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de S. M., repoussant toute influence étrangère, fissent tous leurs efforts pour assurer une existence libre et indépendante à la Grèce. M. Lafitte, parcourant l'ensemble et les détails de la situation politique et financière de la France, n'y voyait que sujet de satisfaction ou d'espérance; il reconnaissait qu'un noble ministre (M. de La Ferronnays), dont l'éloignement accidentel des affaires était un malheur public, avait beaucoup contribué à lui rendre une attitude plus digne et plus convenable; mais il fallait suivre la route qu'il avait tracée pour le bien et l'honneur de la France, dont la gloire, les intérêts et la liberté voulaient qu'elle ne fût ni autrichienne ni anglaise.

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« La position de la France, disait l'hou. orateur en terminant son discours, est plus belle qu'elle ne fut jamais. Elle est libre aujourd'hui de fonder ses libertés religieuses, commerciales, domestiques; elle est libre de fonder ses finances, de choisir sa politique. Le monde l'observe et l'attend. Se montret-elle faible, incertaine, il s'éloigne et se décourage; s'il la voit forte et décidée, il se rapproche, il tend vers elle, disposé qu'il est à s'y rattacher. Le monde est plein d'incertitudes à terminer. La France les terminera, si, en matière d'opinion, d'administration, de politique, elle sait se prononcer avec force et franchise. La faiblesse, l'hésitation, seraient aujourd'hui aussi coupables que la volonté du mal. Le monde ne se ralliera qu'à la force. C'est donc à nous, messieurs, d'imprimer à notre administration le caractère de vigueur que notre intérêt, autant que notre gloire, exige d'elle. Si la force, si la décision, manquent quelque part, c'est à nous de l'y apporter. Un mot, un seal mot de vous peut l'imprimer où elle manque. Un mot suffit pour exprimer vos sentimens; et vos sentimens sont aujourd'hui la plus forte des impalsions. »

M. Mauguin aussi, s'élevant à de hautes considérations de politique extérieure, insistait fortement sur le rôle que la France pouvait jouer à la tête des puissances méridionales, et jetait quelques observations critiques sur la politique de l'ancien ministère qu'il trouvait anti-nationale et sur celle du cabinet actuel qu'il trouvait indécise et timide; il concluait en demandant que le ministère communiquât à la Chambre le traité du 6 juillet, et l'accord fait avec l'Espagne pour le paiement de l'emprunt.

M. le garde des sceaux, se levant alors pour défendre le système de politique extérieure dont il avait maintenant la direction, rendit d'abord hommage « aux inspirations du patriotisme dont les • accens venaient d'être exprimés, disait-il, avec tant de chaleur

« et de générosité. » Mais il n'en repoussait pas moins quelques assertions hasardées sur l'expédition de la Morée, d'abord « sur l'élé« vation des dépenses qu'on avait exagérées des deux tiers. » Relativement aux communications demandées, le ministre faisait observer que le traité du 6 juillet était un acte patent et public; il expliquait les causes de notre intervention dans le Péloponèse, causes qui étaient toutes d'humanité : « c'est l'amour de la paix, di<< sait-il en substance, qui nous a poussés en Grèce et non la poli<< tique d'une des puissances belligérantes. On s'est d'abord renfermé << dans les limites posées par le traité de Londres, qui avait placé le Péloponèse et quelques îles de l'Archipel sous la protection des « trois couronnes. Ces limites dont on se plaint n'ont pas été fixées « définitivement: on ne s'est point engagé à laisser l'Attique en de<< hors de la Grèce; et le traité du 6 juillet n'est qu'un acte préli<< minaire qui recevra ses développemens lors de la pacification gé

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<< nérale. >>

A l'égard de la convention avec l'Espagne, le ministre se bornait à en rappeler les principales conditions, et il déclarait en terminant, que le Gouvernement français qui n'avait envoyé jusqu'alors que des agens commerciaux dans les nouveaux états de l'Amérique, n'y accréditerait des agens diplomatiques que lorsque l'ordre et la paix y seraient entièrement rétablis.

Ce discours avait été entendu avec faveur du côté gauche. Mais il s'éleva bientôt de l'autre côté des observations critiques plus sévères sur le système du ministère.

M. de Conny considérant que l'adresse au Roi doit être l'expression vraie de l'état moral des besoins et des vœux de la France, et que c'est un devoir de dire la vérité tout entière au Père de la patrie, profondément convaincu, disait-il, que la situation morale des esprits et la marche incertaine du pouvoir préparait dans un prochain avenir à la France le retour des plus redoutables calamités, signalait les systèmes qui lui paraissaient annoncer en France une révolution pareille à celle qui précipita les Stuarts du trône d'Angleterre en 1688.

