Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Pt., MM. Béguin, Garnier et Scribe, av.

[blocks in formation]

Le privilége du locateur sur les meubles garnissant l'objet loué doit l'emporter, dans une succession, sur le privilége des frais de scellés et d'inventaire. (Art. 2102 C C., 662 C. P. C.)

(La dame de Bigny C. Charbogne.)

Après le décès du sieur Bouchardon, les héritiers bénéfi ciaires firent procéder à la levée des scellés et à l'inventaire. La dame de Bigny, propriétaire de la maison, fit saisirgager et revendiquer les meubles qui avaient été enlevés par la veuve, et la fit condamner à lui payer les loyers par elle dus. Ultérieurement, les meubles furent vendus. On colloqua d'abord à l'ordre qui s'ouvrit les frais faits pour parvenir à la vente, en second lieu la dame de Bigny pour ses loyers, et ensuite les officiers qui avaient procédé à la levée des scellés. Mais ils s'opposèrent à cet état de collocation, et soutinrent que leurs créances étaient des frais de justice privilégiés qui devaient être colloqués par préférence aux loyers dus au propriétaire. Le 19 août 1825, jugement du tribunal de Lyon, qui maintient l'état de collocation par les motifs suivans:

« Attendu que toute espèce de frais faits en justice, ne sont pas frais de justice;

› Attendu que les frais de justice auxquels l'art. 2101 C. C. accorde un privilége, sont ceux faits pour procurer la vente du gage, et arriver à la distribution du prix. En effet, ceux-là seuls profitent à tous les créanciers, puisque, pour exercer un privilége, il faut que le gage soit converti en une

somme d'argent, et que ce prix soit réparti entre les créanciers, suivant les formalités prescrites;

• Attendu que, quoique le privilége résultant des frais faits pour la conservation de la chose, établi par l'art. 2101, doive s'exercer avant tout autre privilége, puisque, pour exercer un privilége, il faut que le gage existe, aucun des créanciers contredisans ne peut, vis-à-vis du propriétaire, demander la priorité, comme ayant conservé la chose, puisque les frais de scellés et d'inventaire, et tous ceux faits à la diligence des héritiers et de l'avoué représentant les créanciers opposans, étaient sans intérêt pour le propriétaire qui, étant nanti du gage, pouvait empêcher de le divertir, soit par la saisiegagerie, soit par la saisie-revendication, ainsi qu'il l'a fait réellement ;

>> Attendu qu'aucune distinction ne doit être faite relativement à ceux de ces frais qui ont eu lieu avant la saisie du propriétaire, parce que celui-ci avait, en cas d'enlèvement, un droit de suite, ainsi que nous venons de le dire, et qu'il pouvait ne pas user de ce droit tant qu'il lui restait un gage suffisant dans les meubles garnissant les appartemens ;

» Attendu que, la position de la dame de Bigny n'a pu changer par suite du consentement par elle donné à ce que la vente fût faite par les héritiers, et qu'on ne peut induire de ce fait l'engagement de supporter d'autres frais que ceux faits pour convertir le gage en une somme liquide;

» Attendu que si la dame de Bigny eût eu à supporter quelques frais pour faire nommer un curateur à la succession vacante, dans le cas où les héritiers, au lieu d'accepter sous bénéfice d'inventaire, eussent renoncé, elle eût sùbi les charges d'une position différente; mais qu'on ne peut, sur un tel motif, lui faire supporter les frais considérables qui ont été faits par les héritiers dans leur intérêt personnel, frais qui, s'ils étaient préférés, rendraient inutile le privilège accordé à la dame de Bigny;

» Attendu qu'aucun des créanciers ne réclame le prix de frais qui aient procuré la vente des objets frappés par le privilége de la dame de Bigny;

» Attendu que le privilége du propriétaire doit s'exercer avant le prélèvement des frais de poursuite de la distribution, qui sont bien frais de justice;

» Attendu que par cette disposition de l'art. 862 C. P. C., le législateur a clairement montré l'intention d'accorder la préférence au propriétaire sur les frais de justice qui ne sont pas indispensables dans l'intérêt de ce dernier ;

» Attendu que le greffier de la justice de paix ne peut se faire un titre de ce que le législateur, ayant ordonné dans certains cas l'apposition des scellés d'office, il n'a pu vouloir laisser les frais à la charge de l'officier forcé d'en faire l'avance, parce qu'en fait, les scellés ont été apposés à la requête de la veuve Bouchardon, et qu'en droit, un moyen de considération ne peut créer un privilége qui ne s'établit que par une disposition de la loi;

