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L'attaque est due à l'électrolyse des sels (chlorures, sulfates, azolates, etc.) contenus dans le sol et qui se décomposent sous le passage du courant'.

L'élément électropositif du sol (métal, hydrogène ou base non dangereuse) suit le courant, l'élément électronégatif (oxygène, chlore, acide, etc.) se portant au contraire sur la surface métallique (fer, fonte, plomb, cuivre) que quitte le courant et l'attaquant en formant un oxyde ou un sel.

L'attaque en un temps donné est proportionnelle à la quantité d'électricité qui a passé et non à la différence de potentiel: un courant de 1 ampère pendant un mois produit le même dégât que 30 ampères pendant un jour. La quantité de métal attaquée dépend, en outre, de la nature de ce métal un ampère passant pendant une heure dissout par exemple 0,697 gr. de fer transformé en sesquioxyde ou sel de sesquioxyde, 3,858 gr. de plomb transformé en sel de protoxyde, 2,355 gr. de cuivre transformé en sel de protoxyde. A raison de 5 000 heures de fonctionnement par an, on voit qu'une fuite de 1 ampère en un point d'une conduite peut détruire en un an au moins 5 kg. de fer, 19 kg. de plomb et 11 kg. de cuivre. Si l'attaque était uniforme, on pourrait, d'après la valeur du courant de perte et l'aire de la surface de sortie, calculer l'épaisseur rongée en un an; mais l'expérience apprend que l'attaque

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se fait seulement par petits points distribués irrégulièrement comme des taches de petite vérole; la perforation a donc lieu beaucoup plus tôt que ne l'indiquerait le calcul.

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Appréciation du danger d'électrolyse. D'après ce qui précède, on voit que les seules parties d'une conduite qui soient en danger sont les joints où passe le courant maximum et les surfaces qui sont à un potentiel plus élevé que les rails situés à proximité (c'est ce qu'on appelle « être positives par rapport aux rails »). On peut

1 Il faut se garder d'assimiler ce phénomène à la décomposition de l'eau acidulée dans un voltamètre à électrodes de platine; la question est absolument différente et on ne trouve pas ici de tension limite de décomposition comme dans le voltamètre.

donc dans une ville tracer des cartes intéressantes indiquant les régions dangereuses et non dangereuses; c'est ce qu'ont fait beaucoup d'ingénieurs américains, à commencer par M. Farnham en 1891'. Mais il faut se garder d'attribuer à ces cartes une valeur absolue, car souvent la répartition des potentiels subit des changements et en tout cas la terre est fréquemment si mauvaise conductrice que deux conduites voisines peuvent se trouver à des potentiels différents; nous avons dit plus haut qu'on a vu assez souvent en Amérique des incendies allumés par des arcs jaillissant entre une conduite d'eau et une conduite de gaz voisines d'un réseau de tramways.

Il est plus difficile d'apprécier quantitativement le danger, faute de données d'expérience suffisantes à cet égard. Si l'on connaissait le courant total qui parcourt une conduite, on pourrait avoir une idée du risque d'attaque des joints, mais non de celui d'attaque à la sortie, car tout dépend de l'aire par laquelle se fait cette sortie. D'autre part, il est assez difficile de mesurer pratiquement ce courant, bien qu'on puisse y arriver, comme on le verra au paragraphe 3, en intercalant dans la conduite un joint franchement isolant et en reliant les deux tuyaux contigus à ce joint par une ligne de connexion brasée ou bien jointée contenant un ampèremètre.

On a cru trouver un procédé d'appréciation plus commode en mesurant la différence de potentiel entre les conduites là où elles sont positives par rapport aux rails voisins. Mais cette mesure, pour être valable, exige des précautions spéciales que nous décrirons à propos des méthodes de contrôle. Même bien faite, elle n'a d'ailleurs que peu de signification, car rien ne permet d'en déduire sûrement une appréciation du courant de perte allant des conduites aux rails, la valeur de ce courant dépendant essentiellement de la conductibilité du sol. Là où le sol est sec, une différence de potentiel de 20 volts peut ne produire aucune électrolyse sensible, tandis qu'à peu de distance du même point, avec un sol très humide, une différence de potentiel de 4 volts donnera lieu à une corrosion notable. Les sels alcalins, les fuites de gaz

Cf. Trans. Am. Inst. El. Eng., 18-25 avril 1894.

augmentent la conductibilité et l'attaque. Ces différences de conductibilité de la terre peuvent produire le long d'une même conduite des phénomènes curieux de sortie et de rentrée alternative des courants dérivés.

Une mesure du courant de fuite qui passe entre la masse métallique et les rails ou la dynamo, supposés reliés par un ampèremètre, ne donne pas d'indications meilleures, car la liaison métallique ainsi effectuée peut suffire à troubler complètement la valeur des dérivations et à leur donner une importance apparente bien supérieure à la réalité. Il en est de même des plaques de terre que certains auteurs et même le règlement anglais que nous citons plus loin (p. 781) recommandent d'établir à la station génératrice avec un ampèremètre en série pour mesurer le courant qui rentre par cette voie à la station. On peut ne constater aucun retour du courant par la plaque de terre, tout en trouvant à quelques centaines de mètres de là de graves attaques de conduites.