Observons, dit l'honorable député, les faits qui précédèrent le dénouement de cette catastrophe. Les moteurs de la révolution anglaise ne parlaient-ils point sans cesse de l'existence d'une coalition de papistes, de jésuites, d'évêques ?

N'avez-vous pas entendu, il y a peu de jours, les cris qui s'élevaient de toutes parts lorsque l'on a supposé qu'un noble duc allait être appelé à siéger parmi les ministres? Ne répétait-on pas de mille manières diverses que le triomphe de la faction ultramontaine était assuré si le prince (de Polignac) était appelé aux affaires ? C'en était fai1, s'écriait-on, des libertés de la France: car, des long-temps, ce prince conspire contre les libertés de sou pays... Non, messieurs, ce n'est point contre les libertés de la France que ce prince conspire; ce fut contre la tyrannie que son bras s'arma. Fidèle à une cause sacrée, et fidèle dans le malheur, il conspira pour son roi en présence des échafauds; il s'arma pour arracher son pays an joug du plus honteux despotisme. Je laisse à ceux qui, en 1829, se décorent en France du nom de défenseurs de la liberté, le soin de nous dire si en 1804 leurs bras s'armèrent aussi pour repousser la tyrannie.

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Voilà, messieurs, entre mille, un de ces traits qui forment l'étrange tableau des temps où nous vivons. C'est ainsi qu'on conçoit la pensée d'imposer des lois à la couronne et de lui arracher, dans le choix de ses ministres, les prérogatives qui sont dans l'essence de la royauté et que consacra notre loi fondamentale. »

Nous ne voulons point de révolutions, répète-t-on sans cesse autour de nous; mais qu'est-ce qu'une révolution dans un état monarchique, sinon l'abaissement de l'autorité royale et l'intention de la souveraineté populaire? et lorsque le pouvoir ne combat point ce funeste entraînement des esprits, la foi monarchique s'éteint au fond des cœurs, on cesse de croire à la royauté; elle ne devient plus qu'an vain nom, qu'une ligue, souvenir que chaque jour efface de la mémoire. La destinée des peuples est alors livrée à tous les hasards. Triste résultat d'un pouvoir qui, marchant sans direction, ne prenant conseil que de la faiblesse ou de la peur, doit tomber enfin sous les coups des factions que, loin de combattre, trop long-temps il a flattées.

Observons, messieurs, la marche du pouvoir; quels sont ses actes, et qu'avons-nous va depuis la suspension de nos travaux ? une honteuse inquisition exercée dans les écoles, inquisition que désavouent à la fois et l'esprit et la lettre de la Charte, et qui rappelle les mesures d'une époque à jamais flétrie, à laquelle le directoire donna et son nom et sa triste renommée. Qu'avonsnous vu, messieurs? l'éducation publique, sur laquelle repose l'avenir de la France, dépouillée de la majesté dont la revêtait la religion. Qu'a donc apporté l'année qui vient de s'écouler? La dispersion de quelques hommes réubis au nom d'un Dieu de paix pour enseigner son culte à ses enfans, de jeunes Français exilés par la tendresse paternelle loin de la patrie, pour rerueillir sur une terre étrangère les leçons de leurs maîtres. Des prêtres qui veillaient à la garde des tombeaux non loin des murs de la capitale, et qui enseignaient de jeunes enfans en leur racontant les malheurs de la patrie et priant Dieu sur les cendres de leurs victimes, ont été éloignés de ce pienx asile et dispersés au nom de l'ordre légal; voilà, messieurs, les trophées que le plus jeune de nos ministres peut offrir à la France.

Indiquons sans faiblesse ces signes funestes que l'on observe de toutes parts; ces signes, tristes avant-coureurs de ces époques sanglantes, où l'esprit de vertige, s'emparant des nations, vient les livrer aux discordes et déchainer sur elles de redoutables calamités. Élevons une voix libre et indépendante ;

appelons les regards du trône sur le caractère distinctif du temps où nous vivons. C'est dans les inspirations de la sagesse royale qu'est le salut de la France; elle seule, des hautes régions où elle est placée, dominant les passions diverses qui s'agitent autour de nous, pent accomplir ses promesses et fermer à jamais l'abîme des révolutions.

Tels étaient les sentimens et les vœux que M. de Conny voulait que la Chambre portât aux pieds du trône, et comme le projet ne répondait point à sa pensée, il votait contre son adoption.

