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Lorsqu'une ligne télégraphique ou téléphonique influencée s'étend très loin de la région où elle subit l'action des courants de tramway, on peut éviter le doublement du fil au delà de cette région à l'aide des translateurs, appareils analogues aux transformateurs et qui permettent de transmettre les communications entre deux lignes non reliées métalliquement.

Imputation des dépenses nécessitées par les modifications des lignes télégraphiques ou téléphoniques. En Amérique et en Angleterre, il n'y a pas de monopole télégraphique, et la gène causée par une compagnie de tramways à l'exploitation d'une compagnie de téléphones donne lieu à des actions civiles. dont les résultats sont habituellement défavorables aux entreprises téléphoniques. Le juge américain n'admet pas en général que celles-ci aient un privilège sur le retour par la terre et, lorsqu'elles sont génées par les courants des tramways, il estime avec quelque logique qu'elles doivent simplement rentrer dans le droit commun en employant des conducteurs de retour comme toutes les autres industries électriques. Le juge anglais rejette également les réclamations des compagnies téléphoniques lorsque rien n'est stipulé en leur faveur dans l' « act » déclarant l'utilité publique du tramway: c'est la concession accordée à l'entreprise de traction qu'il considère dans ce cas comme la mettant a priori à l'abri de tout recours civil, tant qu'elle ne sort pas des procédés admis et qu'elle les emploie d'une façon normale et raisonnable; c'est une manière de voir qui paraîtrait singulière en France. Quant au règlement du Board of Trade, il n'impose au concessionnaire d'autre obligation que d'intercaler dans ses lignes, à la requête des autres compagnies, des bobines de self-induction pour y réduire les pulsations de courant ; cette mesure est généralement inefficace. En Belgique, M. van Vloten estime qu'il serait injuste de réclamer en principe l'intervention pécuniaire des compagnies de tramways en vue de l'établissement du second fil, parce qu'une canalisation téléphonique à simple fil est incomplète et que, d'autre part, les tramways constituent un service d'utilité publique plus important que les téléphones par exemple, à Bruxelles, ces derniers ont 3 000 abonnés, tandis que les tramways transportent journellement 80 000 voyageurs.

Nous partagerions volontiers cette manière de voir en ce qui concerne l'imputation de la dépense du second fil, quand il devient nécessaire, en faisant observer en outre que les chaussées ont été faites, en définitive, pour les besoins de la circulation et non pour ceux de la téléphonie, qui est le plus souvent le privilège de quelques particuliers. Mais nous devons ajouter que l'état prospère des compagnies de tramways électriques peut justifier dans bien des cas de leur part quelques sacrifices en faveur d'un autre service d'utilité publique moins fortuné, lorsque les perturbations causées par les tramways nécessitent des modifications trop lourdes pour ce dernier. En tout cas, tous les déplacements de lignes existantes ou les modifications autres que l'addition d'un second fil constituent réellement des dommages dont les compagnies téléphoniques ont le droit d'ètre indemnisées tout aussi bien et au même titre que des dépenses qu'elles sont obligées de faire pour des appareils de garde ou des coupe-circuits.

Il est probable qu'en France et en Allemagne, s'il n'y avait pas de monopole téléphonique, ces principes auraient prévalu et que les litiges auraient fait

l'objet de procès civils, où l'on eût apprécié dans chaque cas l'importance relative des services rendus par les deux industries et leurs ressources, pour partager entre elles le plus équitablement possible les frais des modifications nécessaires. Mais l'Etat, propriétaire des services télégraphiques et téléphoniques, a fait trancher la question législativement suivant un autre principe, plus simple et aussi, il faut le reconnaitre, plus avantageux pour lui. D'après l'article de la loi du 25 juin 1895, mentionnée plus loin, tous les frais, souvent très élevés1, résultant des déplacements ou des modifications de lignes télégraphiques préexistantes, que rendent nécessaires les perturbations causées par les conducteurs d'une ligne de traction établie postérieurement, sont à la charge du concessionnaire, et l'étendue de ces modifications est fixée par le Comité d'Electricité du ministère des Postes et Télégraphes. Mais, si des lignes télégraphiques ou téléphoniques viennent à être établies près d'une canalisation d'énergie préexistante, c'est évidemment à l'administration de prendre elle-même et à sa propre charge toutes les dispositions nécessaires pour éviter les pertubations. L'Etat ne prétend donc pas en France au monopole de la terre comme retour; la terre est seulement au premier occupant et c'est à celui qui vient troubler sa possession de l'indemniser des dommages causés. La question est traitée de même en Allemagne et en Suisse et ne donne lieu non plus à aucun recours devant les tribunaux.

