Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

Protection des ponts métalliques. Lorsque les voies traversent un pont métallique, il est à craindre que les courants qui suivent les rails et qui sont souvent très importants ne soient dérivés à travers la masse de l'ouvrage et ne donnent lieu à des corrosions dont les effets seraient encore plus redoutables que pour les conduites métalliques. Le même danger de dérivations se présente indirectement et à un degré beaucoup moindre pour tout pont traversé par des conduites métalliques voisines, en un autre point, des voies du tramway. Il y a lieu d'examiner les précautions à prendre contre ces deux causes de dérivation.

La première et la plus simple, c'est d'isoler les rails et les conduites. Pour cela, on asséchera parfaitement les matériaux formant la chaussée entre les rails et le tablier; on aura soin de ne faire reposer ni les rails ni les conduites directement sur la charpente du pont, mais de les en séparer par des substances isolantes. L'emploi sous chaque rail d'un massif de béton recouvert d'un enduit d'asphalte et la pose des pavés voisins à bain de mortier s'opposeront efficacement au passage des courants dérivés. On pourrait améliorer encore ces dispositions, si c'était nécessaire, par l'emploi d'une chape générale en asphalte ou en noyant les rails sur toute leur hauteur dans une garniture de béton d'asphalte; mais ce sera en général superflu.

En second lieu, la continuité électrique des rails devra être assurée avec plus de soin encore que sur les autres parties du retour. On devra surtout parer à tout risque de rupture des connexions de joints, en employant celles-ci en double; avec des voies soudées, des jonctions de sûreté devront également être prévues.

On pourra considérer en pratique le danger d'attaque comme négligeable si la différence de potentiel entre les rails des deux extrémités du pont est inférieure à 0,25 volt et si en aucun point le pont n'est positif de plus de 0,25 volt au-dessus du potentiel des conduites qu'il supporte. La première de ces conditions est aujourd'hui admise par le Comité d'Électricité du ministère des Postes et Télégraphes et par la Commission des Distributions électriques d'énergie du ministère des Travaux Publics.

Nous indiquerons au paragraphe 3 les procédés de contrôle correspondants.

Si, au bout d'un certain temps, on constatait que ces conditions ne sont plus remplies ou qu'il y a attaque du pont à la sortie, ce qui est peu vraisemblable, on pourrait faire disparaître cet accident par l'amélioration soit de l'isolement des rails, soit de leur conductance. Celle-ci peut toujours être rendue aussi parfaite qu'on le désire en plaçant sur le pont un conducteur isolé de grande section, relié aux rails aux deux bouts du pont et calculé de façon qu'en le supposant suivi par le courant total qui traverse le pont il donne lieu à une chute de potentiel inférieure à la limite fixée.

D'autres procédés ont aussi été proposés par exemple, on pourrait essayer de placer en terre à l'entrée du pont (côté par où il reçoit le courant) un filet métallique relié directement à l'usine par un feeder et captant les courants dérivés; un feeder aboutissant aux rails et disposé de façon à réduire au minimum le courant sur le pont sera en tout cas avantageux; enfin on peut relier l'autre extrémité du pont (celle par où sort le courant) aux rails et aux conduites de façon à égaliser leurs potentiels respectifs; mais cette dernière solution est sujette aux mêmes objections que les liaisons de conduites aux rails et ne parait pas pouvoir être recommandée, étant donné surtout les changements de signe possibles des courants traversant le pont.

Les précautions indiquées ci-dessus suffisent, croyons-nous, à mettre les ponts à l'abri de tout danger sérieux et peuvent tranquilliser absolument les ingénieurs. Ceux-ci pourront, du reste, vérifier de temps en temps de visu l'état des pièces de pont et des poutres sur la culée par où sort le courant.

Il va sans dire que, si des conducteurs d'énergie suivent un pont métallique, ils devront être parfaitement isolés de la charpente métallique et munis d'interrupteurs de sectionnement aux deux extrémités de l'ouvrage.

IV.

PERTURBATIONS CAUSÉES AUX COMMUNICATIONS
TÉLÉGRAPHIQUES ET TÉLÉPHONIQUES

Généralités.

En dehors des dangers matériels provenant, comme on l'a vu plus haut, d'un contact accidentel, les lignes télégraphiques et téléphoniques sont exposées de la part des lignes de distribution d'énergie à des inconvénients très gênants. Les communications sont soumises, du fait de leur voisinage, à des perturbations plus ou moins importantes les courants des installations industrielles étant en général des milliers ou des millions de fois plus intenses que les courants télégraphiques ou téléphoniques, les effets produits par les premiers peuvent, malgré une faible valeur relative (par exemple une perte de 1/1000 ou 1/1000000 du courant total), acquérir une importance prépondérante par rapport aux seconds. On conçoit donc que la protection des services considérés soit un problème très délicat et dispendieux à résoudre.