Le ministre de l'instruction publique (M. de Vatimesnil), personnellement inculpé dans ce discours, monta sur-le-champ à la tribune. Il venait « répondre avec le calme de la conscience à de vio<< lentes déclamations. On accuse les ministres du Roi de n'être con« duits que par la faiblesse et la peur, s'écrie-t-il; et moi, je dirai que << la faiblesse et la peur dictent les paroles de ceux qui rêvent de « vaines terreurs, au moment où la France entière entoure le trône « de son Roi, où des accens si sincères d'amour retentissent partout « sur son passage.

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Le même ministre se plaignait avec une profonde amertume de de ces mots d'inquisition honteuse échappés à l'orateur. « Magistrat «< dès mes plus jeunes années, ajoutait-il, j'ai toujours été l'esclave « des lois, et depuis que le Roi m'a appelé en ses conseils, je n'ai « fait que les exécuter avec fidélité, je pourrais même dire avec << douceur. Qu'a-t-on demandé aux professeurs? une simple déclaration, et on s'est confié dans leur parole. Les professeurs, loin a d'être persécutés, ont été entourés de toutes les garanties qu'ont prescrites les règlemens universitaires, et qui avaient été violees; plusieurs de ceux qui avaient été arbitrairement destitués ont été rappelés à leurs fonctions. >>

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Après M. de Leyval (Félix ) qui parla dans le sens de l'adresse présentée, vint M. de Montbel qui s'éleva fortement contre les ordonnances du 16 juin, contre l'expédition de Morée, contre les concessions des ministres à l'opinion publique.

« Nous ne laisserons point passer sans protestation, dit-il, l'approbation d'actes surpris à la religion du monarque et qui sont attentatoires aux droits les plus précieux des citoyens. La première ordonnance du 16 juin a détruit huit établissemens célèbres par la confiance qu'ils inspiraient à un très grand

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nombre de familles, par la garantie d'une éducation qu'éclairaient la religion et la morale. Pour les anéantir, on a invoqué l'ordre légal: devait-on ouvertement violer la loi fondamentale; loi où tous les Français doivent chercher la reconnaissance de leurs droits, et trouver la sauve-garde de leurs libertés? » Si an ministre s'empare du pouvoir de mettre des Français hors de la Charte, sous prétexte qu'ils suivent certains règlemens de vie, qu'ils ont certaines opinions, qu'ils se livrent à certaines pratiques dans la religion de l'état, s'il peut porter ainsi son investigation jusque dans les plus minutieux détails de la vie intérieure, que devient la liberté religieuse? un autre ministre ne se croira-t-il pas le droit de torturer d'autres consciences, de proscrire d'autres croyances, d'établir un autre régime exceptionnel contre d'autres Français ? Messieurs, croyez-moi, dans l'intérêt de la liberté civile et religieuse, n'applaudissez pas à cette manifeste violation de la Charte, dans l'intérêt de tous ne souffrez pas qu'on méconnaisse les droits de quelques hommes, qui quelles que soient vos idées à leur égard, n'en sont pas moins vos concitoyens. >

Quant à l'expédition de Morée, M. de Montbel la regardait comme n'ayant été commandée ni par la raison publique, ni par les convenances de notre diplomatie, ni par les intérêts de la France. C'était une concession faite à l'esprit de parti, à un enthousiasme factice qui ne pouvait être que funeste à notre commerce, à notre influence dans le Levant.

Plusieurs orateurs (MM. Sébastiani, Agier, Dupin aîné) se firent encore entendre, et s'accordèrent à reconnaître dans ce projet d'adresse, de la mesure, de la force, les véritables sentimens du pays, ainsi qu'à repousser les sinistres présages, les vaines terreurs de l'opposition. « Non, s'écriait le dernier orateur (M. Dupin aîné), le « calme ne sera pas troublé en dépit de ceux qui affectent de craindre le désordre, comme de ceux qui voudraient le proa voquer. "

La discussion sur l'ensemble de l'adresse avait été longue et animée : celle qui s'ouvrit ensuite sur les divers paragraphes n'aboutit qu'à faire de légères modifications dans les termes du projet, et n'offrit quelque intérêt qu'au quinzième, relatif aux ordonnances du 16 juin. Ainsi M. de Lépine craignant qu'il n'en résultât de graves dangers pour la religion de l'état et pour l'état lui-même, proposait d'y insérer un paragraphe par lequel Sa Majesté serait suppliée : 1° De modifier les mesures prises pour assurer la perpétuité du sacerdoce et préserver la religion de nos pères de toute atteinte; et de les adoucir principalement dans les diverses parties dont Ann. hist. pour 1829.

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