir porter un jugement définitif, qui risquerait, en l'état actuel, d'être partial ou injuste.

Si l'expérience répond négativement, nous ne voyons pas bien à quel service ces locomotives pourraient être appliquées peutêtre à l'exploitation des lignes de montagne à fortes déclivités et à faibles rayons, lorsqu'on ne pourra y employer les locomotives électriques proprement dites; mais là encore le poids mort considérable viendra réduire beaucoup l'efficacité du système. Celui-ci ne se présentera avec avantage que s'il s'agit de construire une ligne nouvelle, grâce à l'économie des frais de construction qu'il pourra permettre de réaliser par l'adoption de déclivités plus grandes en adaptant des moteurs non seulement aux essieux de la locomotive, mais à tous les essieux du train comme l'avait proposé d'abord M. Heilmann.

Mais, quel que puisse être notre sentiment sur le système, ce serait une grande injustice de ne pas reconnaître l'extrême ingéniosité de celui-ci et les multiples difficultés vaincues ; les hommes d'initiative de la trempe de M. Heilmann sont trop rares en France et font trop honneur à notre pays pour que nous ne désirions pas rendre à l'inventeur le sincère hommage que méritent son talent et sa courageuse persévérance et exprimer le souhait que ceux-ci ne soient pas stériles. D'ailleurs, l'exemple de bien des inventions heureuses qui ont été condamnées, à l'origine, par les savants et les spécialistes contemporains nous apprend qu'il faut se garder de porter un jugement précipité sur un système nouveau.

-

§ 5. LOCOMOTIVES INDUSTRIELLES POUR MINES, CHANTIERS,

USINES, ETC.

Généralités. — Comme nous l'avons dit déjà, la traction électrique par locomotives a depuis longtemps trouvé des applications dans les mines et plus généralement dans diverses industries où l'on a accessoirement des transports à effectuer.

La traction électrique dans les galeries de mines se fait par les mêmes procédés que sur les voies ferrées à la surface du sol;

Les nouvelles locomotives sont à l'essai depuis le mois de décembre 1897, sur le réseau de l'Ouest; mais les résultats sont encore tenus secrets.

des types de locomotives spéciaux, très aplatis, bien que très puissants, et à certains desquels leur forme a valu le nom de « dos de tortue », permettent aux trains électriques de suivre les galeries les plus basses; leur vitesse est généralement de 6 kilomètres à l'heure environ.

La puissance de ces locomotives a été constamment en croissant les plus anciennes, installées en 1882 et 1883 dans les mines. allemandes de Zaukerode, Neu-Stassfurt, Hohenzollern, ne développaient que 4,5 chev. sous un poids de 1,5 t. environ; les premiers types américains employés dans les mines de Lykens, Erie, etc. développaient déjà 40 et même 60 chev. sous des poids de 6 à 9 t. ; enfin, aujourd'hui des locomotives de 100 et 200 chev. sont employées dans certaines exploitations.

Avantages de la traction électrique dans les mines, chantiers, etc. - Les moteurs électriques présentent pour la traction dans les mines des avantages précieux ils n'échauffent pas l'air, ne le vicient pas, n'en absorbent pas l'oxygène, et suppriment les dangers d'incendie et d'explosion, l'échauffement et les émanations dangereuses des locomotives à vapeur.

La manœuvre de ces engins est beaucoup plus commode que celle des moteurs à vapeur ou à air comprimé : ils sont, en effet, moins lourds, plus faciles à déplacer et à entretenir, et la régulation de leur vitesse est plus précise et plus simple.

Ils permettent de réaliser, sous un gabarit donné, des puissances incomparablement supérieures à celles des locomotives à vapeur et peuvent être réduits à une hauteur extrêmement faible.

La canalisation, formée de conducteurs en cuivre, est plus souple, incomparablement plus facile à poser, à déplacer et à entretenir qu'une canalisation d'air comprimé. La même distribution peut servir à l'éclairage et à la distribution de force, ce qui est impossible avec les procédés mécaniques 1.

Enfin, l'économie d'installation et d'exploitation est plus grande qu'avec aucun autre système, grâce à la possibilité de concentrer toute la production d'énergie, pour les travaux de fond et ceux du jour, dans une seule usine placée à la surface et munie de machines d'un bon rendement; la suppression des fuites et des pertes constantes dans les transmissions contribue, en outre, à réduire les dépenses annuelles.

La traction électrique est surtout économique par rapport au mode suranné de transport par chevaux. Elle constitue véritablement le seul mode de traction mécanique applicable dans les mines. La traction par chaine flottante n'a, en effet, qu'un champ d'action très limité, par suite de la nécessité d'éta

Dans les mines grisouteuses, malheureusement, on doit renoncer à la traction électrique par conducteurs à cause des étincelles au contact des frotteurs et des conducteurs de prise de courant.

blir des galeries droites, et les systèmes par câbles ont l'inconvénient d'encombrer les galeries et de rendre la circulation dangereuse pour les ouvriers. Quant à l'air comprimé, l'expérience a démontré que, dans les mines, il ne donne qu'un rendement maximum de 20 à 30 p. 100, tandis que l'électricité permet d'atteindre aisément sur l'outil 50 ou 60 p. 100 de la puissance prise sur le moteur de la génératrice, toutes pertes comprises. On a trouvé, d'autre part, que la traction minière par locomotives électriques revient, en moyenne, dans les mines allemandes à 0,11 fr. la tonne-kilomètre, au lieu de 0,16 fr. par chevaux et 0,26 fr. par hommes. Aux houillères de Marles, en France, l'économie a encore été trouvée plus grande: 0,08 fr. en moyenne, au lieu de 0,15 fr. avec la traction par chevaux 1.

1

Le prix de revient de la traction électrique au siège n° 4 des mines de Marles a été établi de la manière suivante par M. Baily, ingénieur de cette compagnie (Cf. Publications de la Société des Ingénieurs du Hainaut, t. I, 3" fascicule, 1892, p. 216). L'installation a coûté :

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Combustible 2 kg. par cheval et par heure (on brûle de l'escaillage), soit 800 kg. en 10 heures ou environ 1 t. à 5 fr.

Salaires :

2 mécaniciens à 3,50 fr., 2 aides à 2,50 fr., 2 suiveurs
de trains à 1,50 fr. 20 p. 100 de primes
Total

Elle remplace une dépense journalière de :

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18,06 fr.

5,00

18,00

41,06 fr.

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soit en faveur des locomotives électriques une économie journalière de 30,70 fr. ou 42,5 p. 100.

Par tonne kilométrique, le prix de revient est de 0,084 fr. par locomotives et de 0,148 fr. par chevaux. En marchant avec des trains de 12 berlines à la vitesse de 3,46 m.

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