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JOB. du Fils unique du Pere. Or il y a cette difference Chap. entre l'impie & l'injufte, ou le méchant

27.

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que tout impie eft injufte, mais que tout injufte n'eft pas impie. L'impie marque d'ordinaire l'infidelle, c'eft-à-dire celuy qui bleffe la pieté de la Religion: Et l'injufte eft celuy qui bleffe l'équité & la juftice, par le déreglement & la dépravation de fes actions, quoy qu'il faffe profeflion de la foy Chrêtienne.

C'eft donc la fainte Eglife qui emprunte icy la voix de Job, pour dire que fon ennemi eft un impie; parce qu'elle fouffre des contradictions à fa vraye foy, de la part de ceux qui font infidelles; Et elle appelle fon adverfaire injufte; dautant qu'elle eft interieurement combattuë par les mœurs dépravées & corrompues de ceux qui fous le vain pretexte de la foy, demeurent en fon fein.

Que fi le mot de, comme, fe prend icy pour une comparaifon, on peut dire que l'Eglife compare aux impies, ceux qui vivent dans fon fein d'une maniere charnelle. Car elle confidere comme ennemi, celuy qui renonce par fes actions à la foy qu'il profeffe feulement de bouche. Et parce qu'elle regarde auffi comme un infidelle, celuy qui n'étant dans fon fein qu'en apparence, la combat par l'iniquité de fa vie, il eft dit icy avec grande raison: Mon ennemi eft comme un impie; & mon adverfaire comme un injufte & un pecheur. Comme fi l'Eglife difoit en termes plus clairs: Je confidere celuy qui ne s'accorde pas avec moy par fes actions, comme s'il ne s'y accordoit pas par la foy.

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Qu'au lien
que les hypocrites affectent de faire pa-
roître des vertus qu'ils ne poffedent pas en effet,
les faints affectent au contraire de cacher celles
qu'ils poffedent: Que fi à l'exemple de faint
Paul, ils font quelquefois obligez d'en découvrir
une partie, ce n'est jamais que pour l'édification
de leur prochain: Et que d'ordinaire Dien n'é-
coute point les prieres de ceux, qui aprés avoir
méprisé fa loy durant leur vie, n'ont recours à
luy qu'à la mort ; mais qu'il les punit en l'autre
monde avec une effroyable rigueur.

Q

JOB.

Chap.

27.

UELLE eft l'efperance de l'hypocrite, s'il 7• ravit le bien d'autruy avec avarice, & que Dieu ne délivre pas fon ame ? L'hypocrite qui en nôtre langue s'appelle diffimulé, ne travaille pas pour être effectivement jufte, mais pour le paroître. De forte que c'eft un voleur avare, qui voulant être honoré comme faint, fans quitter fa mauvaise vie, ravit les louanges qui font deues à la veritable fainteté, dont il eft tres-éloigné. La principale étude des hypocrites eft de cacher ce qu'ils font, & de faire éclater aux yeux des hommes ce qu'ils ne font point; afin d'être plus eftimez qu'ils ne valent, & de parokre furpaffer les autres par le merite de leur vie. Ils ne fuyent rien avec tant de foin que d'être vûs dans le fonds du cœur ; & ils fe couvrent devant le monde d'une certaine honnêteté exterieure qui n'eft que trompeufe. C'est pourquoy le Seigneur les reprend à bon droit dans fon Evangile, quand il leur dit: Malheur à vous hypocrites, qui êtes fem- Matth blables à des fepulchres blanchis, qui paroiffent aux 23.

27.

JOB. jeux des hommes beaux au dehors, mais qui au deChap. dans font pleins d'offemens de morts, & de toute forte de pourriture. Ainfi au dehors vous paroissez juftes devant le monde; mais au dedans vous êtes pleins d'hypocrifie & d'inquité.

1. Cor.

12.

Tous les faints au contraire font fi éloignez de vouloir être eftimez plus qu'ils ne meritent, qu'ils affectent de l'être moins. C'eft pourquoy faint Paul, cet excellent Predicateur de la verité, ayant raconté pour l'inftruction de ses disciples, & la confufion des faux Apôtres, une partie des merveilles qu'il avoit operées, & des perils où la violence de la perfecution l'avoit expofé; & enfuite fon raviffement jufqu'au troifiéme Ciel & au Paradis, où il avoit appris des chofes fi relevées qu'il ne les pouvoit exprimer, avoit encore beaucoup d'autres chofes plus admirables à rapporter de lui-même, fi l'éloignement des louanges, & de la gloire du monde ne l'eût retenu; ainfi qu'il le marque affez clairement en écrivant aux fidelles: Ie me retiens, de peur que l'on n'ait une plus grande eftime de moy, que celle que l'on peut prendre, de ce que l'on me voit faire, ou qu'on m'entend dire.

