Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE IV

ADAPTATION DES MOTEURS ÉLECTRIQUES
A LA TRACTION SUR LES VOIES FERRÉES 1

[ocr errors]

Position, puissance et nombre des moteurs sur une automobile. Dans les premiers essais de traction électrique, où l'on utilisait le matériel existant, il était assez difficile de trouver un emplacement convenable pour le moteur, et le plus simple, dans bien des cas, était de le mettre à l'intérieur de la voiture, en transmettant le mouvement aux essieux par des courroies ou des chaînes. Le poids et l'encombrement de ces appareils ont fait aujourd'hui adopter universellement la solution beaucoup plus rationnelle qui consiste à munir la voiture d'un truck spécial portant les moteurs; ceux-ci restent ainsi indépendants de la caisse, mais on est forcé d'en limiter d'une manière stricte les dimensions.

Le nombre et la puissance des moteurs à adapter à une automobile sont très variables suivant les circonstances. S'il s'agissait seulement de remplacer dans une voiture existante l'effort des chevaux par celui d'un moteur, une puissance de 5 à 6 chev. pourrait suffire dans bien des cas ; mais les exigences croissent avec l'adoption de la traction électrique et, pour que celle-ci réalise tous ses avantages, elle doit permettre de franchir des rampes plus fortes à une allure plus rapide et de regagner plus vite l'allure normale après les arrêts. Cette dernière condition est celle qui rend

1 Dans tout ce chapitre, nous ne considérons que le cas des voitures automobiles pour tramways et pour chemins de fer, et nous laissons de côté le cas spécial des locomotives, qui fait plus loin l'objet d'un chapitre séparé (chap. vii).

* Stevenson a trouvé qu'un fort cheval peut développer momentanément un travail de près de 6 chev. sur un dynamomètre et que probablement les chevaux de tramways développent au maximum 4 chev. D'après Morin, un travail de 5 chev., s'il est prolongé, surmène un cheval.

TRACTION ÉLEctrique.

particulièrement désirable l'adoption de moteurs très puissants 1. La puissance nécessaire dépend du type de voiture à mouvoir, de l'inclinaison des rampes de la ligne, de la vitesse de démarrage qu'on désire et enfin de l'organisation pratique du service. Si toutes les voitures sont automobiles, leur équipement en moteurs se réduit au minimum; si au contraire un certain nombre d'automobiles sont appelées à remorquer d'autres voitures, elles doivent posséder une puissance surabondante, proportionnée à l'effort maximum qu'elles auront ainsi à développer.

Pour chaque ligne, on doit calculer spécialement la puissance motrice nécessaire en chaque point du parcours, à la vitesse prévue, d'après les indications détaillées données plus loin; on sera ainsi fixé exactement sur les types de moteurs à choisir.

En pratique, l'équipement d'une voiture de tramway à quatre roues comporte au minimum un moteur de 15 chev. et au maximum deux moteurs de 25 chev., c'est-à-dire 50 chev. 2. Ce dernier chiffre n'est dépassé et on n'atteint 60 chev. ou davantage que sur les lignes suburbaines qui tiennent plus du chemin de fer d'intérêt local que du tramway. Sur les chemins de fer proprement dits, les moteurs généralement employés sont de 50, 100 ou 200 chev. nominaux.

En ce qui concerne les voitures de tramways, et dans les limites de 10 à 30 chev., on doit se demander s'il vaut mieux, à égale puissance totale, employer un ou deux moteurs.

Tant que les rampes ne dépassent pas 0,03, un seul essieu moteur assure une adhérence et une puissance suffisantes.

On a fait valoir, il est vrai, en faveur de l'emploi de deux moteurs l'avantage qu'il a de fournir une ressource en cas d'accident à l'un d'eux; en mettant hors circuit le moteur avarié, l'autre

Les démarrages demandent un travail momentané trois ou quatre fois supérieur au travail normal. Si l'on tient compte en outre de ce que le rendement des moteurs ordinaires ne dépasse pas 40 à 50 p. 100, on conçoit qu'on arrive à des chiffres de puissance très élevés.

Les premiers moteurs Sprague de Richmond étaient de 7, 5 chevaux seulement; mais l'expérience montra immédiatement la nécessité de porter cette puissance à 15 chevaux.

Nous parlons ici de la puissance effective, car les puissances nominales indiquées par les constructeurs se rapportent souvent à des vitesses trop élevées. En particulier, les moteurs américains dits de 25 chevaux n'en développent le plus souvent que 15 à 20 sur nos lignes européennes, et ceux de 30 que 20 à 25.

doit théoriquement permettre de regagner la station, en reconduisant son camarade à l'hôpital, comme disent pittoresquement les Américains. Mais, pratiquement, cela a peu d'importance car, en cas d'avarie, le mécanicien peut toujours attendre la voiture suivante pour se faire pousser par elle.

