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ou guet-apens, l'emprisonnement sera de deux ans à cinq ans et l'amende de 50 à 500 fr.

Cette modification n'existait pas dans le projet du Gouvernement: c'est un amendement de la Commission qui l'a inséréé dans la loi. On lit dans le rapport:

Les art. 309 et 311 ne parlent que des blessures et des coups. Comme nous l'avions déjà fait dans l'art. 228 (V. suprà, no 2633), nous y avons introduit par une mention spéciale: toutes violences ou voies de fait, afin d'atteindre plus sûrement celles de ces violences qui sans être précisément des coups, ont cependant un caractère de gravité punissable. Ainsi le fait d'avoir saisi un individu au corps, de l'avoir jeté à terre, de l'avoir poussé contre un corps dur, de lui avoir arraché les cheveux, de lui avoir craché au visage, pourront désormais sans contestation tomber sous l'application de ces articles.

Cette addition apporte dans notre jurisprudence un notable changement. Notre Code ne s'était occupé que des coups et blessures; il n'avait nullement parlé des voies de fait et violences légères, et nous avons vu (no 1181) qu'il fallait exhumer l'art. 10 de la loi du 19-22 juillet 1791 et l'art. 605, no 8, du Code du 3 brumaire an iv pour y trouver une disposition répressive de ces sortes d'infraction. Toutes les voies de fait qui n'avaient causé aucune blessure ou qui n'avaient point été accompagnées de coups n'étaient, en conséquence, passibles que de peines de police, et si elles avaient été commises dans des assemblées ou lieux publics, d'une détention de trois à huit jours. Il paraît évident que l'art. 311, qui punit maintenant, non-seulement les coups et blessures, mais encore les autres violences ou voies de fait qui n'ont occasionné ni maladie ni incapacité de travail de plus de vingt jours, s'applique aux voies de fait et violences légères prévues par les lois du 19-22 juillet 1791 et 3 brumaire an iv. La minimité du minimum de la peine qui peut, même sans circonstances atténuantes, être réduite à une amende de 16 fr. prouve l'intention de la loi. Il n'y aura plus lieu de recourir à ces deux lois, qui se trouvent sous ce rapport abrogées.

2648. L'art. 312, de même que l'art. 310, n'a été modifié qu'en ce qui concerne la gradation pénale motivée par la circonstance aggravante qu'il prévoit :

ART. 312. L'individu qui aura volontairement fait des blessures ou

si

porté des coups à ses père ou mère légitimes, naturels ou adoptifs, ou autres ascendants légitimes, sera puni ainsi qu'il suit : de la reclusion, les blessures ou les coups n'ont occasionné aucune maladie ou incapacité de travail personnel de l'espèce mentionnée en l'art. 309; du maximum de la reclusion, s'il y a eu incapacité de travail pendant plus de vingt jours, ou préméditation ou guet-apens ; des travaux forcés à temps, lorsque l'article auquel le cas se référera prononcera la peine de la reclusion; -des travaux forcés à perpétuité, si l'article prononce la peine des travaux forcés à temps.

On lit dans l'exposé des motifs :

-

L'art. 312 établit une gradation analogue pour les cas de violence commis sur des ascendants légitimes. Toutes les peines prononcées dans les articles 309, 310, 311 sont élevées alors d'un degré, excepté celle de travaux forcés à perpétuité, qui reste le dernier terme de la progression. Le nouvel art. 312 serait conçu dans le même esprit. Les changements qu'on y remarque proviennent de la même cause que ceux de l'art. 310: seulement, comme la gradation compterait ici un degré de plus, pour l'arrêter à la peine des travaux forcés à perpétuité, il a fallu établir deux degrés dans la reclusion, qui est le point de départ. C'est un moyen autorisé par des précédents dans le Code même.

Le rapport de la Commission se borne à reproduire cette ob

servation:

Les art. 310 et 312 élèvent la peine d'un degré dans le cas où la peine s'aggrave par la circonstance de la préméditation ou de la qualité de la personne qui a reçu les coups ou blessures. Le projet n'y touche que pour les mettre en harmonie avec la nouvelle classification adoptée et pour établir une nouvelle échelle de peine selon les circonstances et selon le résultat des violences exercées.