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Il y avoit donc encore quelque chofe à dire de lui-même qu'il veut taire: & ainfi il ne manque à rien; puis qu'en racontant une partie des chofes qu'il avoit faites, il inftruit utilement fes difciples; & en cachant une autre partie dans l'obscurité du filence, il fe maintient toûjours dans les bornes de l'humilité. Et en effet, il eût d'une part été trop ingrat envers fes difciples, s'il les cût privez de la connoiffance de tant de faintes actions;. & d'autre part il eût peché contre la prudence, s'il les leur eût toutes découvertes. Mais il agit avec beaucoup de fageffe entre ces deux vicieufes ex

tremitez,

JOB.

tremiteż, en édifiant fes difciples par fes paroles, 103. & s'édifiant foi-même par fon filence.

Chap:

Quand les Saints découvrent quelque chofe de 27.. leurs vertus à leurs difciples, ils imitent en cela la conduité de leur Createur. Car Dieu qui nous défend de publier nos propres loüanges, fe loue lui-même dans fes Ecritures; non pas qu'il en ait befoin, puis que rien ne le peut élever dans une plus haute gloire ; mais parce qu'en nous découvrant fes grandeurs, il releve nôtre foibleffe & nôtre ignorance; & nous faifant connoître les biens excellens qui font en lui, il apprend aux hommes des chofes qu'ils ignoreroient, s'il ne les leur apprenoit. Ainfi il publie fes louanges devant nous, afin que nous le puiffions connoître; qu'en le connoiffant nous puiffions l'aimer; que l'aimant nous le puiffions fuivre; que le fuivant nous puiffions arriver à lui; & qu'arrivant à lui, nous puiffions jouir de fa bien-heureuse veuë. Ce qui fait dire à David: Il annoncera à fon peuple la ver- Pf. 110 tu & la grandeur de fes œuvres, afin qu'il leur donne l'heritage des nations. Comme s'il difoit plus clairement: Il fait connoître les merveilles de fes ouvrages, afin d'enrichir de fes dons ceux qui les connoiffent.

Ainfi les Saints imitant la conduite de leur Createur, découvrent aux hommes quelque chofe de leur vertu; non pas pour en tirer vanité, mais pour inftruire ceux qui les écoutent ; & cependant ils prennent foigneufement garde à eux,de crainte qu'en voulant retirer les autres de l'application aux chofes terreftres, ils ne tombent eux-mêmes dans le defir des louanges de la terre. Les hypocrites les veulent fouvent imiter; mais en parlant comme les juftes, ils n'agiffent pas par le même Tome III.

B

JOB.

8

efprit ; & ils font pour la gloire de leur propre reChap. putation, ce que les Saints ne font que dans la veuë de l'utilité fpirituelle de leur prochain.

27.

Rom. 8.

Prov.

Le faint homme Job confiderant donc les hypocrites, remarque qu'ils ne cherchent point la gloire future de l'autre vie; mais feulement celle de la vie prefente, lors qu'il dit ici: Quelle est l'efperance de l'hypocrite? parce qu'en mettant toute leur affection dans les chofes de ce monde, ils ne penfent nullement à celles qui font à ve

Պ.

; felon ces paroles de l'Ecriture: Qui est celuy qui efpere encore ce qu'il voit déja? Ainfi l'hypocrite n'afpire point par fon efperance aux recompenfes de l'éternité; fe glorifiant de jouïr en cette vie, de ce qu'il ne devoit attendre qu'en l'autre..

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Or aprés avoir fait connoître fon crime, Job en marque la punition, en difant enfuite: Penfezvous que Dieu entende fes cris, lors qu'il tombera dans l'affliction? Dieu n'entend point fes cris dans le tems de l'affliction; parce que durant la tranquillité il n'a pas voulu entendre la voix de Dieu qui lui parloit fans celle par fes preceptes; felon ces paroles de l'Ecriture: La priere de celuy, qui détourne fes oreilles pour ne point entendre la loy fera execrable. Comme donc ce faint homme fçavoit bien que la plufpart de ceux qui ne veulent pas faire du bien durant leur vie, ont recours fur la fin de leurs jours à la priere, il dit ici: Pensezvous que Dieu entende fes cris, lors qu'il tombera Matih. dans l'affliction? Ces paroles font femblables à

28.

25.

celles-ci du Sauveur dans fon Evangile. Enfin les autres Vierges vinrent auffi,& luy dirent: Seigneur, onvrez-nous; mais il leur répondit : Je vous dis en verité que je ne vous connois point. Car Dieu en ufera alors avec une severité d'autant plus gran

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