Le système des deux moteurs présente seulement deux avantages sérieux. Il permet de loger dans le truck une puissance en général plus grande qu'avec un seul moteur; c'est pourquoi il est le seul possible au delà de 30 chev. En second lieu, il donne sur les rampes l'adhérence maxima, puisque les deux essieux sont moteurs, et assure la vitesse de démarrage maxima.

Mais il a bien aussi ses inconvénients à puissance égale, deux petits moteurs sont plus lourds et plus chers qu'un seul gros; les frais d'entretien aussi sont presque doublés, les connexions sont plus compliquées. D'autre part, comme on le verra plus loin, l'effort de traction total exercé par deux essieux moteurs indépendants est inférieur à la somme des efforts moteurs que chacun chacun peut produire, par suite des glissements partiels de l'une ou l'autre des paires de roues; cet effet est particulièrement important au démarrage. On verra aussi que, lorsque la charge est inégalement répartie, comme cela est toujours à craindre dans les voitures à faible empattement et à plates-formes en porte à faux très accusé, le courant se répartit entre les deux moteurs d'une manière fort inégale et l'un d'eux peut se trouver surchargé bien avant qu'on réalise l'effort de traction total sur lequel on pourrait théoriquement compter.

Pour tous ces motifs, l'équipement à un seul moteur a conservé des partisans; ceux-ci ont perfectionné leur système en rendant les deux essieux solidaires et ils ont pu dès lors invoquer un nouvel avantage en leur faveur, celui de procurer, à dépense égale d'énergie, un effort de traction supérieur à celui de deux moteurs séparés. La seule difficulté, c'est de réaliser d'une manière pratique cet accouplement de deux essieux avec un moteur commun; les dispositions mécaniques à employer sont assez délicates. On a eu recours successivement, soit à des accouplements par bielles (système Eickemeyer), soit à des chaînes ' (système Siemens et Halske),

1

1

L'accouplement des essieux dans le cas de deux moteurs est, en général, plus

soit enfin à des engrenages coniques (systèmes Rae, Sperry, etc.). Ce dernier procédé, qui a joui d'une certaine faveur en Amérique, réaliserait, d'après ses promoteurs, un bénéfice de 11 p. 100 sur l'effort de traction par rapport au système à deux moteurs indépendants.

Tout compte fait, un équipement simple coûtera moins cher et devra être préféré toutes les fois qu'il permettra de réaliser une puissance suffisante pour les conditions prévues, ce qui est le cas dans bien des villes secondaires européennes. La maison Siemens et Halske, de Berlin, par exemple, construit depuis longtemps des tramways électriques avec deux essieux attaqués par un moteur unique et l'expérience de Budapest a montré que ce système satisfait pleinement aux conditions d'un service non intensif; aussi a-t-on continué à l'appliquer dans beaucoup d'installations allemandes plus récentes, à Bâle, à Mulhouse, etc. Dans les villes de cette importance, présentant de faibles déclivités, 10 à 20 chev. concentrés en un seul moteur par voiture suffisent très bien. Au point de vue de la transmission du mouvement, l'emploi d'un seul essieu moteur nous paraît d'ailleurs préférable.

Lorsque, par suite des déclivités, la puissance nécessaire dépasse 30 chevaux ou qu'on veut des démarrages très rapides, on adopte deux moteurs de 15 à 25 chevaux.

Dans les grandes villes à circulation très active, telles que Paris, Lyon, Le Havre, etc., cet équipement peut même devenir insuffisant, si l'on admet le remorquage de plusieurs voitures; c'est en vue de ces services par trains de 2 ou 3 voitures au moins, dont une seule motrice, que les Américains ont adopté les équipements à deux unités de 25 ou de 30 chev. Lorsqu'il est autorisé administrativement, ce système présente de sérieux avantages pour la société exploitante, en ce qu'il permet à celle-ci de réduire au minimum le nombre de ses voitures automobiles et d'utiliser comme voitures remorquées son ancien matériel ou des voitures neuves peu coûteuses. En outre, si, les dimanches et jours de fête, la circulation dépasse de beaucoup la capacité des voitures en marche pendant la semaine, le système des voitures d'attelage est

difficile à cause de leur plus grand écartement; il a cependant été essayé avec des chaînes sur une ligne américaine, mais cet exemple n'a pas été suivi.

« PreviousContinue »