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résultat, mais il faut autant que possible éviter de compter sur son action, ainsi que sur l'encastrement des rails dans le béton, et assurer la stabilité de la voie à l'aide des entretoises seules, en adoptant un mode d'assemblage qui soutienne efficacement le rail sur une certaine hauteur. A ce point de vue, l'attache actuellement employée pour l'entretoise Broca, consistant en une cornière rivée à l'extrémité de la barre d'entretoise et boulonnée sur l'âme, est préférable au dispositif ancien, qui comportait une simple tige filetée s'assemblant dans le rail avec écrou et contre-écrou.

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Courbes. On ne donne pas en général aux voies de tramways de surécartement en courbe; on se contente d'élargir l'ornière, et encore ne le fait-on pas toujours.

Les courbes doivent naturellement avoir un rayon aussi grand que le permettent les circonstances locales. Il ne serait pas même utile de rappeler cette règle bien évidente si l'on n'éprouvait souvent en pratique des difficultés à faire exécuter par les ouvriers poseurs des courbes de rayon suffisamment grand; la pose de la voie étant beaucoup plus rapide en ligne droite, ceux-ci ont toujours tendance à réduire la longueur des courbes de raccordement au profit des alignements droits.

Pour éviter les chocs à l'entrée des courbes de petit rayon, il est bon de ménager des courbes de transition, présentant des rayons graduellement décroissants. Mais il faut, pour que cette précaution ne soit pas rendue illusoire, que la voie soit posée avec une exactitude rigoureuse et qu'elle ne puisse subir de déformations comme il s'en produit trop souvent, dans le pavage en bois par exemple. Le cintrage des rails se fait sur place, sauf pour les courbes de très petit rayon.

Soins à donner à la pose. D'une manière générale, la pose des voies destinées à la traction mécanique demande beaucoup plus d'exactitude et de soins que celle des voies à traction animale. Une voie bien établie est économique à entretenir; d'autre part, elle est roulante et facilite la traction les dépenses d'exploitation s'en ressentent d'une manière très marquée. Cette perfection d'exécution est d'autant plus nécessaire que les voies de tramways, une

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fois noyées dans la chaussée, deviennent pour ainsi dire inaccessibles et qu'on ne peut les inspecter constamment comme on fait pour les voies de chemins de fer. Certaines compagnies ont l'excellente habitude, lorsque la voie est complètement posée, de la faire examiner encore une fois par le chef-monteur, qui essaie chaque écrou et donne un coup de marteau sur chaque éclisse pour s'assurer si tout est bien en ordre; c'est seulement une fois cette inspection terminée qu'on commence la réfection de la chaussée.

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Généralités. Les joints sont toujours, quoi qu'on fasse, le point faible des voies de tramways. Le procédé le plus original pour éviter les défauts des éclissages ordinaires est, sans contredit, celui qui consiste à former une voie pour ainsi dire continue, en soudant les uns aux autres tous les rails d'une même file.

L'objection principale faite à ce système a trait à la dilatation des rails par la chaleur, laquelle devrait avoir pour effet de déformer la voie. Les essais, qui ont été entrepris sur une grande échelle aux Etats-Unis, démontrent que cette déformation ne se produit pas dans les voies de tramways posées en chaussée.

Brunel avait appelé dès 1851' l'attention sur une de ses expériences qui avait consisté à assembler bout à bout, au moyen d'éclisses rivées à chaud, des rails posés sur longrines, sur une longueur de 400 m.; cette file de rails n'avait subi aucune déformation sous l'influence des variations de température, bien que le thermomètre se fût élevé, au cours de l'expérience, jusqu'à 54°.

La « Johnson Company », de Johnstown (Pennsylvanie), puissante société qui a pour spécialité la construction du matériel de voies de chemins de fer et tramways, pensa qu'eu égard aux conditions spéciales d'établissement des voies de tramways, fortement enserrées par les matériaux de la chaussée, les effets de la dilatation devaient y être considérablement moindres que sur les voies de chemins de fer, assez faibles en tout cas pour permettre de supprimer tout intervalle entre les rails.

Proceedings Inst. C. E. Vol. XI, 1851-52.

Pour éclaircir définitivement la question, elle procéda en 1892 à une expérience sur un tronçon de voie de tramway en exploitation de 350 m. de longueur. Cette voie était formée de rails-poutres à gradin de 152 mm. de hauteur, pesant 39 kg. au mètre courant, fixés par l'intermédiaire de selles et de crampons à des traverses espacées de 0,80 m. d'axe en axe, avec des entretoises tous les 3 m.; elle était posée dans une chaussée empierrée. Les intervalles existant entre les abouts furent soigneusement remplis par des cales de même profil que le rail, et les éclisses ordinaires remplacées par deux barres d'acier plat de 1640 mm. de longueur, 102 mm. de hauteur et 44 mm. d'épaisseur, réunies par 18 boulons de 32 mm. et formant un assemblage absolument invariable. Les variations de température, d'avril à septembre, furent soigneusement notées, ainsi que les effets produits'. L'épreuve fut décisive entre les températures extrêmes de 12° C. et de 49° C. + il ne se produisit aucun mouvement des rails, bien que leur température ait été constamment voisine de celle de l'air ambiant.

La tendance du rail à se dilater ou à se contracter sous l'influence des variations de température est donc combattue par la résistance de ses attaches et celle de la chaussée qui l'enserre.

Le calcul vient d'ailleurs à l'appui de l'expérience pour montrer que l'effort nécessaire pour maintenir le rail en place ne dépasse pas les limites admissibles dans la pratique.