Nous n'entrerons pas ici dans le détail des solutions appliquées;

cette étude est du reste presque exclusivement du ressort des ingénieurs des télégraphes et échappe à notre compétence. Nous donnerons seulement quelques connaissances générales sur les questions que doivent connaître les agents du contrôle '.

Causes des perturbations. -Les perturbations produites par les entreprises de traction électrique peuvent avoir deux origines différentes :

1° Un mélange de courants, résultant en général de l'emploi de la terre comme conducteur de retour par les téléphones : les courants de la ligne de traction produisant, comme on l'a vu, à la surface du sol, des différences de potentiel du même ordre que la f. é. m. des piles employées dans les circuits téléphoniques peuvent déterminer dans ce scircuits des courants de même grandeur, ou même beaucoup plus importants, que ceux qui servent aux communications; comme les courants de traction sont constamment variables, ils donnent ainsi lieu à des bruits plus ou moins intenses; l'effet est d'autant plus marqué que les terres du téléphone sont plus voisines des rails et que la chute de potentiel le long de ceux-ci est plus forte; il suffit en général d'une différence de potentiel de 7 volts entre deux terres pour amener la chute des annonciateurs téléphoniques, ce qui conduit l'administration des Postes et Télégraphes à imposer une limite de 5 volts;

2o Des effets d'induction à distance, soit électromagnétiques, soit électrostatiques, par suite desquels toute variation de courant dans les conducteurs d'énergie détermine dans les canalisations télégraphiques voisines des ondulations électriques, dont la grandeur et la période dépendent des constantes (résistance, capacité, self-induction) des lignes considérées et de la longueur des parties placées parallèlement aux conducteurs d'énergie ; les effets élec

3

La plupart de ces remarques sont empruntées à de très complets rapports de feu le D' Wietlisbach au Congrès international des Electriciens de Genève, en août 1896, et de M. van Vloten à l'Union permanente des Tramways, à Stockholm, la mème année. * Un courant constant ne produirait aucun bruit dans les téléphones et ne pourrait occasionner qu'un échauffement supplémentaire du fil.

3 Au point de vue électrostatique, les conducteurs de tramways et les conducteurs téléphoniques voisins jouent le rôle des deux armatures d'un condensateur dont le dielectrique est formé par les isolants réunis par la terre conductrice. Toute variation

trostatiques se font sentir les premiers et déjà à des distances de 50 à 300 m., suivant la longueur des circuits.

Suivant les cas, la dérivation ou l'induction est la plus gênante.

Remèdes et correctifs. Les perturbations de la première catégorie peuvent être assez facilement réduites en diminuant la chute du potentiel le long du retour et en éloignant les prises de terre téléphoniques le plus possible des voies. On les évite plus sûrement en remplaçant la terre comme retour commun des fils télégraphiques ou téléphoniques par un conducteur métallique isolé. D'après M. Piérard 2, il conviendrait de donner à ce fil mêmes dimensions et constantes qu'aux fils d'aller; pour éviter les indiscrétions résultant des dérivations de ligne à ligne, cet auteur a proposé de ne mettre la terre de chaque poste sur le fil de retour commun qu'au moment où ce poste fonctionne. Les résultats obtenus dans certaines villes, notamment à Dijon, sont d'une manière générale satisfaisants.

Ce procédé n'est cependant pas toujours suffisant, car, s'il subsiste des défauts d'isolement sur les canalisations, elles peuvent donner lieu à un échange de courants. C'est le cas surtout si les deux espèces de canalisations sont placées sur les mêmes poteaux. Il faut donc veiller à ce que l'isolement des conducteurs d'énergie et de téléphone soit le plus parfait possible.

Les perturbations de la seconde catégorie, dont les effets électrostatiques sont en général les plus importants, sont beaucoup plus difficiles à annuler. On peut attribuer les variations rapides de courant qui donnent lieu au bruissement perçu dans les téléphones à quatre causes principales:

1° Pulsations du courant des génératrices;

20 Variations du contact des roues des voitures avec les rails;

3o Ruptures ou variations du contact de l'appareil de prise de courant avec le fil aérien ;

4o Ondulations de la f. é. m. des moteurs des voitures et surtout effets des contacts variables du collecteur sous les balais.