Il y a lieu de remarquer que l'art. 312 ne parle que de «l'individu qui aura volontairement fait des blessures ou porté des coups à ses ascendants » ; il laisse de côté les autres violences ou voies de fait que la loi a incriminées dans les art. 309 et 311. Le législateur a peut-être pensé que ces violences et voies de fait, lors même qu'elles sont exercées sur la personne des ascendants, trouvent une répression suffisante dans le maximum facultatif des peines édictées par ces deux articles.

2649. L'art. 320, qui a pour objet les blessures ou coups involontaires, n'a été modifié que pour apporter une atténuation à la double pénalité qu'il prescrivait :

ART. 320. S'il n'est résulté du défaut d'adresse ou de précaution que des

blessures ou coups, le coupable sera puni de six jours à deux mois d'emprisonnement et d'une amende de 16 à 100 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement.

L'exposé des motifs motive cette atténuation en ces termes : «En se reportant à l'art. 311 on voit que la peine de l'emprisonnement est facultative: c'est bien le moins que le juge ait la même faculté quand il s'agit de coups involontaires. » Le rapport répète la même observation: « La faculté de substituer l'amende à l'emprisonnement qui existe pour le juge dans le cas de blessures volontaires, doit exister à plus forte raison pour le cas de blessures involontaires, qui présente nécessairement une moindre gravité. » Il est peut-être étrange que le législateur, puisqu'il revisait spécialement l'art. 320, n'y ait introduit aucune distinction à raison du plus ou moins de gravité des blessures ou de la lésion causées par la faute de l'agent.

SECTION VIII.

MODIFICATIONS AUX DISPOSITIONS DU CODE RELATIVES AUX ATTENTATS AUX MOEURS ET A LA SUPPRESSION DE L'ÉTAT CIVIL D'UN ENFANT.

(Art. 330, 331, 333, 334 et 345.)

2651. Modification de l'art. 330 : aggravation de la pénalité,

2652. Modification de l'art. 331: l'âge des enfants victimes des attentats à la pudeur sans violence est porté à 13 ans.

2653. Addition d'un deuxième paragraphe à l'art. 331: l'àge des victimes est reculé jusqu'à la majorité ou l'émancipation par mariage, quand le coupable est un ascendant.

2654. Rectification faite à l'art. 333.

2655. Proposition et rejet de plusieurs modifications à l'art. 334, sur l'excitation des mineurs à la débauche.

2656. Addition de deux paragraphes à l'art. 345, pour punir la suppression d'enfant, quand il n'est pas établi que l'enfant ait vécu ou qu'il n'est pas établi qu'il n'a pas vécu.

2651. L'outrage public à la pudeur était puni par l'art. 330 «d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 16 à 200 fr. » Cet article a été rectifié comme suit :

Art. 330. Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur sera punie d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de 16 à 200 francs.

Cette aggravation de la peine d'emprisonnement, qui n'avait point été proposée dans le projet du Gouvernement, est motivée dans le rapport de la Commission en ces termes :

L'art. 330 limite à une année d'emprisonnement le maximum de la peine qu'il prononce. Cette limite rend impossible l'application de la récidive à la réitération des outrages publics à la pudeur. Rien n'explique une disposition qui, sans intention peut-être, excepte d'une juste sévérité des faits dont il importe de prévenir le renouvellement et qui sont plus dangereux et plus punissables que la plupart de ceux auxquels les peines de la récidive sont applicables. C'est pour obvier à cet inconvénient que, tout en maintenant à trois mois le minimum de la peine prononcée par l'art. 330, nous avons proposé de porter le maximum à deux ans.