La vérité, il faut bien l'avouer, c'est qu'on n'a jusqu'ici aucun bon critérium de la valeur du danger. Tout ce qu'on peut faire, c'est de réunir pour l'avenir des documents expérimentaux et, en attendant, de vérifier de temps en temps, en mettant les conduites à nu, si elles présentent ou non des traces d'attaque. Ces visites n'ont d'ailleurs d'intérêt qu'aux points où l'attaque doit être maxima, c'est-à-dire dans la région de sortie des courants et au milieu de la longueur des conduites suivant une ligne de retour, car c'est là que le courant dans la masse métallique et par suite l'attaque aux joints atteignent leur maximum. Pour faciliter l'inspection des surfaces de sortie des courants dérivés et la localiser, il faut avoir soin, comme l'a indiqué M. Pearson en 1892, de mettre toujours le pôle négatif des dynamos en relation avec les rails et le pôle positif avec la ligne aérienne; de cette façon, la zone dangereuse, où les conduites sont positives par rapport aux rails, se trouve autour de l'usine et n'occupe qu'un territoire restreint.

Ce n'est que dans des cas exceptionnels qu'on peut être amené à opérer autrement, par exemple sur les lignes suburbaines où il n'y a pas de conduites souterraines et où la grande vitesse du trôlet occasionnerait des arcs destructifs pour le fil.

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Moyens à employer pour éviter les dangers de l'électrolyse. La mise du pôle négatif à la terre, dont nous venons de parler, localise, mais ne réduit pas le danger. On a proposé dans ce but une foule d'artifices dont la plupart sont aujourd'hui abandonnés.

Le premier qui vienne à l'esprit, c'est d'isoler les rails du sol. On peut se rapprocher de ce desideratum en plaçant les voies sur une fondation de béton ou de pierres cassées parfaitement drainée, avec une chape en asphalte, et

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même, s'il y a lieu, en noyant les rails sur toute leur hauteur dans du béton d'asphalte. Mais une semblable disposition coûte très cher et ne dispense pas de donner aux rails une bonne continuité électrique; elle est d'un entretien très difficile; enfin elle peut donner lieu à des accidents par excès d'isolement lorsqu'il y a des joints défectueux, car, s'il venait à se produire un court-circuit sur une voiture, une partie des rails mal reliés à la dynamo se mettraient au potentiel élevé de la ligne aérienne et deviendraient dangereux pour les per

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sonnes et les immeubles. Pour ces motifs, cette solution ne peut être conseillée en dehors de cas exceptionnels.

Le procédé le plus séduisant en apparence consiste à soutirer le courant de retour des conduites ou masses menacées par une ou plusieurs liaisons métalliques les réunissant soit aux rails, soit au pôle négatif de la dynamo génératrice (fig. 20) (système Farnham); en intercalant au besoin une dynamo auxiliaire (ou sous-volteur) dans le circuit de liaison (fig. 21) (systèmes Brown, Thomson, etc.), rien n'est plus facile que de rendre les conduites négatives par rapport aux rails sur toute leur longueur, et il semble que tout danger disparaisse ainsi. Mais le plus souvent il n'est que déplacé, et le remède peut être pire que le mal. D'une part, en effet, on augmente par cette liaison la conductibilité des circuits de pertes et, par suite, on peut déterminer des dérivations partant d'autres masses métalliques pour aboutir à celle qu'on a reliée (fig. 20); ces masses seront attaquées à leur tour. D'autre part, si la

conduite n'est pas continue, mais présente des joints mauvais conducteurs, ceux-ci, soumis au passage de courants plus intenses qu'auparavant, seront plus attaqués; le mal sera plus difficile à combattre, car il ne sera pas localisé en une seule région de la conduite, mais se reproduira tout le long de celle-ci. Enfin, sur beaucoup de réseaux, le sens du courant dans certaines parties du circuit du retour change avec la répartition des voitures; telle jonction qu'on a cru faire du côté où les conduites sont positives, pourra au contraire se trouver dans la région négative et jouera ainsi un rôle funeste en augmentant les risques d'attaque à l'autre pôle.

En bonne logique, on doit éviter autant que possible d'augmenter la conductibilité du sol entre les conduites et le circuit de retour, et nous conseillerons plus loin (§ 3) de mesurer la résistance d'isolement entre ces deux masses afin de voir si cette condition est suffisamment remplie. Dans l'état actuel de l'industrie, la véritable solution générale, la seule qui ne puisse donner lieu à des mécomptes dans les limites où elle peut être efficace, consiste à uniformiser le plus possible le potentiel tout le long de la voie de retour. On conçoit, en effet, que dans le cas où cette voie serait toute entière à un potentiel uniforme, il ne pourrait se produire aucun échange de courants d'un point à un autre. C'est donc là un idéal, irréalisable rigoureusement, mais dont on doit chercher à se rapprocher le plus possible, autant que le permet l'économie de construction.

Limitation de la différence de potentiel. Pour définir le degré d'uniformisation qu'on doit réaliser, on est conduit à fixer une limite de différence de potentiel le long du réseau de retour, de même qu'on limite sur un réseau de lumière cette différence pour assurer la conservation des lampes à incandescence. Il semble qu'il y ait là une base pratique et commode de réglementation.

La difficulté, c'est de fixer rationnellement la valeur de celle limite. Quand on veut le faire, on reconnait tout d'abord qu'aucune considération théorique ne peut la déterminer, car les solutions salines contenues dans le sol se décomposent sous les f. é. m. les plus faibles et tendant vers zéro. Ce fait a été établi par des expériences du Prof. Dugald Jackson et vérifié d'autre part par l'un de nous au moyen d'une méthode très différente. Il suffit, du reste, de laisser pendant quelques jours dans une solution de chlo

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