Si l'on recherche la pression latérale à appliquer par unité de longueur à un rail continu de 1 km. de longueur, par exemple, maintenu à ses deux extrémités, pour empêcher la déformation en arc provenant de la dilatation, on trouve pour cette pression une valeur très faible et qui peut facilement être produite par la seule pression du sol environnant. Si l'on envisage une longueur de rail plus grande, ces conclusions sont encore renforcées. Il n'en est pas de même pour les très petites longueurs; mais alors la déformation reste dans des limites tolérables. La résistance opposée par le sol tout le long du rail empêche d'ailleurs que les effets de la dilatation s'additionnent d'un bout à l'autre des voies.

Tous les détails de cette importante expérience sont consignés dans une communication faite par M. A. J. Moxham, président de la Johnson C°, à l'American Street Railway Association, en 1892.

Quant à l'effort supplémentaire qu'imposent aux rails rendus continus les variations de température, l'expérience a montré que, dans nos climats au moins, il reste toujours non seulement bien inférieur à la limite d'élasticité de la matière, mais encore inférieur aux charges pratiques admises dans les constructions métalliques.

Résistance et stabilité des voies soudées. Il est facile de préciser ces indications par le calcul des effets auxquels donne lieu la dilatation des voies soudées. Si on appelle a le coefficient de dilatation linéaire de l'acier, un rail de longueur L, dont la température est portée de to à t degrés centigrades, s'allonge d'une longueur

La (1-10)
(t

Pour empêcher cet allongement, il faut lui faire subir un raccourcissement relatif

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ce qui exige sur les abouts du rail un effort de compression

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en appelant E le module d'élasticité et 2 la section du rail.

(1)

Le coefficient de dilatation linéaire de l'acier est environ 0, 000012 par degré centigrade entre zéro et 100°, et son coefficient d'élasticité environ 20 000 kg. par mm2. Si l'on suppose des variations de température de 25° à +50°, comme on en rencontre en Amérique et dans l'Europe centrale (pour la France, ces chiffres sont exagérés), l'écart maximum auquel des rails posés à 10° seront soumis est de 35° et l'effort maximum à prévoir par unité de section est

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alors que la limite d'élasticité de l'acier à rails de tramways est de 33 kg. et sa charge de rupture de 55 à 60 kg. Pour les rails de chemins de fer, on arrive à des limites encore plus élevées : 35 à 39 kg. et 72 à 76 kg. 1.

Cet effort supplémentaire s'ajoute à ceux de la charge roulante, qui, dans le cas de rails posés sur traverses, peuvent être assez élevés et doivent être calculés en vue de cette vérification; mais il est facile, en adoptant un type de rail suffisamment lourd, de maintenir l'effort total au-dessous de la limite d'élasticité.

Le soudage des rails n'est admissible qu'à condition de pouvoir empêcher la dilatation; car celle-ci n'atteindrait pas moins de 0, 000012 × 35 = 0, 00042

Voir trois articles de M. Mussy: Annales des Ponts et Chaussées, 1890, 2o semestre, p. 493, et 1891, 2o semestre, p. 372; Génie Civil, 1893-1894, p. 138.

de la longueur totale, soit 0,42 m. par kilomètre. Cet allongement est évité par des ancrages ou par le frottement des matériaux de la chaussée contre le rail. On remarquera que l'effort tangentiel total à appliquer à cet effet est indépendant de la longueur de la voie, l'allongement dû à la dilatation et le raccourcissement dû à la compression étant tous deux proportionnels à la longueur. Il en résulte que l'effort d'ancrage nécessaire par unité de longueur varie en raison inverse de la longueur totale; c'est ce qui en permet la réalisation pratique.

Pour l'évaluer, il suffit de remarquer que la compression d'un rail fixé par un about et soumis à un ancrage continu sur toute sa longueur variera suivant une loi linéaire, depuis zéro à l'extrémité libre jusqu'à un maximum à l'extrémité contre-butée; si les deux extrémités sont libres, on pourra considérer le milieu du rail comme un point fixe. Dans les deux cas, si on appelle f l'effort d'ancrage ou de frottement par unité de longueur, l'effort moyen de fL compression auquel est soumis le rail entier est et il produit un raccourcissement

Let

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qui vient en déduction de la dilatation. L'allongement résiduel a donc pour valeur

AL = L a (1 to)

fL

---

20

(3)

et peut être aisément calculé quand on connaît /.

Pour qu'il n'y ait pas de déplacement, il faut que l'effort d'ancrage soit supérieur ou égal à celui de la dilatation, c'est-à-dire

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En supposant par exemple un rail de 5000 mm2 de section soumis à l'écart de température de 35o, on trouve

fL = 2 × 0,0000 12 × 35 × 20 000 × 5 000 84 000 kg.

Pour contre-buter le rail libre, il faudrait un appui présentant une résistance de 84 tonnes; mais, si la voie a, par exemple, 1 kilomètre de longueur, il suffit d'un effort d'ancrage de 8 kg. par mètre. Une voie sur traverses, où chaque traverse présente aisément une résistance de plus de 100 kg., est donc suffi samment bien ancrée lorsque l'espacement des appuis est inférieur à 1 m. Pour les rails-poutres posés directement, l'expérience n'a pas été faite encore et l'on peut craindre que le frottement du pavage ne donne pas des valeurs aussi élevées; mais il ne faut pas oublier que les entretoises très nombreuses de ces voies constituent par elles-mêmes un puissant ancrage.

Nous avons supposé dans ce qui précède que le rail restait rectiligne; mais il n'en ainsi que s'il est retenu en des points fixes très rapprochés, comme c'est le cas des voies sur traverses. L'intervalle maximum possible entre ces nœuds a est donné en fonction de la force de compression Q par la formule d'Euler 1,

Cf. Cours de résistance des matériaux de M. E. Collignon, inspecteur général des ponts et chaussées, p. 238 et suivantes.

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