Les demandeurs en concession peuvent donc en général se refuser à signer un engagement relatif à des lignes télégraphiques non existantes, et on ne pourrait le leur demander que par un véritable abus de pouvoir.

Quant à l'emploi des courants alternatifs, il crée pour les communications téléphoniques des difficultés exceptionnelles et sort ainsi des « conditions. normales et raisonnables de la jurisprudence anglaise qui viennent d'être mentionnées. Toutes les précautions spéciales que nécessite ce système en plus de celles qu'exigerait dans les mêmes conditions le système à courant continu devraient donc, en bonne justice, être mises à la charge du concessionnaire de tramways, quand bien même il serait le premier occupant. Il nous paraîtrait, par suite, équitable que l'autorisation d'employer les courants alternatifs ne fût accordée dans une concession qu'en échange du droit pour l'autorité concédante d'exiger une subvention éventuelle du concessionnaire lors de l'installation d'un réseau téléphonique; cette subvention serait calculée de façon à compenser les frais supplémentaires qu'exigerait en certains points l'emploi de retours individuels et de conducteurs souterrains au lieu de conducteurs aériens.

§ 2.

RÉGLEMENTATION TECHNIQUE DES INSTALLATIONS
DE TRACTION ÉLECTRIQUE

Nécessité d'une réglementation générale. Les dangers que nous venons de passer en revue montrent la nécessité d'une régle

Par exemple, ils ont été de 10 000 fr. par km. à Marseille, 12 000 au Havre, 25 000 à Zürich.

mentation spéciale, qui compléterait utilement pour les installations de traction électrique les prescriptions du cahier des charges type du 6 août 1881, où elle n'avait pu être prévue.

Cette réglementation existe déjà en partie à l'étranger, comme on pourra le constater par la lecture des règlements anglais et allemand dont nous donnons plus loin la traduction en annexe.

Certaines parties de ces derniers, notamment les prescriptions relatives aux plaques de terre du règlement anglais, sont aujourd'hui en partie condamnées par l'expérience; d'autres, au contraire, ont donné d'excellents résultats. L'administration française gagnera donc à son retard de pouvoir formuler des règles plus mûries que ses devancières.

Pour le moment, les distributions d'énergie des tramways sont soumises seulement en France à des décisions d'espèce inscrites dans le cahier des charges ou prescrites par l'autorité chargée du contrôle et aux conditions imposées par le ministre des Postes et Télégraphes, et bien souvent elles pâtissent de cette situation qui peut les exposer à des exigences imprévues. L'intérêt des industriels autant que du public réclame donc l'élaboration de prescriptions uniformes assez détaillées pour limiter d'une façon plus précise les obligations des concessionnaires.

Réglementation projetée en France. Un projet de loi sur les Distributions d'énergie, préparé par M. Guillain et récemment déposé par le gouvernement, et que nous reproduisons plus loin, fera, s'il est voté, beaucoup avancer cette question, en réglant en particulier la situation administrative des réseaux électriques destinés à la traction.

D'après cette loi projetée (art. 7, 8, 11,), la déclaration d'utilité publique donnera aux concessionnaires de tramways, outre le droit d'expropriation, celui d'établir à demeure des supports pour conducteurs aériens à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, sans limitation de hauteur en ce qui concerne les fils de service, et celui de faire passer des conducteurs au-dessus ou au-dessous des propriétés privées, non encloses, suivant certaines conditions. D'après les articles 9 et 10, les indemnités dues aux propriétaires pour la présence permanente des supports et des rosaces seront réglées par les tribunaux administratifs, qui dès maintenant sont compétents pour l'évaluation des dommages résultant de la pose des conducteurs, considérée comme un

Voir l'annexe no 19 (p. 774). Le projet que nous reproduisons est celui de la Commission nommée par la Chambre. Pour plus de détails sur cette question, nous renvoyons au remarquable rapport de M. Guillain, inspecteur général des ponts et chaussées, député rapporteur.

accessoire de l'exécution d'un travail public. Les concessionnaires échapperont ainsi au bon plaisir des propriétaires riverains de leurs lignes, dont ils dépendent aujourd'hui, et auront affaire à une juridiction régulière et expéditive 1. L'article 11 stipule que des règlements d'administration publique, rendus sur le rapport des ministres des Travaux Publics et de l'Intérieur, détermineront la forme des enquêtes, celle de l'instruction des projets et de leur approbation (les formes de l'homologation des tarifs et l'organisation du contrôle des entreprises de traction ne seront évidemment pas modifiées), les conditions générales et d'intérêt public auxquelles devront satisfaire les distributions tant pour leur construction que pour leur fonctionnement, les mesures relatives à la police et à la sécurité de leur exploitation. Ces règlements seront pris après avis technique du Comité d'Électricité institué près le ministre des Télégraphes par la loi du 25 juin 1895 2.