2652. Une disposition plus grave a été introduite dans l'art. 331. On sait que la loi du 28 avril 1832, réparant une omission du Code, avait prévu dans cet article l'attentat à la pudeur commis sans violence, en fixant à onze ans l'âge audessous duquel la violence est présumée sur la personne des enfants. Le projet du Gouvernement proposait de reculer cette limite jusqu'à douze ans,

Le nombre de ces crimes, dit l'exposé des motifs, va croissant, malgré la répression à laquelle le juge ne fait pas défaut. Néanmoins on ne vous propose pas d'élever la peine, mais de reculer la limite d'âge. C'est le moyen d'atteindre ceux qui, par un odieux calcul, pour s'assurer l'impunité, ajournent leur attentat jusqu'au lendemain de la onzième année révolue. Les exemples n'en sont pas rares; la limite proposée de douze ans est celle qui existe dans beaucoup de pays d'Europe, et notamment en Toscane et dans les Deux-Siciles, où le développement de l'enfance est plus précoce que chez nous. La limite est de quatorze en Suisse, en Prusse et en Autriche.

Ces paroles semblaient contenir une sorte de provocation à reculer plus loin encore la limite proposée, et, en effet, le rapport de la Commission a subi cette impulsion :

Votre Commission a accueilli cette idée avec une telle faveur qu'elle a voulu reculer encore cette limite. Les attentats de ce genre se multiplient, et leur nombre toujours croissant prouve que la dépravation des mœurs l'emporte sur la réserve que l'enfance doit inspirer, et sur le respect qu'elle mérite. Il est juste de protéger les familles contre ce désordre moral. Puisqu'il atteint un si grand nombre d'enfants, qui n'ont pas même accompli l'âge de 11 ans, combien n'en doit-il pas atteindre qui sortent à peine de cet âge! Et cependant qui oserait affirmer que, dès qu'il l'a

dépassé, l'enfant est capable de donner un consentement réfléchi? Le plus souvent, même à douze ans, son développement physique ou intellectuel ne lui permet pas d'avoir une conscience entière de ses actes, et si quelques exceptions se rencontraient, quel inconvénient y aurait-il à le prémunir contre ses propres entraînements, et à le préserver d'une dégradation précoce? L'influence des climats est ordinairement prise en considération dans ces matières la limite d'âge est fixée à 12 ans en Toscane, en Sardaigne et dans les Deux-Siciles, et à 14 ans en Suisse, en Prusse et en Autriche. Nous proposons de la fixer à 13 ans pour la France; elle tiendra ainsi le milieu entre les pays du Nord et ceux du Midi, et elle répondra à un véritable intérêt moral révélé par les observations pratiques dans le nôtre. M. Bucher de Chauvigné avait voulu la reculer jusqu'à 14 ans : la majorité de votre Commission a pensé que si la loi allait trop loin elle pourrait multiplier les accusations et les scandales sans obtenir une répression plus efficace.

Aucune observation n'a été exprimée dans le Corps législatif sur cette innovation, et l'article a été adopté dans les termes suivants :

Art. 331. Tout attentat à la pudeur, consommé ou tenté sans violence sur la personne d'un enfant de l'un ou de l'autre sexe, âgé de moins de treize ans, sera puni de la reclusion.

Cette modification nous paraît l'une des plus utiles de la loi. On doit applaudir à la pensée morale qui, pour protéger l'enfance contre d'odieux attentats, vient en prolonger la durée. Il est bien de préserver l'enfant le plus longtemps possible, aussi longtemps qu'il demeure enfant, contre la séduction qui a pour but de le flétrir ou de le corrompre. Nous aurions voulu cependant que la Commission fit connaître les faits qui l'ont portée à s'écarter de la limite de 12 ans, posée avec une plus haute prudence peut-être dans le projet du Gouvernement. Ce projet n'avait fait que suivre en cela la plupart des législations étrangères. Aux lois citées dans l'exposé des motifs, on peut joindre celles de Saxe, de Bavière et même d'Espagne. Il faut prendre garde que plus on approche de l'âge nubile et plus il y a lieu de craindre que la volonté ne vienne contredire la présomption de contrainte morale qui est l'élément du délit. Le péril est de confondre l'attentat à la pudeur avec l'immoralité. Les poursuites en cette matière devront, d'ailleurs, être exercées avec une certaine réserve, non pas seulement à raison du

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