» Attendu que tous les autres créanciers produisans réclament des frais de scellés, d'inventaire, ou des frais faits pour la conservation de la chose, et parvenir à vendre, le plus avantageusement qu'il était possible, les objets dépendant de la succession; que par conséquent ils se trouvent tous compris dans la disposition du n° 1° de l'art. 2101 C. C.; qu'ainsi, on ne peut établir de rang entre eux. » Appel de la part de Me Charbogne, notaire.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu

[ocr errors]

que la veuve Bouchardon a accepté sous bénéfice d'inventaire, et que l'inventaire a été fait dans son intérêt personnel;

Adoptant au surplus les motifs des premiers juges, met l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira effet.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

M⚫ Charbogne, appelant, soutenait, 1o que les frais de sceliés et d'inventaire étaient de véritables frais de justice. (Voy. Ferrière, vo Frais de justice; et MM. Grenier, Discours au tribunat; Tarrible, Rép., vo Privilége, sect. 3, § 1, uo 2.) 2o Qu'ils devaient être colloqués de préférence aux loyers dus au propriétaire; et il invoquait l'opinion de MM. Carré, sur l'art. 662, no 2176, à la note; Lepage, pag. 429, 9° question, et Tarrible, au Répertoire loco citato. Il citait aussi un arrêt du 27 mars 1824. (J. A., tom. 29, pag. 1 137.)

La dame de Bigny, propriétaire, répondait, en citant Denizart, v° Loyers, no 15 et 16; Pigeau, Procédure du Châtelet, tom. 1, pag. 682, qui enseignent que les loyers doivent primer les frais de scellés et d'inventaire, et que telle était autrefois la jurisprudence du Châtelet, confirmée par plusieurs arrêts de parlement, suivant deux actes de notoriété des 7 février 1668 et 4 août 1692; Persil, tom. 1o, pag. 88, sur l'art. 2102; Pigeau, Procédure civile, tom. 2, pag. 187, et un arrêt de la Cour de cassation, du 20 avril 1821 (J. A., tom. 23, pag. 279).

COUR DE CASSATION.

ACTION CIVILE. - JUGE DE PAIX.

COMPÉTENCE.

On peut revenir au juge de paix, comme tribunal civil, après qu'il a refusé de connaître, comme tribunal de police, d'une action en réparation d'injures verbales. (Loi du 24 août 1790.)

(Senequier C. Cabasson.)

Le sieur Senequier ayant fait citer le sieur Cabasson devant le tribunal de police de Toulon, pour obtenir réparation

d'injures verbales, ce tribunal se déclara incompétent, et ce jugement fut confirmé sur l'appel. Alors Senequier se pourvut par la voie civile, et l'assigna devant le juge de paix. Cabasson déclina sa juridiction, et prétendit que Senequier était non recevable à abandonner la voie criminelle pour se pourvoir par la voie civile. Le juge de paix rejeta cette exception, et se déclara compétent. Sur l'appel, le tribunal de première instance, par jugement du 18 avril 1823, déclara le jage de paix incompétent, et laissa les parties à se pourvoir, sur le motif que Senequier, s'étant pourvu primitivement par la voie criminelle, était dès-lors non recevable à se pourvoir par la voie civile.

Pourvoi en cassation pour violation de la loi du 24 août 1790, tit. 3, art 10, S6; et des art. 1 et 3 C. I. C.

LA COUR;

ARRÊT.

Vu l'art. 10, S6, du tit. 3 de la loi du 24 août 1790, et les art. 1 et 3 C. I. C. ;

Attendu que le S 6 de l'art. 10 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790, attribue aux juges de paix la connaissance des actions civiles pour injures verbales;

Que ce paragraphe excepte bien de l'attribution les injures pour lesquelles les parties se sont pourvues par la voie criminelle, mais que de ces expressions même, il suit que, pour qu'il y ait lieu à cette exception, il faut que le tribunal de police ait été saisi de l'action, et y ait statué définitivement;

Que, d'une part, le tribunal de police n'est point réellement saisi de l'action, lorsqu'au lieu de recevoir la plainte, il s'est déclaré incompétent pour en connaître; que par suite, en ce cas, le juge de paix demeure compétent pour connaître de l'action civile;

Que, d'autre part, il est de principe certain que, tant que le tribunal de police n'a pas prononcé sur la plainte au fond, la partie a le droit d'abandonner cette voie de poursuite, et

« PreviousContinue »