La première cause est peu sensible avec les dynamos à courant continu. En tout cas, il semble difficile de l'annuler plus complètement qu'on ne le fait jusqu'ici, car l'intérêt même de la conservation des collecteurs des dynamos conduit les constructeurs à leur donner un nombre de touches suffisant. La prescription du Board of Trade qui exige un courant bien constant est donc plus théorique que pratique en ce qui concerne ces machines; mais elle con

de charge des uns produit donc une variation correspondante de charge des autres et. par suite, des courants de déplacement dans le circuit dont les conducteurs formant armature font partie. Cet effet se produit sans que les conducteurs voisins aient besoin d'etre parallèles; il est proportionnel à la capacité relative des surfaces des parties voisines et, par suite, croit avec la longueur des cables et en raison inverse de leur éloignement. L'induction électromagnetique exige un certain parallelisme entre les circuits inducteurs et induits pour que les ondes électromagnétiques produites par le premier coupent le second; les courants induits sont proportionnels aux variations du courant inducteur et en raison inverse de la résistance du circuit induit.

[ocr errors]

Voir les procédés d'uniformisation indiqués au paragraphe précédent.

2 Bulletin de l'Association des Ingénieurs de l'Institut Montefiore, 22 mai 1895.

duit à interdire l'emploi des courants alternatifs, que nous considérerons à part plus loin.

La seconde et la troisième cause, mises en évidence l'une par M. J. H. West1, l'autre par le Dr Du Riche Preller dans deux intéressants travaux 2, ne sauraient étre méconnues. Les remarques du second de ces auteurs en particulier sont très intéressantes en ce qu'elles tendent à établir une supériorité de l'archet ou du frotteur sur le trôlet comme appareil de prise de contact, par suite de ses moindres vibrations.

Mais, d'après ses recherches expérimentales, le Dr Wietlisbach, sans nier ces causes de perturbation, a conclu3 qu'il ne fallait pas leur attribuer une part prépondérante et que c'est à la dernière, c'est-à-dire à l'effet des moteurs euxmêmes, qu'appartient le rôle principal dans le bruit persistant qu'on entend dans les téléphones. Ce bruit varie peu, il est vrai, avec le nombre de touches au collecteur; mais l'expérience a montré qu'il persiste lorsque la voiture est arrêtée et qu'en la soulevant sur un chevalet on continue à faire tourner les moteurs; il semble donc provenir principalement d'un effet de microphone produit par les vibrations des balais en charbon des moteurs.

Sans vouloir discuter ces diverses opinions, il nous parait établi que les effets perturbateurs principaux sont tous du même genre, c'est-à-dire proviennent des variations des divers contacts existant dans le circuit d'un tramway.

Pour réduire les perturbations par induction, il serait désirable que les conducteurs d'énergie positif et négatif fussent parallèles et très rapprochés, comme sur les lignes à conduite souterraine ou à double trôlet; mais c'est une disposition trop dispendieuse pour qu'on puisse en général l'imposer. Sur les lignes à simple trôlet, on peut réduire dans certains cas l'effet perturbateur en alimentant chaque section de la ligne aérienne par ses deux extrémités, de sorte que les courants arrivant à chaque voiture en sens inverse produisent des actions inductives contraires. Quand les perturbations sont trop intenses et que le système du retour commun indiqué plus haut ne donne pas de résultat, on est obligé soit de déplacer les lignes télégraphiques et téléphoniques, soit de les doubler en donnant à chacune un fil d'aller et un fil de retour séparés parallèles et très rapprochés. C'est un remède radical pour des installations à courant continu et son seul inconvénient est d'être coûteux. Mais il peut ne pas être encore suffisant pour les tramways à courants alternatifs, qui donnent lieu non seulement à des courants dérivés importants, s'il y a le moindre défaut d'isolement, mais surtout à des effets d'induction continuels et très intenses: même avec des fils doubles, une ligne aérienne parallèle sur quelques centaines de mètres à la ligne de tramway est, si elle présente une certaine capacité, le siège d'un courant parasite assez intense pour rendre les communications impossibles; il faut alors loger les fils téléphoniques dans des tuyaux souterrains, ce qui est très dispendieux.

'Elektrotechnische Zeitschrift, 1896.

The Electrician, 10 janvier 1896. M. Du Riche Preller a constaté des perturbations beaucoup moins fortes à Genève (frotteur) et à Bâle et Mulhouse (archet) qu'à Zürich, Marseille et le Havre (trôlet).

3 Loc. cit.

Il y a là, comme l'a dit M. Wietlisbach, non plus une lutte courtoise, mais un véritable abus de force de la part de l'installation de tramway à l'égard des téléphones.

« PreviousContinue »