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exercées. C'est sans doute parce que le Gouvernement partageait avec nous cette opinion que le projet ne touche qu'à un seul article, et propose seulement de changer la peine et la qualification du fait qui y est prévu. Il s'agit du cas où le mendiant ou vagabond aura exercé un acte de violence quelconque. La loi actuelle le punit de la reclusion, sans préjudice de peines plus fortes, s'il y a lieu, à raison du genre et des circonstances de la violence. Ainsi, la reclusion, la Cour d'assises, l'infamie pour le moindre acte de violence exercé par un mendiant; nous ne craignons pas de le dire, la pénalité est trop sévère, et, le plus souvent, elle manque son but. Elle n'est pas non plus en harmonie avec les peines appliquées à des faits analogues. Ainsi la loi punit seulement de l'emprisonnement le mendiant surpris dans une habitation, celui qui use de menaces, celui qui porte des armes, celui qui est muni d'instruments propres à commettre des vols. Qui pourrait prétendre que ces faits tantôt actifs, tantôt passifs, toujours dangereux, n'exigent pas une peine plus grave qu'un simple acte de violence, amené le plus souvent par un mouvement irréfléchi et n'impliquant aucune prémédi. tation? Il convenait de rétablir, dans les peines appliquées à tous ces faits, la proportion qui y manque, et nous le faisons en vous proposant de déclarer que le simple acte de violence ne sera puni que de l'emprisonnement de deux à cinq ans. Cette solution implique le rejet d'un amendement de l'honorable M. Bucher de Chauvigné, qui nous demandait de maintenir l'article 279 tel qu'il existe aujourd'hui. Le projet reprend d'ailleurs un instant après la sévérité dont il se départ, en prononçant la peine de la reclusion, au cas où l'acte de violence s'aggrave d'une des circonstances prévues dans l'art. 277, c'est-à-dire au cas où le mendiant serait travesti, ou porteur d'armes, ou muni d'instruments propres à favoriser des intentions criminelles. L'honorable M. Millet nous a proposé de rédiger l'art. 279 de la manière suivante : « Tout mendiant ou vagabond qui aura déjà subi une condamnation pour crime ou une condamnation pour délit à un an et plus d'emprisonnement, ou trois condamnations pour mendicité ou vagabondage ou qui aura exercé ou tenté d'exercer quelque acte de violence que ce soit envers les personnes, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, sans préjudice, en cas de violence exercée ou tentée, de peines plus fortes, s'il y a lieu. » Le maximum de la peine contre le vagabondage, nous a-t-il dit, est de six mois, et contre la mendicité de trois mois ou desix mois. Il en résulte que l'application des art. 56 et 57 ne peut, aux cas de récidive si fréquents, amener qu'une condamnation d'un an au plus, et nulle aggravation de peines n'est possible d'après l'art. 58, lorsque la récidive ne consiste que dans le renouvellement du délit. L'intérêt de la société dans les trois cas prévus par l'amendement, et même celui du cou. pable, dans le dernier de ces deux cas, réclament une détention dont la durée puisse l'amener à contracter l'habitude du travail. Conduits dans une maison centrale et contraints de travailler, le mendiant valide et le va. gabond pourront être mis en état de se suffire plus tard. Votre Commission a été moins touchée de l'effet moralisateur des maisons centrales sur les détenus, et elle n'a pas adopté l'amendement.

Voici le texte de l'art. 279 rectifié :

ART. 279. Tout mendiant ou vagabond qui aura exercé ou tenté d'exercer quelque acte de violence que ce soit envers les personnes, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, sans préjudice de peines plus fortes, s'il y a lieu, à raison du genre et des circonstances de la violence.

Si le mendiant ou le vagabond qui a exercé ou tenté d'exercer des violences se trouvait en outre dans l'une des circonstances exprimées par l'article 277, il sera puni de la réclusion. »

Il était inutile d'insérer dans le 2o § la mention de la tentative, puisque le fait était qualifié crime. Nous avons examiné les circonstances aggravantes du vagabondage et de la mendicité (nos 991, 992 et 993); cette modification n'introduit aucune règle nouvelle de nature à changer cette matière.

SECTION VII.

MODIFICATIONS APPORTÉES AUX DISPOSITIONS RELATIVES AUX MENACES ET AUX COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES.

(Art. 305, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312 et 320.)