En attendant cette réglementation, qui, grâce à la lenteur des délibérations, peut tarder encore bien des mois, il est nécessaire d'y suppléer du mieux qu'on peut en s'inspirant de l'esprit de la loi projetée.

C'est ce que nous essayerons de faire dans ce qui suit en nous guidant sur les idées contenues dans le rapport même de M. Guillain.

Enquêtes. L'installation d'un tramway électrique devra faire l'objet de deux enquêtes : l'enquête d'utilité publique définie par le règlement d'administration publique du 18 mai 1881, qui ne porte que sur les dispositions générales de la concession, et une seconde enquête, qui s'appliquera au projet de détail des canalisations électriques et visera le passage et l'appui de ces conducteurs sur les immeubles privés. On pourrait réunir les deux enquêtes en une seule, mais il semble peu pratique de faire figurer les dispositions de détail dans le dossier de la première

Ce droit de support, imité de celui accordé aux conducteurs télégraphiques par la loi du 28 juillet 1885, ne peut être accordé aux conducteurs d'énergie que par une loi nouvelle, car il a été jugé par le tribunal des conflits, le 13 décembre 1884, que, malgré le caractère de travaux publics qu'ils peuvent présenter, l'appui de fils électriques ne peut être imposé aux propriétés particulières que par une disposition explicite de ladite loi.

Ce Comité, composé pour moitié d'industriels, a été créé dans le but de mettre l'industrie électrique en mesure de se défendre contre l'administration des Télégraphes, qui, non avertie par les intéressés, pourrait dépasser le but dans les prescriptions réglementaires au moyen desquelles elle cherche à protéger les transmissions télégraphiques et téléphoniques contre les troubles dont elles peuvent être affectées dans le voisinage des conducteurs d'énergie. Mais, comme la loi a prévu que ce Comité pourrait donner son avis sur toutes les questions qui lui seraient soumises, le ministre des Travaux Publics, au lieu de consulter directement les industriels comme le fait en Angleterre le Board of Trade, pourra, lorsqu'il le jugera bon, prendre l'avis du Comité d'Electricité par l'intermédiaire du ministre des Télégraphes. Il n'est jamais obligé de le faire, et généralement il confie à des commissions spéciales ressortissant de son ministère l'étude des questions relatives à la traction électrique.

TRACTION ÉLECTRIQUE.

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enquête, qu'elles compliqueraient inutilement, et il vaut mieux les réserver pour une enquête de commodo et incommodo.

Comme on le sait, l'utilité publique est déclarée et l'exécution autorisée par décret délibéré en Conseil d'État, sur le rapport du ministre des Travaux Publics, après avis du ministre de l'Intérieur. La concession est accordée, suivant les cas, par une commune, par un département ou par l'État.

Toute dérogation ou

Procédés actuels de réglementation. addition au cahier des charges type de 1881 doit être expressément formulée dans les traités passés au sujet de la concession, soumis au Conseil d'État et annexés au décret. Mais une semblable addition présente deux inconvénients: elle complique et retarde l'instruction de l'affaire et l'examen par le Conseil d'État, qui peut soulever des difficultés; ensuite, toute modification aux dispositions prévues exige un nouveau décret.

Il sera donc bon de n'introduire dans ce cahier des charges que les règles qui ont une influence sur les conditions d'établissement (c'est-à-dire celles qui sont relatives à la forme de l'énergie, à la tension du courant, au mode de distribution et d'exploitation, à la chute de potentiel le long des voies de retour) et de recourir pour le reste de la réglementation, considéré comme affaire de police, à un arrêté préfectoral qui sera prévu par le cahier des charges et qui pourra toujours être remplacé par un autre le jour où les progrès réalisés ou des connaissances nouvelles le rendraient désirable. C'est ainsi, du reste, que sont réglementés actuellement les conditions particulières d'exploitation des tramways et l'installation et le fonctionnement sur les voies publiques des conducteurs d'énergie autres que ceux des entreprises de trac

tion.

L'autorité concédante peut, en outre, dans les conventions elles-mêmes, introduire certaines prescriptions générales relatives au matériel électrique, notamment imposer que ce matériel soit entièrement construit en France, pour favoriser notre industrie nationale qui est parfaitement en mesure aujourd'hui de satisfaire à toutes les exigences. On pourra avantageusement aussi reproduire une clause de la concession du tramway d'Alger-Mus

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