2639. Quelles matières font l'objet de cette section.

2640. Modifications apportées aux art, 305, 306 et 307 relatifs aux menaces.

2641. Addition d'une disposition nouvelle dans l'art. 308. Menaces verbales ou par écrit de voies de fait non prévues par l'art. 305.

2642. Modification de l'art. 309, relatif aux coups et blessures volontaires. Motifs de ce changement.

2643. Examen de la disposition qui transforme la qualification des coups ou blessures volontaires ayant causé une incapacité de travail de plus de 20 jours.

2644. Examen de l'addition faite dans l'art. 309 des mots «

autres violences ou voies de fait. » 2645. Examen de la disposition qui attribue le caractère de crime aux coups ou blessures qui ont causé une mutilation ou une infirmité permanente.

2646. Modification de la gradation pénale de l'art. 310, dans le cas de préméditation.

2647. Addition faite à l'art. 311 des mots : «ou autres violences ou voies de fait. » Conséquences de cette addition.

2648. Modification de la gradation pénale de l'art. 312, dans le cas où les coups et blessures sont portés à des ascendants.

2649. Atténuation apportée à la pénalité de l'art. 320. Faculté de substi– tuer l'amende à l'emprisonnement.

2639. Parmi les crimes et délits contre les personnes, qui font l'objet du chap. 1er du titre i du Code, la loi ne touche qu'aux crimes ou délits de menaces, de coups ou blessures volontaires, d'attentat à la pudeur, de suppression d'enfant et de faux témoignage. Nous ne comprenons dans cette section que ce qui concerne les menaces et les coups et blessures.

2640. La modification faite aux art. 305, 306 et 307 n'est qu'une atténuation des pénalités :

ART. 305. Quiconque aura menacé, par écrit anonyme ou signé, d'assassinat, d'empoisonnement ou de tout autre attentat contre les personnes, qui serait punissable de la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation, sera, dans le cas où la menace aurait été faite avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué, ou de remplir toute autre condition, puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de 150 à 1000 francs.-Le coupable pourra en outre être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus à compter du jour où il aura subi sa peine. Le coupable pourra aussi être mis sous la surveillance de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à daterdu jour où il aura subi sa peine. ART. 306. Si cette menace n'a été accompagnée d'aucun ordre ou condition, la peine sera d'un emprisonnement d'une année au moins et de trois ans au plus et d'une amende de 100 à 600 fr. Dans ce cas, comme dans celui de l'article précédent, la peine de la surveillance pourra être prononcée contre le coupable.

ART. 307. Si la menace faite avec ordre ou sans condition a été verbale, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 25 à 300 francs. Dans ce cas comme dans celui des précédents articles, la peine de la surveillance pourra être prononcée contre le coupable.

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L'exposé des motifs s'exprime en ces termes :

En comparant les art. 305 et 307, on remarquera que, dans l'un et l'autre, c'est la menace accompagnée d'ordre ou de condition, verbale dans celui-ci, écrite dans celui-là, c'est toute la différence : quelle distance entre les deux peines ! Celle des travaux forcés à temps, infligée à la menace écrite, fut toujours considérée comme extrêmement sévère. Quand on réfléchit que c'est la peine du viol, du vol avec violence et d'autres grands crimes, on s'étonne de la voir appliquer à ce qui n'est, après tout, que la menace d'un crime. Les circonstances du temps où la loi fut faite peuvent expliquer en partie cette sévérité. Les mœurs gardaient encore des habitudes de violence dont la trace est visible dans quelques incrimi– nations du Code, les menaces d'attentat inspiraient de justes alarmes ; l'ordre était obéi ou la menace exécutée. Il faut bien reconnaître qu'elles

n'ont plus la même importance aujourd'hui ; elles restent en général à l'état de menaces, sans danger pour la sécurité publique, et n'aboutissent le plus souvent qu'à livrer leurs auteurs aux mains de la justice. Le résultat des poursuites montre mieux encore que cette infraction a singulièrement perdu de sa gravité : les acquittements sont nombreux, les condamnations presque toujours modifiées par les circonstances atténuantes ; et les Cours, en abaissant la peine de deux degrés, s'associent manifestement aux appréciations du jury.

Le rapport de la Commission ajoute seulement :

Le projet rétablit la proportion en atténuant la peine infligée à la menace écrite et en la faisant descendre à un emprisonnement de deux à cinq ans. Il est d'autant plus sage d'en agir ainsi, qu'en l'état de nos mœurs et des moyens de sécurité que la société présente, il est rare que les menaces soient prises au sérieux, et rare surtout qu'elles soient suivies d'exécution. L'atténuation qui précède explique celle que le projet apporte, dans l'art. 306, à la peine infligée à la menace écrite sans condition. L'emprisonnement ne sera plus que d'un an à trois ans, alors qu'il était de deux à cinq ans, la peine de l'amende demeurant d'ailleurs ce qu'elle était déjà.

2641. L'art. 308 est un article nouveau qui ne figurait pas dans le projet et qui est dû à l'initiative de là Commission du Corps législatif. On lit dans son rapport:

Nous avons dit que les menaces écrites ou verbales ne sont punissables que si elles portent sur des attentats qui seraient punis eux-mêmes d'une peine perpétuelle; il suffit donc, pour échapper à toute peine, d'entourer la menace d'une forme un peu vague, ou de ne la faire porter que sur un fait qui ne soit puni que d'une peine correctionnelle. Or, pense-t-on qu'un homme menacé, par exemple, d'être roué de coups ou d'être souffleté pu– bliquement, s'il ne se soumet pas à telle ou telle exigence, ne puisse éprouver un trouble sérieux, et ne convient-il pas même dans ces cas de lui offrir la protection de la loi ? Si on la lui refuse, il ne la demandera qu'à lui-même, il portera des armes, et de graves accidents pourront quelquefois s'ensuivre. Nous avons cru qu'une disposition nouvelle était nécessaire, et nous l'avons proposée. Elle punit toutes les menaces écrites ou verbales portant sur d'autres faits que ceux prévus par l'art. 305; mais pour éviter d'incriminer de simples paroles irréfléchies, échappées à un mouvement de vivacité ou de colère, elle exige que la menace ait eu lieu pour exercer une contrainte, c'est-à-dire qu'elle ait été faite, avec ordre ou avec condition. Les tribunaux apprécieront les circonstances diverses de nature à établir que cette menace n'était pas une vaine jactance, qu'elle avait pour but et qu'elle était capable d'intimider sérieusement la personne qui en était l'objet. La peine de six jours à six mois d'emprisonnement permettra dans tous les cas de laisser la répression de la menace au-dessous de la peine qui serait applicable au fait dont on aura menacé, si ce fait s'était accompli,

L'art. 308, tel qu'il était proposé par la Commission et tel qu'il avait été adopté par le Conseil d'État, était ainsi rédigé :

« Dans le cas où la menace, écrite ou verbale, aurait porté sur des voies de fait ou violences quelconques non prévues par l'art. 305, si elle a été faite avec ordre ou sans condition, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de 16 à 100 fr. ou de l'une de ces deux peines seulement. »

M. Ernest Picard a fait remarquer que cette rédaction n'était pas suffisamment claire; qu'on avait voulu dire sans doute « dans le cas où l'on aurait menacé de voies de fait ; » mais qu'il ne suffit pas qu'on puisse deviner le sens de la loi. Il a demandé le renvoi à la Commission. M. le rapporteur a reconnu que l'article n'était pas bien rédigé, et a consenti au renvoi qui a été prononcé (séance du 13 avril). A la séance du 17, le président a donné lecture d'une nouvelle rédaction qui a été adoptée sans discussion. Voici le texte définitif de cet article:

ART. 308. Quiconque aura menacé, verbalement ou par écrit, de voies de fait ou violences non prévues par l'art. 305, si la menace a été faite avec ordre ou sous condition, sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de 16 à 100 fr. ou de l'une de ces deux peines seulement.

2642. La loi, après avoir modifié les articles du Code relatifs aux menaces, arrive aux coups et blessures volontaires. C'est ici que se trouve l'une de ses innovations les plus graves: c'est dans l'art. 309 qu'elle a été introduite. Voici le texte du nouvel article:

ART. 309. Tout individu qui volontairement aura fait des blessures ou porté des coups ou commis toute autre violence ou voie de fait, s'il est résulté de ces sortes de violences une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours, sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de 16 à 2000 francs. Il pourra en outre être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. Quand les violences ci-dessus exprimées auront été suivies de mutilation, amputation ou privation de l'usage d'un membre, cé– cité, perte d'un œil, ou autres infirmités permanentes, le coupable sera puni de la reclusion. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni de la peine des travaux forcés à temps.

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